12 juin 2023

La Grace

 30 films, présentés à Cannes sous l'étiquette "La quinzaine des cinéastes" sont actuellement présentés en salle, une belle occasion de découvrir des films dont la sortie officielle n'est pas encore programmée. Comme celui Ilya Povolotsky, La Grâce, qui met en scène, dans une sorte de road-movie, une jeune-fille et son père. Deux taiseux qui parcourent les étendues souvent désertes de la Russie, en installant à l'occasion écran et projecteur pour proposer aux habitants de ces contrées isolées, une séance de cinéma en plein air. 


La Grâce est un film plein de mystère. Un film qui joue sur les contraires aussi. Un vieux van rouillé, lieu clos par excellence, qui brinquebale sur des routes qui n'en finissent pas, des routes qui traversent des paysages immenses et désolés. La pluie, le brouillard, le froid. Difficile de savoir où l'on est exactement, la Russie est si vaste, et les langues se mélangent, du russe bien sûr, du géorgien, du biélorusse. Difficile de comprendre ce qui se passe entre le père et sa fille, tous deux enfermés dans le silence. Mais le cinéma n'est pas le théâtre, il ne repose pas sur le langage, sur les dialogue, c'est un art visuel, et le réalisateur l'a parfaitement compris : ce sont les images qui parlent, et qui suggèrent le délabrement psychologique, la fatigue, la lassitude des personnages. Le plus remarquable dans ce film est l'adéquation entre le paysage mental et le paysage tout court. Les poissons meurent empoisonnés. Les routes sont bloquées par la police. Les personnages sont  enfermés dans leur tristesse autant que dans le van... La caméra alterne constamment entre panoramique pour balayer les paysages et zoom avant pour mieux scruter un point précis. 

Malgré les apparences, La Grâce n'est pas un film désespéré. Parce que le jour succède toujours à la nuit, comme le printemps à l'hiver.  Parce que le van se dirige vers la mer, et qu'au final chacun des personnages parvient à se libérer du poids qui les oppresse depuis si longtemps. Apaisés, enfin.


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