28 septembre 2017
Yaa Gyasi, No Home
Deux femmes en Afrique. Deux demi-soeurs, l'une de père Ashanti, l'autre de père Fanti. Ainsi commence le roman d'Yaa Gyasi. Deux destins différents dès le départ, mais en laissant Effia sur le continent africain alors qu'Essi est vendue comme esclave et envoyée en Amérique, Yaa Gyasi fait de ces deux personnages, et de leur longue descendance, les symboles même de la condition noire : esclavage (par le fait des Blancs comme par le fait des Noirs) déracinement, métissage, ségrégation, toutes les problématiques sont abordées au fil des générations.
L'arbre généalogique, au début du livre, permet de garder le fil de cette longue saga historique, entreprise audacieuse pour une jeune femme dont c'est le premier roman. Il est parfois un peu trop démonstratif dans sa volonté de ne rien laisser de côté, mais on s'attache malgré tout à chacun de ces personnages en lutte continuelle contre les forces qui sont supposées les déterminer.
25 septembre 2017
Faute d'amour
On ne sort pas tout à fait indemne d'un tel film : c'est un film sombre, très sombre (mais pas un polar pour autant), c'est un film qui dénonce ou qui désespère. Mais c'est vraiment, vraiment un excellent film.
Un peu lent au début, tant qu'il s'agit de mettre en place les personnages, ce couple qui divorce et se dispute pour ne pas avoir la garde de l'enfant. Car Aliocha n'a jamais été désiré et sa présence serait pour le père comme pour le mère un poids dans leur recherche égoïste du bonheur.
L'essentiel est désormais posé : la haine entre des individus qui avaient pourtant fait le choix de vivre ensemble, et l'égoïsme total, absolu, irréversible de chacun des personnages principaux, qu'il s'agisse de la mère, du père ou de la grand-mère. La vérité c'est que personne ne veut de cet enfant.
Les personnages sont suffisamment forts pour constituer la base d'un film psychologique intéressant et la façon dont le réalisateur les filme tout à fait remarquable. L'enfant est ici montré dans la lumière, sans doute le seul rayon de lumière du film parce que la plupart des scènes sont des scènes de nuit, dans des pièces mal éclairées ou éclairées à contre jour; dehors les arbres sont dénudés, le monde est triste et terne, sans couleur. La première image : un grand arbre dénudé, filmé en contre plan, un regard qui cherche la lumière à travers les branches mortes.
Seul contrepoint à ce monde sans âme, les membres du groupe de recherche qui procèdent avec rigueur et arpentent méthodiquement le terrain pour essayer de retrouver l'enfant disparu. On les voit fouiller un vieux bâtiment en ruine, témoin des fastes de l'ancienne URSS et le film soudain prend une autre dimension; ce n'est plus seulement une tragédie familiale, mais une tragédie politique et sans doute universelle. Lorsque toutes les valeurs qui constituaient la Russie communiste se sont effondrées, comme ce bâtiment, que reste-t-il si ce n'est la quête acharnée du bonheur, un bonheur individuel, matérialiste et, forcément, égoïste : les personnages sont constamment perdus dans leurs portables, et se gavent littéralement de "selfies" : moi, moi et d'abord moi ! Belle réflexion sur la perte des valeurs et les excès de l'individualisme dans la société occidentale.
A ses précédent films, déjà très remarqués, Le Retour, Elena, Léviathan (et Le Bannissement que je n'ai pas vu), Andrey Zvyagintsev en ajoute un nouveau, que j'ose pour ma part qualifier de chef-d'oeuvre ! Et si l'on sort de la salle un peu sonné, c'est peut-être parce qu'au fil de son oeuvre, le regard du cinéaste, bien que toujours aussi juste, se fait de plus en plus désespéré.
Un peu lent au début, tant qu'il s'agit de mettre en place les personnages, ce couple qui divorce et se dispute pour ne pas avoir la garde de l'enfant. Car Aliocha n'a jamais été désiré et sa présence serait pour le père comme pour le mère un poids dans leur recherche égoïste du bonheur.
L'essentiel est désormais posé : la haine entre des individus qui avaient pourtant fait le choix de vivre ensemble, et l'égoïsme total, absolu, irréversible de chacun des personnages principaux, qu'il s'agisse de la mère, du père ou de la grand-mère. La vérité c'est que personne ne veut de cet enfant.
