Je crains que beaucoup ne fassent la grimace en découvrant le sujet du film. Oui, il s'agit encore de la guerre et du nazisme. Oui il s'agit bien des camps d'extermination. Mais le point de vue adopté par Jonathan Glazer est particulièrement intéressant. Parce que oui, nous sommes bien à Auschwitz, mais en dehors du camp, de l'autre côté du mur. Du camp lui même, on n'aperçoit d'ailleurs que le haut des bâtiments, ou parfois - rarement - la longue cheminée d'où sort une fumée grise
Jonathan Glazer est un réalisateur habile, qui non seulement utilise toutes les ressources du cinéma, effets visuels ET sonores, mais sait aussi innover comme dans cette séquence initiale où l'on ne voit rien d'autre sur l'écran que du gris, un gris moche, un gris sale. Comme une mise en condition du spectateur qui se retrouve au plan suivant au bord d'une rivière, les herbes sont hautes, on est en été, maillots de bain, rires, gambades... les corps, très blonds, très blancs sont plus ou moins dénudés, déjeuner sur l'herbe ... des références picturales, ou cinématographique.; une autre séquence dans un jardin fleuri, au début de l'été, une jeune mère attentive penche son bébé vers les fleurs pour lui en faire respirer le parfum. Un vrai chromo, avec quelque chose d'un peu trop ordonné, des couleurs un peu froides qui empêchent d'adhérer pleinement à cette image du bonheur en carte postale.
Le film distille un malaise qui ne fait que s'accentuer lorsque la mère de famille essaye un manteau de fourrure dont on a vite compris la provenance, lorsqu'elle ricane avec son mari ou refuse de le suivre dans sa nouvelle promotion parce qu'elle aime trop sa maison, son jardin, sa piscine ... Monstrueuse cette femme qui refuse de voir, de savoir ou plutôt qui sait et approuve ? Monstrueux son mari dont le seul souci est le gain en efficacité, qui lui permet d'augmenter la rentabilité du processus d'extermination, chef d'entreprise efficace, fonctionnaire zélé ? Monstrueux ces gens ? Non. Ce film ne fait que montrer la banalité du mal, au sens où l'entendait Hanna Arendt, en posant la question de l'absence ou de l'annihilation du sens moral. Chez certains individus ? Dans une population entière ? Dans certaines conditions? Je ne pense pas que La Zone d'intérêt apporte la moindre réponse, la moindre explication à ces question qui malgré les apparences n'ont rien perdu de leur actualité. Au spectateurs de poursuivre la réflexion avec les éléments que le cinéaste lui a donnés.
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