Living is easy with eyes closed
Misunderstanding all you see
Ce sont ces deux vers extraits de
Strawberry Fields Forever qui ont donné à David Trueba le titre et sans doute l'idée de son film, un petit régal de douceur - mais pas de douceur mièvre - par les temps qui courent.
Pourtant cela ne commence pas si bien que cela, cela commence par deux fugues : celle d'un adolescent giflé par son père parce qu'il refuse de se faire couper les cheveux et celle d'une jeune femme tenue prisonnière parce qu'elle est enceinte sans être mariée. Machisme, autoritarisme, violence : on est dans l'Espagne des années 60. Heureusement il y a Antonio, le prof, fou des Beatles, qui enseigne à ses élèves la langue de Shakespeare à travers les chansons de John Lennon !
Et c'est le début d'un road-movie qui mène ces trois personnages au fin fond de l'Andalousie sur les traces d'un tournage où doit figurer le grand héros d'Antonio. *
L'histoire, les personnages, tout est un peu farfelu dans ce film, tourné avec la lumière et les couleurs du cinéma de ces années-là, ce qui ajoute incontestablement à son charme; mais l'essentiel reste ce souffle de liberté qui traverse l'Espagne franquiste, grâce aux chansons des Beatles et grâce surtout à l'infatigable optimisme, l'ouverture d'esprit, la générosité et le brin de folie de cet Antonio dont la bonne humeur et l'enthousiasme finissent par contaminer ses jeunes compagnons : petit, gros et chauve, mais d'une grande sensibilité, il leur apprend à vivre les yeux ouverts.
David Trueba est né en 1969, il est donc bien trop jeune pour avoir connu la grande époque des Beattles qui pour lui appartient à l'histoire, mais il a parfaitement su en restituer l'impact sur une génération qui étouffait sous la chape de plomb des règles et de l'autorité. D'une certaine façon son film est donc historique, bien que la nécessité de se débarrasser des préjugés qui troublent notre regard soit toujours d'actualité
* John Lenon a effectivement tourné un film sous la direction de Richard Lester du côté d'Almeria en 1966 ! Et c'est bien dans les moments de vide entre deux scènes qu'il a composé Strawberry Fields.