Les personnages sont suffisamment forts pour constituer la base d'un film psychologique intéressant et la façon dont le réalisateur les filme tout à fait remarquable. L'enfant est ici montré dans la lumière, sans doute le seul rayon de lumière du film parce que la plupart des scènes sont des scènes de nuit, dans des pièces mal éclairées ou éclairées à contre jour; dehors les arbres sont dénudés, le monde est triste et terne, sans couleur. La première image : un grand arbre dénudé, filmé en contre plan, un regard qui cherche la lumière à travers les branches mortes.
Seul contrepoint à ce monde sans âme, les membres du groupe de recherche qui procèdent avec rigueur et arpentent méthodiquement le terrain pour essayer de retrouver l'enfant disparu. On les voit fouiller un vieux bâtiment en ruine, témoin des fastes de l'ancienne URSS et le film soudain prend une autre dimension; ce n'est plus seulement une tragédie familiale, mais une tragédie politique et sans doute universelle. Lorsque toutes les valeurs qui constituaient la Russie communiste se sont effondrées, comme ce bâtiment, que reste-t-il si ce n'est la quête acharnée du bonheur, un bonheur individuel, matérialiste et, forcément, égoïste : les personnages sont constamment perdus dans leurs portables, et se gavent littéralement de "selfies" : moi, moi et d'abord moi ! Belle réflexion sur la perte des valeurs et les excès de l'individualisme dans la société occidentale.
A ses précédent films, déjà très remarqués, Le Retour, Elena, Léviathan (et Le Bannissement que je n'ai pas vu), Andrey Zvyagintsev en ajoute un nouveau, que j'ose pour ma part qualifier de chef-d'oeuvre ! Et si l'on sort de la salle un peu sonné, c'est peut-être parce qu'au fil de son oeuvre, le regard du cinéaste, bien que toujours aussi juste, se fait de plus en plus désespéré.
24 septembre 2017
Antonio Pajares : Imaginer la pluie
Un conte tendre et naïf. Ou un roman postapocalyptique... il y a un peu des deux dans le roman de l'écrivain madrilène, Antonio Pajares.
Cela commence dans le désert, où un enfant et sa mère survivent après un grand changement dont on ne saura jamais exactement de quelle nature il a été. Mais on peut le supposer. Lorsque la mère meurt, l'enfant reste seul, grandit, devient un homme et puis un jour, il se met en marche et marche vraiment très loin de son appentis et de ses deux palmiers; il rencontre un autre homme, un chinois...
L'écriture d'Antonio Pajares, à la fois sensuelle et simple accompagne parfaitement ce roman insolite qui se lit comme une fable, ou même une parabole. C'est un roman sans lieu (le désert, la mer) ni date (le jour, la nuit), mais traversé par les angoisses d'aujourd'hui.
22 septembre 2017
Chabeuil : Gérard Staron
C'est ma deuxième découverte à Chabeuil, une exposition tout en blanc, à l'inverse des photos très sombres de Pascal Reydet.
Gérard Staron photographie l'homme dans la nature, mais la nature est presque effacée et se perd en nuances de blanc alors que la présence humaine est elle miniaturisée : la mer? la plaine ? la neige peut-être ? Les paysages disparaissent dans un brouillard blanc d'où émergent de minuscules silhouettes noires. Imprimées sur papier à grain mat, les photos se rapprochent beaucoup de la gravure.
En jouant sur les contrastes, blanc/noir, mais aussi immense/minuscule le photographe, qui a intitulé sa série de photos "Lost", suggère l'insignifiance de la présence humaine dans l'univers. Il y a quelque chose de pascalien dans ces photos, quelque chose sur l'infiniment grand et l'infiniment petit.
Ce pourrait-être angoissant. J'ai trouvé cela apaisant.
Sur son site, vous trouverez beaucoup d'autres photos de Gérard Staron, un photographe qui passe aisément du noir et blanc à la couleur. Avec toujours le même sens de l'espace.
20 septembre 2017
Chabeuil : Pascal Reydet
Les rencontres de la photo de Chabeuil offrent la possibilité de rencontrer le photographe, toujours présent sur le site. Un plus indéniable !
J'ai pour ma part été particulièrement séduite par "Le Voyage sombre" de Pascal Reydet, des photos en noir et blanc, prises avec le Leica de son grand-père. Un Leica de 1936 quand même !
Mais plus que les aspects techniques, ce que j'aime dans les photos de Pascal Reydet, ce sont les histoires qu'elles ne racontent pas, mais qu'elles pourraient raconter puisque c'est à chacun de donner un sens à cette belle suite en noir et blanc. Pascal Reydet explique que la littérature et la musique tiennent autant de place dans sa vie que la photographie. Je n'en doute pas.
