25 octobre 2010

Taos Pueblo

Taos Pueblo est un village Hopi, à quelques miles seulement de Taos. Mais n'y entre pas qui veut. C'est un territoire à part, qui obéit à d'autres lois que les lois américaines. Les Réserves indiennes sont des lieux où s'exerce la souveraineté tribale et si décision a été prise de ne pas ouvrir le territoire aux touristes ce jour-là, le touriste n'a besoin de savoir qu'une chose, c'est que, quel que soit son désir de revoir un lieu si particulier, il n'entrera pas !
Je n'ai donc pas pu revoir Taos Pueblo et suis repartie vers Santa Fe bien déçue !


Pas simple la question des Réserves indiennes, ni au passé (confiscation des territoires au profit des Blancs, établissement des réserves sur des terres ne correspondant pas toujours à l'histoire d'une tribu, confinement des tribus dans des territoires limités et sans ressources etc.) ni au présent (l'administration des Réserves dépend à la fois du gouvernement fédéral, des lois propres à chaque état et de la gestion tribale ). Résultat : le développement économique et l'état sanitaire des Réserves indiennes est comparables à ceux des pays en voie de développement.

Le regard du voyageur n'est ni celui d'un historien, d'un économiste ou d'un sociologue. Sa vision est nécessairement limitée et superficielle, mais il ne peut manquer de s'interroger sur les conditions de vie des Indiens dans l'Amérique d'aujourd'hui. Comment vivent-ils ? Que pensent-ils ? A quoi rêvent-ils ?
Les réponses, certaines réponses en tout cas, je les ai trouvées, comme souvent, dans la littérature et en particulier dans les livres de Sherman Alexie.

Sherman Alexie est un Indien Spokane originaire de l'Etat de Washington, qui s'est débrouillé pour poursuivre ses études secondaires hors de la Réserve où il était né. Après avoir renoncé à des études de médecine, il se tourne vers la littérature : poésie, romans, nouvelles.
Je n'ai lu jusqu'à présent qu'un seul de ses romans : Reservation blues et deux recueils de nouvelles : Dix petits indiens et Phoenix, Arizona, mais déjà se dégagent quelques constantes : écriture alerte, humour, imagination, fantaisie ... pour alléger un propos qui lui n'a rien d'allègre. La pauvreté, le dénuement matériel, l'absence d'éducation, les ravages causés par l'alcool et la drogue, Sherman Alexie décrit tout cela, mais surtout il fait comprendre combien il est difficile de se situer en tant qu' Indien dans le monde d'aujourd'hui, il fait entrevoir à quel point certains Indiens sont déchirés entre l'orgueil et la honte de leur "indianité", le besoin d'appartenance à une famille, un clan, une tribu et l'irrépressible désir de n'exister que par soi même, l'attachement aux rites, aux coutumes et la volonté de s'intégrer dans le monde de la modernité, le monde des Blancs. Etre, ne pas être Indien! Les récits de Sherman Alexie ont quelque chose de shakespearien. Ils sont parfois loufoques et déjantés, ils sont le plus souvent d'un comique doux-amer... à vrai dire plus amer que doux.

Cette amertume je l'ai également ressentie dans le travail de Torry Mendoza présenté au IAIA museum de Santa Fe. (IAIA pour Institute of American Indian Art). Torry Mendoza se revendique Indien (Mescalero Apache) et a choisi de travailler sur la façon dont les Indiens ont jusqu'à présent été représentés dans les médias, en particulier à Hollywood. Cela donne de très habiles et très féroces montages vidéos devant lesquels on ne sait trop s'il convient de s'esclaffer ou de s'horrifier. A travers cette relecture, très caustique, de vieux films s'exprime une rancoeur, un ressentiment que l'humour ne parvient pas tout à fait à transcender.

A comparer le vidéaste et l'écrivain, qui jouent un peu sur le même registre, il me semble que le premier est plus agressif, alors que Sherman Alexie joue à fond la carte de l'autodérision une forme d'humour que je croyais jusqu'à présent réservée aux Juifs.

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