05 juin 2023

François-Auguste Biard, peintre voyageur

 
L'image est captivante et demande à être regardée de près : les montagnes au loin, la neige, la glace, le grand voilier à l'arrière plan... peinture de paysage... pas tout à fait parce qu'au premier plan sur la droite on distingue le haut d'une voile, la chaloupe qui sans doute a permis le débarquement. Et sur la gauche trois, non quatre morses énormes et pourvus de défenses impressionnantes. Le morse est carnivore, ne l'oublions pas ... Sur le rocher au centre un femme, en robe ou manteau à capuche, tient un bâton, un javelot plutôt le bâton ne serait pas suffisant; elle est sur la défensive. Et ce n'est qu'au dernier moment que l'oeil perçoit, dans l'ombre du rocher la silhouette du peintre : François-Auguste Biard, peintre-voyageur qui en 1839 accompagna une expédition scientifique au Spitzberg. Avec sa compagne Noémie d'Aunet. Et je ne doute pas que ce soit elle, sur le rocher, prête à défendre son homme, arme à la main.

  

Une autre image. Trois, non quatre goélettes dont l'une penche dangereusement sur babord. Elles sont prises par la glace; un brouillard givrant tombé dans la nuit a couvert les ponts, les mâts, les cordages; les hommes ont débarqué; une chaloupe a été mise à l'eau, sans doute pour essayer de trouver une voie. La situation, c'est le moins qu'on puisse dire est périlleuse... 

Le secours viendra peut-être des populations indigènes qui elles, se déplacent dans des pirogues longues et fines, plus rapides et sans doute plus faciles à diriger entre les glaces ... Mais il n'est pas sûr que le couple, très occupé à s'embrasser, ait aperçu les équipages en détresse.... 

 Quel sera le sort des marins si personne ne vient à leur secours. Faut-il envier celui qui survit, seul dans ce désert glacé ? La neige a déjà recouvert les cadavres de trois de ces compagnons. Le quatrième gît sur le dos, il a cessé de respirer.  Le voici seul rescapé, indifférent aux reflets bleutés de l'eau et de la glace, indifférent aux draperies lumineuses de l'aurore boréale loin derrière les montagnes. A quoi me sert la beauté du monde puisque je vais mourir...

François-Auguste Biard a peint ces tableaux. Il en a peint beaucoup d'autres, d'un genre très différents. Après le Spitzberg, il avait pris goût aux voyages, proches ou lointains. Il a vécu au Brésil. Il a peint la jungle et les Indiens d'Amazonie. Il était curieux du monde et des autres. Il a envoyé des huissiers constater la présence de sa femme dans le lit de Victor Hugo. Elle a été mise en prison. Puis au couvent. Ils se sont séparés. Il s'est remarié. Il a continué de peindre. Elle a écrit des livres. 

L'exposition du  Musée Hébert consacrée à François-Auguste Biard présente bien d'autres tableaux du peintre, des scènes de genre pour la plupart.  C'est un peintre du XIXe , relativement classique, mais certains de ses tableaux sont apparemment propices à piquer la curiosité du spectateur et enflammer son imagination bien au-delà de la toile !

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