En suivant le lien ci-dessous vous pourrez retrouver les photos du Voyage Sombre, mais vous découvrirez bien d'autres photos, plus colorées mais tout aussi stimulantes pour l'imagination.
http://www.pascalreydet.com/fr/portfolio-17002-0-40-voyage-sombre.html
J'ai pour ma part été particulièrement séduite par "Le Voyage sombre" de Pascal Reydet, des photos en noir et blanc, prises avec le Leica de son grand-père. Un Leica de 1936 quand même !
Mais plus que les aspects techniques, ce que j'aime dans les photos de Pascal Reydet, ce sont les histoires qu'elles ne racontent pas, mais qu'elles pourraient raconter puisque c'est à chacun de donner un sens à cette belle suite en noir et blanc. Pascal Reydet explique que la littérature et la musique tiennent autant de place dans sa vie que la photographie. Je n'en doute pas.
En suivant le lien ci-dessous vous pourrez retrouver les photos du Voyage Sombre, mais vous découvrirez bien d'autres photos, plus colorées mais tout aussi stimulantes pour l'imagination.
http://www.pascalreydet.com/fr/portfolio-17002-0-40-voyage-sombre.html
19 septembre 2017
Chabeuil
Après Arles en août, il y a Chabeuil en Septembre : rencontres
photographiques ici et là ! Plus modestes ici que là, mais une même
passion pour l'image.
Si Arles c'est un peu comme la grand'messe, Chabeuil est plus confidentiel. Mais le village de la Drôme n'est pas dépourvus de charme. Et le mot "amateur" y prend tous son sens.
17 septembre 2017
Barbara
Un kaléidoscope cinématographique où il est autant question de Barbara que de Jeanne Balibar et de Mathieu Almaric. Mais franchement le côté "moi en train de faire mon film génial sur une artiste fantasque avec la femme qui m'a toujours fasciné," ça me barbe profondément. Trop cérébral. Et beaucoup trop narcissique !
16 septembre 2017
Thomas Melle, 3000 €
3000 €, c'est la somme qui manque à Anton pour rembourses ses dettes vis à vis des banques qui l'ont assigné en justice. 3000 € c'est aussi, pure coïncidence, la somme que doit à Denise la société de porno qui l'a engagée et qui lui permettrait de sortir un peu la tête de l'eau.
Deux histoires de misère, deux dérives d'aujourd'hui avec des personnages englués dans les problèmes financiers, mais pas seulement. Car l'extrême pauvreté a aussi un impact psychologique.
Hélas, un bon sujet ne fait pas nécessairement un bon roman. Et le livre de Thomas Melle reste à mon goût trop proche de la démonstration. Le recours à la littérature pour parler des problèmes de la société est souvent un moyen d'accrocher plus de lecteurs qu'un article ou une revue, mais il y faut un savoir-faire, un talent que je n'ai pas trouvé dans ce livre. Intéressant, certes mais bien loin d'un Steinbeck ou d'un Zola !
Deux histoires de misère, deux dérives d'aujourd'hui avec des personnages englués dans les problèmes financiers, mais pas seulement. Car l'extrême pauvreté a aussi un impact psychologique.
Hélas, un bon sujet ne fait pas nécessairement un bon roman. Et le livre de Thomas Melle reste à mon goût trop proche de la démonstration. Le recours à la littérature pour parler des problèmes de la société est souvent un moyen d'accrocher plus de lecteurs qu'un article ou une revue, mais il y faut un savoir-faire, un talent que je n'ai pas trouvé dans ce livre. Intéressant, certes mais bien loin d'un Steinbeck ou d'un Zola !
15 septembre 2017
Otez-moi d'un doute
Le sujet de ce film n'est pas sans intérêt puisqu'il s'agit de paternité, biologique ou non . Un homme, dont la fille attend un enfant "de père inconnu", apprend à la suite d'un test ADN, qu'il n'est pas lui-même le fils de celui qui l'a élevé, mais d'un autre homme, dont il ne tarde pas à retrouver la trace.
Ce qui revient à s'interroger sur la paternité, biologique ou non, sur les liens que l'on développe avec autrui et qui n'ont souvent rien à voir avec les liens du sang.
