Le titre est un peu trompeur. Parce que même si le film tourne autour d'une boutique de "dorayaki" et même si l'on suit pas à pas la vraie recette de l'anko, cette pâte de haricot rouge qui vient fourrer les petites crèpes, le propos du film n'est pas là. Les "doryaki" ne sont qu'un prétexte pour parler des gens, du cuisinier qui tient la boutique, des écolières qui constituent sa principale clientèle et de la vieille dame qui a toujours rêvé de travailler dans un magasin comme celui-là et que le cuisinier finit par embaucher jusqu'au jour où....
Je devrais m'arrêter là pour ne pas gâcher le film à ceux qui ne l'ont pas encore vu, mais autant ne rien dire du tout. Car le vrai sujet du film c'est une maladie terrible, longtemps considérée comme contagieuse, qui a conduit à faire vivre ceux qui en étaient atteint à l'écart de la société. A les couper du monde. Il s'agit de la lèpre. La vieille dame du film a en effet les mains déformées par la maladie.
Il a sans doute fallu à Naomi Kawase beaucoup de courage pour aborder un tel sujet, encore tabou : celui de l'ostracisme vis à vis de gens considérés comme impurs. Elle le fait avec beaucoup de finesse, beaucoup de tendresse; elle abuse, à mon goût, des gros plans qui finissent par fatiguer le regard, mais si l'image est insistante, le discours reste léger; la cinéaste laisse le spectateur libre de ses conclusions, libre de s'interroger sur la façon dont telle ou telle société exclut une partie de ses membres sous un prétexte ou un autre. Le film parle du Japon qui a aboli en 1996 la loi sur l'internement des lépreux votée en 1907. Oui mais ailleurs ? Comment traitons nous nos lépreux Léproserie ? Lazaret ? Des mots d'un autre âge ou toujours d'actualité ?
La paille dans l'oeil du voisin, la poutre dans le nôtre ? Car n'y a-t-il pas dans nos sociétés occidentales bien d'autres gens que nous tenons à l'écart et traitons comme des lépreux ? Pourquoi ? A la fin du film, en faisant intervenir la propriétaire qui du jour au lendemain congédie le gérant de la boutique de "dorayaki", Naomi Kawase ne laisse -t-elle pas entendre que dans une société gouvernée par le profit, ce sont toujours les malades, les vieux, les pauvres, les démunis qui sont ostracisés ?
Les saisons passent, le temps s'en va, mais rien ne change ?
Oui Les Délices de Tokyo est un beau film. Pas délicieux, non. Juste beau.
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