15 février 2024

Sorj Chalandon, Enfant de salaud

Lire Enfant de salaud, c'est se plonger deux fois dans la boue : celle du procès de Klaus Barbie, que l'auteur a suivi en tant que chroniqueur judiciaire et celle de la vie de son père qui pendant la guerre de 40 n'a cessé de changer de camp, opportuniste ou mythomane, sans doute les deux. 

Présenté comme un roman, le livre s'appuie sur des faits indéniables, mais l'écrivain se donne la liberté de manipuler la vérité, comme il se donne la liberté de mêler son histoire intime (la relation à son père) avec l'histoire officielle, enregistrée, documentée. Au final c'est assez perturbant parce que les doutes et les soupçons finissent par s'immiscer partout, dans toutes les pages, entre toutes les lignes. Plus on avance dans le roman, plus on s'interroge; on se demande s'il est jamais possible de savoir exactement ce qui s'est passé, de connaître la responsabilité (la culpabilité?) de chacun. D'autant que le roman n'est pas seulement une construction intellectuelle : le récit à la première personne permet de faire partager des émotions, que ce soit devant la tentative désespérée du fils pour établir une relation vraie avec son père, devant l'évocation de la rafle des enfants d'Izieu ou des sévices infligés par les nazis à leurs prisonniers, ou devant la morgue de Barbie et les agissements de Jacques Vergès, son avocat. Le "roman" de Sorj Chalandon est en tout cas un roman troublant.

 



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