Un tel sujet pouvait facilement virer au mélo, mais Carine Tardieu a choisi d'en faire une comédie et de parier sur des acteurs, tous excellents comme François Damiens, Cécile de France, Guy Marchand et André Wilms, Alice de Lencquesaing et Estéban. Une comédie légère en surface, mais qui fait vibrer des cordes profondes. Ôtez -moi d'un doute est un film qui sonne tout simplement juste.
Je reconnais avoir - parfois - un préjugé contre les films français,
surtout les comédies, mais celui-ci est parvenu à me convaincre, malgré
quelques scènes un peu longues sur le métier du personnage principal, qui
60 ans après la guerre continue de déminer les plages et les chantiers de Bretagne. Mais pour une fois qu'un personnage a un vrai métier, une vraie vie, je
ne vais pas me plaindre.
Ce qui revient à s'interroger sur la paternité, biologique ou non, sur les liens que l'on développe avec autrui et qui n'ont souvent rien à voir avec les liens du sang.
Un tel sujet pouvait facilement virer au mélo, mais Carine Tardieu a choisi d'en faire une comédie et de parier sur des acteurs, tous excellents comme François Damiens, Cécile de France, Guy Marchand et André Wilms, Alice de Lencquesaing et Estéban. Une comédie légère en surface, mais qui fait vibrer des cordes profondes. Ôtez -moi d'un doute est un film qui sonne tout simplement juste.
14 septembre 2017
Auður Ava Ólafsdóttir, Le Rouge vif de la rhubarbe
Un livre curieux, un livre qui sort de l'ordinaire. Intriguant par son titre tout d'abord. Une histoire de rhubarbe ? vraiment ? Pas tout à fait, bien que Ágústína, le personnage principal ait été conçue dans un champ de rhubarbe.
Mais la rhubarbe n'est qu'un prétexte pour emmener le lecteur sur cette île noire et austère entre mer et montagne. Enfin montagne? si l'on veut car la colline ne fait en réalité que 844 mètres. 844 mètres ce n'est pas beaucoup, sauf pour Ágústína dont les jambes ne fonctionnent que lorsqu'elles sont aidées par des béquilles.
L'histoire d'une petite fille handicapée pourrait-être triste ou pire, inspirer la pitié. Mais pas du tout, car l'auteur a fait de son personnage un être dont l'imagination, la sensibilité et surtout la volonté supplée le manque de mobilité. Et puis il y a autour d'elle les paysages de l'île, l'interminable nuit d'hiver et la tout aussi interminable lumière de l'été, la grève et les oiseaux du large, les lettres de sa mère partie au loin poursuivre ses recherches, il y a surtout Nina, la bienveillante, experte en confitures mais pas seulement. Auður Ava Ólafsdóttir n'a pas seulement crée un personnage intéressant, elle a crée autour d'elle tout un univers, un univers bien réel mais aussi mental, que l'on a plaisir à découvrir.
J'ai malgré tout trouvé le roman parfois un peu décousu, un reproche que, comme un clin d'oeil, le professeur fait aux rédactions Ágústína : "Sa pensée semble s'orienter dans plusieurs directions en même temps. Il lui manque une vue d'ensemble." à quoi Nina répond ; "Il y a une fibre poétique chez ma petite Ágústín." Ce doit être le cas aussi d'Auður Ava Ólafsdóttir.
Bizarrement, dès les premières pages, le tableau d'Andrew Wyeth, Le Monde de Christina s'est imposé à ma mémoire. Sans doute la même tension vers un but inaccessible.
Mais la rhubarbe n'est qu'un prétexte pour emmener le lecteur sur cette île noire et austère entre mer et montagne. Enfin montagne? si l'on veut car la colline ne fait en réalité que 844 mètres. 844 mètres ce n'est pas beaucoup, sauf pour Ágústína dont les jambes ne fonctionnent que lorsqu'elles sont aidées par des béquilles.
L'histoire d'une petite fille handicapée pourrait-être triste ou pire, inspirer la pitié. Mais pas du tout, car l'auteur a fait de son personnage un être dont l'imagination, la sensibilité et surtout la volonté supplée le manque de mobilité. Et puis il y a autour d'elle les paysages de l'île, l'interminable nuit d'hiver et la tout aussi interminable lumière de l'été, la grève et les oiseaux du large, les lettres de sa mère partie au loin poursuivre ses recherches, il y a surtout Nina, la bienveillante, experte en confitures mais pas seulement. Auður Ava Ólafsdóttir n'a pas seulement crée un personnage intéressant, elle a crée autour d'elle tout un univers, un univers bien réel mais aussi mental, que l'on a plaisir à découvrir.
