Avec leurs rides, leur barbe bouclée et leur gros ventre, dans ce pays de neige et de froid où ils vivent, on pourrait presque les prendre pour des Pères Noël. Des pères Noël en civil, sans habit rouge mais avec pulls jacquard !
Pourtant Gummi et Kiddi, bien que frères et bien que vivant à quelques dizaines de mètres l'un de l'autre, ne sont pas de vieux bonshommes débonnaires : ils ne se sont pas parlé depuis 40 ans et se haïssent d'une haine féroce. Pourquoi ? Le film ne nous le dit pas, mais on subodore une vieille rancune pour pas grand chose, une rivalité d'enfant ou peut-être d'adulte? Tous deux élèvent des moutons, présentent leur plus beau bélier au championnat annuel, et le demi-point qui sépare le premier du second ne fait que renforcer leur haine.
Dès les premières séquences, le spectateur se retrouve dans un monde totalement étranger, celui des paysages islandais, vides mais grandioses, celui des éleveurs dont l'existence entière semble tourner autour de leurs moutons. Que survienne une épidémie de tremblante qui les oblige à abattre la totalité de leurs bêtes pour suivre les prescriptions des autorités sanitaires et c'est un monde qui bascule. Comment vont réagir Gummi et Kiddi, ces vieillards obstinés ? L'essentiel du scénario est là, dans les réactions en chaîne que ce séïsme va provoquer.
Béliers est le premier long métrage diffusé en France de ce jeune réalisateur islandais et c'est un coup de maître car il sait tenir son film en équilibre entre tragédie et comédie et diriger ses acteurs aussi bien que ses moutons ! On rit, on sourit, on s'inquiète... On en apprend beaucoup sur l'Islande et la façon de vivre des Islandais, sur l'élevage des moutons, mais au fil des scènes, le suspens est toujours maintenu et l'on ne cesse de se demander jusqu'où ces diables de vieux bonshommes vont nous emmener. Tout simplement jubilatoire, parce qu'à mille lieues de ma propre existence.