Ce premier film de Marcello Martinessi, un réalisateur paraguayen n'est pas facile d'accès j'en conviens, et l'on commence par patauger un peu dans le clair-obscur de cette vieille demeure où se croisent et se frôlent deux femmes de même gabarit : la cinquantaine très ordinaire.
Pourtant le charme opère assez vite, le charme des souvenirs défraichis, des appartements désuets, des objets auxquels on tient et qu'il faut vendre parce que le premier fil que l'on suit dans ce film est celui de la décadence d'une classe sociale qui vivait dans un cocon confortable sans doute, mais terriblement fermé. Ces deux femmes, Chela et Chiquita dont le réalisateur se garde bien de préciser le lien qui les unit ont de toute évidence connu des jours meilleurs, mais elles sont maintenant au bord de la ruine et les efforts de Chiquita pour sauver la mise ne sauvent rien du tout et la conduisent en prison. Ce qui se révèle finalement un chance pour Chela, qui livrée à elle-même commence par errer comme une âme en peine jusqu'à ce qu'un voisine lui demande de la conduire à un rendez-vous.
Devenue "chauffeur" pour vieilles dames, Chela s'ouvre peu à peu au monde, découvre d'autres lieux, d'autres gens, d'autres façons de vivre. Cela s'appelle tout simplement la liberté.
Libre à chacun d'interpréter ce film à sa convenance, de voir, dans ce passage d'un monde clos à un monde sans barrières, une métaphore politique, et la fin d'une dictature. C'est possible. Comme il est possible de n'y voir que la fin méritée d'une aristocratie sociale fermée sur elle même. A moins encore de choisir un angle plus psychologique, plus féministe et de se réjouir de voir une femme, aussi terne, aussi soumise aux norme que Chela, faire les premiers pas vers l'indépendance et une féminité enfin soucieuse de ses propres désirs.
Si le film de Marcello Martinessi est un film intéressant c'est bien parce qu'il propose plusieurs possibilités d'interprétation et qu'aucune n'empêche les autres.
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