J'ai malgré tout trouvé le roman parfois un peu décousu, un reproche que, comme un clin d'oeil, le professeur fait aux rédactions Ágústína : "Sa pensée semble s'orienter dans plusieurs directions en même temps. Il lui manque une vue d'ensemble." à quoi Nina répond ; "Il y a une fibre poétique chez ma petite Ágústín." Ce doit être le cas aussi d'Auður Ava Ólafsdóttir.
Bizarrement, dès les premières pages, le tableau d'Andrew Wyeth, Le Monde de Christina s'est imposé à ma mémoire. Sans doute la même tension vers un but inaccessible.
13 septembre 2017
Out
Encore un de ces films venus d'ailleurs - Slovaque, Hongrois, Tchèque - comme je les aime. Un film qui fait sourire, qui fait même rêver alors que l'histoire est celle d'un homme à la dérive.
Agoston, la belle cinquantaine, a perdu son boulot et plutôt que de se morfondre chez lui, il préfère tout quitter et monter vers le Nord, vers la mer qu'il n'a jamais vue, dans l'espoir de trouver du boulot. Il va ainsi de rencontres en rencontres, et, forcément, de déceptions en désillusions.
Mais sur cette trame, somme toute banale, le réalisateur György Kristóf, construit autour de son acteur principal, Andor Terhes, un joli "road movie".
Sans doute, pour apprécier ce film, faut-il d'abord aimer ces paysages du Nord, ces ciels chargés, ces blockhaus restés sur les plages de la mer Baltique, ces structures portuaires où Agoston espère trouver une embauche.
Mais, en dehors des paysages et de la photo, il y a dans ce film un mélange de brutalité et de générosité, quelque chose de chaleureux malgré le froid, quelque chose d'insolite, de saugrenu, sans aller toutefois jusqu'au surréalisme véritable. Bref, une fantaisie bienvenue pour donner un peu d'allant à une vie au goût plutôt saumâtre, une vie qui se défait. On pense - un peu - à Kaurismaki, on regrette une ou 2 scènes trop outrancières pour ne pas être ridicules, mais on se dit que György Kristóf est sans doute un réalisateur à suivre. Et Out un premier film slovaque à ne pas négliger.
Agoston, la belle cinquantaine, a perdu son boulot et plutôt que de se morfondre chez lui, il préfère tout quitter et monter vers le Nord, vers la mer qu'il n'a jamais vue, dans l'espoir de trouver du boulot. Il va ainsi de rencontres en rencontres, et, forcément, de déceptions en désillusions.
Mais sur cette trame, somme toute banale, le réalisateur György Kristóf, construit autour de son acteur principal, Andor Terhes, un joli "road movie".
Sans doute, pour apprécier ce film, faut-il d'abord aimer ces paysages du Nord, ces ciels chargés, ces blockhaus restés sur les plages de la mer Baltique, ces structures portuaires où Agoston espère trouver une embauche.
Mais, en dehors des paysages et de la photo, il y a dans ce film un mélange de brutalité et de générosité, quelque chose de chaleureux malgré le froid, quelque chose d'insolite, de saugrenu, sans aller toutefois jusqu'au surréalisme véritable. Bref, une fantaisie bienvenue pour donner un peu d'allant à une vie au goût plutôt saumâtre, une vie qui se défait. On pense - un peu - à Kaurismaki, on regrette une ou 2 scènes trop outrancières pour ne pas être ridicules, mais on se dit que György Kristóf est sans doute un réalisateur à suivre. Et Out un premier film slovaque à ne pas négliger.
11 septembre 2017
Wind River
Lui, belle gueule un peu ravagée de celui qui traîne un lourd passé derrière lui. Elle, visage de poupée aux grands yeux bleus, mais beaucoup plus coriace qu'elle n'en a l'air ... Une fois encore l'improbable attelage qui, dans certains films, fait figure de cliché éculé, fonctionne ici parfaitement. Et l'on se prend vite au jeu.
On est au fin fond du Wyoming, dans la réserve indienne de Wind River, territoire désolée s'il en est, où la police tribale est contrainte de faire appel au FBI, lorsque Cory Lambert, simple pisteur, découvre le cadavre d'une femme dans la neige.
Wind River pourrait être un documentaire sur la condition des "Natives Americans", sur leurs difficulté à vivre, à obtenir un boulot décent, sur les ravages que produisent l'alcool et les drogues, sur leur isolement, leur misère matérielle et intellectuelle, sur les relations entre eux et le reste de la population, aussi bien les industriels avides d'exploiter les richesses du sous-sol, que les autorités gouvernementales incarnées ici par le FBI.
