03 juin 2023

Mikhaïl Chevelev, Le Numéro un

Lire un roman russe aujourd'hui - un roman russe contemporain -  ne va pas sans poser de questions.  Parce qu'il faudrait pouvoir en savoir un peu plus sur son auteur bien sûr, pour savoir "d'où il parle". Mikhaïl Chevelev est journaliste ( traduisez : quelqu'un de bien informé), a déjà publié un premier roman : Une suite d'événements. Il se situerait "plutôt" du côté de l'opposition, mais allez savoir... 

Il faut de surcroît essayer de s'informer sur la maison d'édition Igor Zakharov qui a publié son livre , et ça c'est un peu plus difficile car les infos sur le net sont rares ou ... en russe ! La date est malgré tout une indication, le livre traduit et publié en France en 2023 a été publié en Russie en 2018, c'est à dire bien avant l'invasion d'une partie du territoire ukrainien. Le roman de toute façon porte sur la période qui précède de peu la chute de l'URSS (1984) jusqu'en 2018.

La dernière question à se poser est celle de la censure qui n'existe pas officiellement en Russie mais qui apparemment contraint un journaliste à publier un roman plutôt qu'un essai pour dénoncer les malversations, les magouilles financières et les abus de pouvoir d'une certaine partie de la population et pour démonter le système mafieux qui permet à certains de s'enrichir éhontément pendant que la population manque de tout, et l'on remonte ainsi jusqu'au "numéro un" jamais nommé.  Prudence d'auteur qui sait sans doute ce qu'il risque et joue avec les codes du roman policier et du roman d'espionnage pour dire ce qui ne doit pas être dit, mais que beaucoup, malgré tout, savent. 

Est-ce que tout cela fait au final un bon roman ? Je n'en suis pas certaine. Le récit est un peu trop compliqué, surtout au début et l'on ne sait pas toujours qui parle, le père ? le fils ? Aujourd'hui ? Il y a longtemps?  Le père en Russie, piégé par le KGB ? Le fils aux Etats-Unis qui vient jouer les James Bond à Moscou pour sauver son père? sa mère ? lui-même ? Beaucoup (trop?) de ficelles, de rebondissements, indispensables pour que le récit garde l'étiquette "romanesque" et ne passe pas dans la rubrique journalistique ce qui serait sans doute trop risqué. La vraisemblance de la fiction donc, plutôt que la vérité brute, au risque de perdre le lecteur dans cet exercice de haute voltige. 

Quoi qu'il en soit, le roman de Mikhaïl Chevelev est suffisamment convaincant pour que le lecteur regarde au-delà de la Russie. La parabole de la paille et de la poutre est d'origine biblique, mais jamais démentie jusque là. Et il n'est pas certain que nos régimes démocratiques soient exempts des travers de la Russie.




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