24 août 2015

Il était une ville

Je n'ai pas trop l'habitude de m'intéresser aux "rentrées littéraires" et je n'avais jamais entendu parler de Thomas B. Reverdy. Mais la photo sur la manchette du livre  - un vélo au premier plan, à demi-enfoncé dans la neige, une maison murée en arrière plan - m'a immédiatement attirée. Et comme la ville dont il est question, c'est Detroit, voilà comment je me suis retrouvée à lire très exceptionnellement un roman français.

La fascination qu'exerce Detroit, cette ville en complète déliquescence, est étonnante. Comme un aimant elle attire journalistes, photographes, cinéastes, romanciers, peintres sans doute... Je me suis contentée de la la visiter "en touriste" et avoue une certaine tendresse pour cette ville et pour ses habitants. En dehors des zones de guerre, les villes en ruines, surtout une ville de la taille de Detroit, ne sont pas nombreuses. S'y promener est une expérience très particulière puisque cela revient à remonter dans le temps de sa splendeur et confronter en permanence son passé, son présent et son futur. Un futur auquel certains continuent de croire, en dépit des mauvais augures. Bien sûr, la plupart des habitants de Detroit n'ont pas d'autre choix, mais ceux qui ont décidé d'y rester coûte que coûte, sont prêts à relever le défi et inventer d'autres modes de vie, moins consuméristes, plus collectifs.
Detroit apparaît ainsi comme la ville de toutes les hypothèses, de tous les possibles. Un levain pour l'imagination.

Que devient une ville dont tous les enfants ont disparu ?
Un vieux conte allemand, celui du Joueur de flûte de Hamelin, apparaît en filigrane dans le récit sans pour autant le structurer puisque Thomas Reverdy choisit de multiplier les personnages et donc les points de vue.
Un jeune ingénieur français vient d'arriver à Detroit pour y diriger un vague projet automobile; le regard qu'il pose sur la ville est partagé entre l'effroi, l'exaspération et l'attirance. L'inspecteur Brown, flic à l'ancienne qui n'a pas totalement perdu l'espoir de résoudre l'enquête sur la disparition des enfants, se noie dans la paperasse pour essayer de les retrouver. Et quand on l'appelle pour vérifier l'identité d'un gamin que l'on a retrouvé mort au bord d'un terrain vague, il est plus motivé que jamais. Les liens entre les différents personnages, une serveuse de bar, la grand-mère d'un des gamins,  est assez ténu j'en conviens - et les énumérations sans fin dont l'auteur ne semble pouvoir se passer m'ont passablement exaspérée - mais le roman ne cherche pas à passer pour un roman policier, ni même un roman avec une intrigue serrée; c'est plutôt un roman d'atmosphère comme le titre le suggère. Et sur ce plan-là le roman est vraiment réussi. Le froid, la neige, l'obscurité surtout conviennent bien à Detroit, où les seuls lieux où l'on échappe à l'angoisse et à la solitude sont les bars. Un livre à lire bien au chaud chez soi, un verre de bière (ou de whisky ! ) à la main.

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