Oui, Wind River, pourrait être un excellent documentaire.
Mais Taylor Sheridan en a fait un polar, un vrai, un bon polar, dans les paysages enneigés et glacés, mais somptueux du Wyoming. Avec ce film, Taylor Sheridan passe pour la première fois à la réalisation, mais c'est à lui que l'on doit le scénario de deux excellents films déjà chroniqués ici : Sicario et Comancheria. Excellentes références, non ?
09 septembre 2017
Nos Richesses
Edmond Charlot
J'avoue, à ma grande honte, que je n'avais jamais entendu parler de ce monsieur, qui a pourtant édité Albert Camus, Emmanuel Roblès, Jules Roy et quelques autres. Qui a ouvert une librairie à Alger, a publié Le Silence de la mer en 1942, et, en 1944, le premier numéro de la revue L'Arche. Bref un Monsieur capital dans l'histoire de la littérature française, qui a tout fait pour que la culture circule entre les deux rives de la Méditerranée.
De la vie de cet homme remarquable, une jeune écrivaine, Kaouther Adimi a fait un roman assez réussi : elle imagine qu'en 2017, un jeune homme, totalement indifférent à la littérature et même à la lecture, a été chargé de vider de ses livres le local qui abritait la librairie-maison d'édition d'Edmond Charlot et de faire place nette pour que son nouveau propriétaire puisse y installer une boutique de ... beignets. Car, il s'agit désormais de remplir les ventres ( et les comptes en banque) et non plus de répondre à la curiosité intellectuelle.
L'aventure éditoriale d'Edmond Charlot racontée par Kaouther Adimi avait pourtant belle allure; il y était question d'amitié, de générosité, d'audace, avec, car sinon cela sonnerait faux, quelques petitesses, quelques mesquineries. Quoi qu'il en soit, une belle aventure humaine. Et un roman qui fait plaisir à lire.
06 septembre 2017
Gabriel et la montagne
La critique en général, et le Masque et la Plume en particulier, ont couvert ce film d'éloges. Ce qui me laisse un peu perplexe.
Pourquoi tant d'éloges ? Et pourquoi tant de réticences de ma part ?
Une histoire vraie dont le dénouement est particulièrement tragique : voilà qui fait immédiatement penser au film de Sean Penn, Into the Wild, bien que l'un se passe en Alaska, dans le froid et la glace et l'autre en Afrique.
Un jeune homme fougueux, intrépide, dont les audaces dissimulent mal la fragilité et les contradictions. Souvent irritant, parfois attachant. Un personnage dont la complexité fait un des intérêts du film.
Jusque là je n'ai pas d'objections.
Mais ce qui m'a, je crois, profondément déplu, c'est cette façon de se comporter en pays étranger, comme un aventurier, un voyageur qui s'imagine capable d'abolir les différences entre lui et les autres alors qu'il reste en dépit de tout, un touriste, toujours prêt à marchander les prestations qu'il demande aux uns et aux autres, et qui parfois abuse de l'hospitalité de ceux qui l'accueillent. Entre le routard soit disant héroïque qui traverse un pays sans débourser un sou et un parasite, la différence n'est pas bien grande.
Je ne comprends pas plus cette propension de certains voyageurs à enfiler boubou ou sari pour avoir l'air indien ou africain alors que leur déguisement les distingue encore plus de la population locale.
A ce point de ma réflexion je reconnais que le film, avec ses qualités et se défauts suscite la réflexion et pourrait faire l'objet d'intéressantes discussions.
Pourquoi tant d'éloges ? Et pourquoi tant de réticences de ma part ?
Une histoire vraie dont le dénouement est particulièrement tragique : voilà qui fait immédiatement penser au film de Sean Penn, Into the Wild, bien que l'un se passe en Alaska, dans le froid et la glace et l'autre en Afrique.
Un jeune homme fougueux, intrépide, dont les audaces dissimulent mal la fragilité et les contradictions. Souvent irritant, parfois attachant. Un personnage dont la complexité fait un des intérêts du film.
Jusque là je n'ai pas d'objections.
Mais ce qui m'a, je crois, profondément déplu, c'est cette façon de se comporter en pays étranger, comme un aventurier, un voyageur qui s'imagine capable d'abolir les différences entre lui et les autres alors qu'il reste en dépit de tout, un touriste, toujours prêt à marchander les prestations qu'il demande aux uns et aux autres, et qui parfois abuse de l'hospitalité de ceux qui l'accueillent. Entre le routard soit disant héroïque qui traverse un pays sans débourser un sou et un parasite, la différence n'est pas bien grande.
