Trois citations autant d'indices et toujours pas trouvé la réponse ?
Et bien, la voici : il s'agit d'Albert Londres, le grand journaliste.
Je viens de terminer la biographie que Pierre Assouline lui a consacrée. A vrai dire, on en apprend autant sur l'histoire du journalisme et l'état du monde depuis la guerre de 14 et jusqu'en 1932, que sur Albert Londres lui-même. Mais comment parler d'un journaliste sans l'inscrire dans son siècle ?
Toutefois, pour prendre immédiatement la mesure du personnage, il vaut mieux commencer par lire Albert Londres lui-même, sans intermédiaire.
Dès les premières lignes vous serez accrochés.
Tenez, essayez :
"C'est un port, l'un des plus beaux du bord des eaux. Il est illustre sous tous les parallèles. A tout instant du jour et de la nuit, des bateaux labourent pour lui au plus loin des mers. Il est l'un des grands seigneurs du large. phare français, il balaye de sa lumière les cinq parties de la terre. Il s'appelle le port de Marseille. "
[ ...] Port de Marseille : cour d'honneur d'un imaginaire palais du commerce universel."
Quelques lignes plus loin :
"C'est moi, Marseille... Ecoutez, c'est moi, le port de Marseille, qui vous parle. je
suis le plus merveilleux kaléïdoscope des côtes. Voici les coupées de mes bateaux. Gravissez-les. Je vous ferai voir toutes les couleurs de la lumière; comment le
soleil se lève et comment il se couche en des endroits lointains. vous contemplerez de nouveaux signes dans le ciel et de nouveaux fruits sur la terre. Montez! Montez! Je vous emmènerai de race en race. Vous verrez tous les Orients - le proche, le grand, l'extrême. Je vous montrerai les hommes de différentes peaux, le
brun, le noir, le mordoré, le jaune, nus en Afrique, en chemise aux Indes, en robe en Chine, et marchant sur de petits bancs au pays du Soleil-Levant. "
Pour clore son article le journaliste reprend ensuite la parole :
J'étais sur le chemin qui domine le bassin de la Joliette. Le port s'ouvrait devant moi. Quatre bateaux, sortis par la passe opposée, prenaient le large, lentement, vers le Sud. L'un était couleur terre de Sienne, ses deux cheminées semblaient lui
entrer dans le corps. C'était un Anglais, en route pour Bombay. Le deuxième était tout noir, avec un haut château dominant son avant. Il était français et s'en allait vers Yokohama. Le troisième était français aussi, mais tout blanc et ses cheminées portaient au sommet une cheminées une collerette tricolore. Il cinglait vers la Syrie. Le quatrième était un tout petit torpilleur américain quittant l'Europe, couleurs au vent ....
Pour l'enfant "amoureux de cartes et d'estampes," pour l'étudiant qui s'est laissé emporter par Le Bateau ivre de Rimbaud et pour tous ceux que le voyage enivre, les livres d'Albert Londres sont un inépuisable trésor - à condition bien sûr de relativiser son enthousiasme colonialiste et mondialiste en le situant dans son époque, les intrépides et folles années 20 !
Pour l'historien qui ne se contente pas des faits mais veut s'imprégner de l'ambiance, de l'atmosphère pour mieux comprendre les mentalités, les livres d'Albert Londres sont une référence indispensable.
Pour le journaliste entré dans le métier par gôut de la découverte et de l'inattendu, par gôut aussi de l'écriture et qui s'exaspère des conventions stylistiques que lui impose sa rédaction les livres d'Albert Londres sont une consolation autant qu'un modèle.
Les éditions Arléa viennent de publier sous la directions de Pierre Assouline, les Oeuvres Complètes d'Albert Londres . Fort bien ! Mais avant de vous lancer dans ce pavé de 900 pages, pourquoi ne pas choisir un des délicieux petits livres parus aux éditions Le Serpent à Plumes.
Au Bagne, La Chine en folie, Terre d'Ebène, Dante n'avait rien vu, Pêcheurs de perle, Le chemin de Buenos Aires, Chez les fous, et bien sûr, Marseille, porte du Sud etc.....
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