Je ne comprends pas plus cette propension de certains voyageurs à enfiler boubou ou sari pour avoir l'air indien ou africain alors que leur déguisement les distingue encore plus de la population locale.
A ce point de ma réflexion je reconnais que le film, avec ses qualités et se défauts suscite la réflexion et pourrait faire l'objet d'intéressantes discussions.
04 septembre 2017
Une seule figue
C'est tout ce que m'a donné le figuier de mon jardin. Trop peu pour de la confiture !
Mais j'ai pu heureusement compter sur la générosité de Françoise et la fertilité de son figuier.
Me voici avec quelques pots d'avance : confiture et confit !
Mais j'ai pu heureusement compter sur la générosité de Françoise et la fertilité de son figuier.
Me voici avec quelques pots d'avance : confiture et confit !
03 septembre 2017
Ron Rash, Par le vent pleuré
J'aime tout d'abord que ses romans soient bien ancrés dans un paysage, celui des Appalaches, du côté d'Ashville en Caroline du Nord. La nature y est certes somptueuse - montagnes, lacs, rivières - mais Ron Rash a un talent particulier pour en exprimer la beauté,la sensualité.
Ce qui ne fait pas de lui un "nature writer" pour autant.
Car Ron Rash s'intéresse aux gens, autant, sinon plus qu'à la nature. Des gens souvent cabossés par la vie parce que, quand on naît dans les Appalaches, la vie a souvent commencé à déraper dès le départ.
Dans son dernier roman, au si joli titre, Par le vent pleuré, Ron Rash met en scène deux frères, orphelins de père, qui vivent avec leur mère sous la domination d'un grand-père tyrannique, dont les exigences visent sans doute à arracher ces gamins à l'abrutissement. Mais Bill et Eugène sont des adolescents, et au cours d'une partie de pêche, ils croisent le chemin d'une sirène, une fille exilée dans la contrée pour mauvaise conduite, qui n'a pas beaucoup de peine à séduire les deux garçons et à les entraîner sur sa pente, celle de l'alcool, du sexe et de la drogue. Oui, les romans de Ron Rash sont souvent des paraboles bibliques, traversées par des personnages de femmes fatales, de tentatrices redoutables malgré leur apparente fragilité.
Car sur ces terres très religieuses de Caroline du Nord, comme dans les pages de Ron Rash la lutte entre le Bien et le Mal est un combat de toujours. Jamais achevé. Un combat qui transparaît derrière l'intrigue policière, car oui, il y a bien un disparition inquiétante, oui il y a bien des ossements retrouvés au bord de la rivière des décennies plus tard, oui il y a bien comme un remords qui ronge la conscience d' Eugène et de Bill, un remords dont ils s'accommodent chacun à leur façon. Ligeia et le souvenir de ce bel été continuent de hanter leur mémoire et la hanterai pour longtemps car il est difficile de se débarrasser de ses souvenirs.
Ron Rash : 7 romans publiés, 6 traduits en français, 4 déjà lus, tous aimés et un recueil de nouvelles Incandescences, que j'ai adoré .
02 septembre 2017
Retracing our steps Fukushima exclusion zone 2011 - 2016
C'était le titre d'une des expositions présentées aux Rencontres d'Arles.
Des villes fantômes j'en ai visité quelques unes, et des friches industrielles j'en ai pas mal photographié aussi, fascinée, comme beaucoup, par le passage du temps sur ce que l'homme a construit et par la force de la nature qui finit toujours par reprendre ses droits.
Mais les photos de Guillaume Bression et Carlos Ayesta c'est autre chose. Parce qu'à Fukushima il s'agit de ce que la nature a détruit, mais plus encore de ce que l'incurie et sans doute la vénalité de l'Homme a provoqué, dans une société - la nôtre - qui ne se soucie que de profits, pire que de profits à courts termes. Tchernobyl, Fukushima et après ? Où sera le prochain site ?
L'exposition d'Arles est bien sûr terminée, mais on peut toujours se reporter au site en tous points remarquable des deux photographes .
Chaque photo de la série Revenir sur nos pas est accompagnée d'un court témoignage, celui de la personne qui a accepté de revenir sur les lieux où elle habitait, où elle travaillait. Quelques phrases seulement, mais qui d'une catastrophe nationale font une tragédie personnelle. Sans pathos.
Le "making of " du reportage vaut à lui seul un passage sur le site. A vrai dire chacune des séries de photos proposées est tout à fait passionnante, et édifiante !
https://www.fukushima-nogozone.com/porfolio
Et si le site ne suffit pas, Bression et Ayesta ont aussi publié un livre. J'avoue que les photos de ces habitations ou de ces voitures ensevelies sous le kudzu sont assez fascinantes, et terriblement angoissantes car la plante recouvre tout, des habitations qui n'ont pas été détruites, qui ont encore leurs rideaux aux fenêtres, des voitures qui n'ont été ni accidentées ni même cabossées. Leur progression est irrésistible et malgré la beauté des images, ont ne peut s'empêcher aux radiations, invisibles certes, mais tout aussi invasives.
Des villes fantômes j'en ai visité quelques unes, et des friches industrielles j'en ai pas mal photographié aussi, fascinée, comme beaucoup, par le passage du temps sur ce que l'homme a construit et par la force de la nature qui finit toujours par reprendre ses droits.
Mais les photos de Guillaume Bression et Carlos Ayesta c'est autre chose. Parce qu'à Fukushima il s'agit de ce que la nature a détruit, mais plus encore de ce que l'incurie et sans doute la vénalité de l'Homme a provoqué, dans une société - la nôtre - qui ne se soucie que de profits, pire que de profits à courts termes. Tchernobyl, Fukushima et après ? Où sera le prochain site ?
L'exposition d'Arles est bien sûr terminée, mais on peut toujours se reporter au site en tous points remarquable des deux photographes .
Chaque photo de la série Revenir sur nos pas est accompagnée d'un court témoignage, celui de la personne qui a accepté de revenir sur les lieux où elle habitait, où elle travaillait. Quelques phrases seulement, mais qui d'une catastrophe nationale font une tragédie personnelle. Sans pathos.
Le "making of " du reportage vaut à lui seul un passage sur le site. A vrai dire chacune des séries de photos proposées est tout à fait passionnante, et édifiante !
https://www.fukushima-nogozone.com/porfolio
Et si le site ne suffit pas, Bression et Ayesta ont aussi publié un livre. J'avoue que les photos de ces habitations ou de ces voitures ensevelies sous le kudzu sont assez fascinantes, et terriblement angoissantes car la plante recouvre tout, des habitations qui n'ont pas été détruites, qui ont encore leurs rideaux aux fenêtres, des voitures qui n'ont été ni accidentées ni même cabossées. Leur progression est irrésistible et malgré la beauté des images, ont ne peut s'empêcher aux radiations, invisibles certes, mais tout aussi invasives.
01 septembre 2017
Colson Whitehead, Underground railroad
Voilà bien 6 mois que j'attendais ce livre, tant la critique américaine était dithyrambique (Prix Pulitzer quand même !) . Et puis j'avais lu Le Colosse de New-York, un livre inclassable, ni roman, ni essai, ni récit de voyage mais un peu tout cela puisque le narrateur arpente la ville de part en part, et en restitue le rythme, les variations, mais aussi les constantes. Une agréable façon pour le lecteur comme pour le voyageur de découvrir New York.
Underground railroad est un livre d'une toute autre nature. Un vrai roman puisqu'il met en scène des personnages fictifs, en particulier Cora, une jeune esclave dont on suit avec effroi la fuite depuis la Georgie jusqu'en Indiana et même au delà. Elle s'enfuit par "l'underground railroad", un réseau clandestin de militants abolitionnistes qui facilitaient l'évasion des esclaves, les guidaient dans leur fuite, les cachaient, les protégeaient. Un réseau de bonnes âmes, mais sans train ni voie ferrée. Or, très astucieusement, au lieu de prendre le mot "underground" au sens figuré (clandestin) l'auteur l'a pris au sens propre (souterrain) et fait donc circuler les esclaves fugitifs sous terre, dans un univers qui tient autant de la réalité historique que de la magie.
Et malgré les doutes que je pouvais avoir au début de ma lecture, cela fonctionne, et cela fonctionne même très bien. Les personnages, quelle que soit leur race ou leur fonction sont bien plantés, chaque déplacement permet de découvrir un autre aspect de l'esclavage, du racisme et plus généralement de la condition des Noirs aux Etats-Unis. Un vécu que l'auteur restitue avec brio et qui, s'il n'est pas vécu de l'intérieur, ne peut se comprendre, je crois, que par la littérature.
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