American Dirt est un de ces romans qu'on aimerait pouvoir lire d'une traite, sans s'arrêter, tant il est passionnant. Terrrfiant le plus souvent, mais émouvant aussi, et d'une efficacité remarquable quand il s'agit d'accrocher le lecteur.
On peut sans doute considérer qu'il s'agit d'un "road novel" puisque Lydia et son fils Luca entreprennent un long voyage depuis Acapulco jusqu'à la Tucson (Arizona). Mais point de départ et point d'arrivée importent moins que les conditions du voyage. Car si Lydia, jeune libraire mexicaine, cherche à gagner les EtatsUnis, c'est parce que toute sa famille - 16 personnes réunies pour une fête d'annirversaire - vient d'être tuée par les sicaires du cartel qui a pris le pouvoir à Acapulco. Elle et Luca, réfugiés dans la douche ont échappé au massacre, mais Lydia, qui connaît l'identité du commanditaire, sait qu'elle doit fuir immédiatement, avant même de savoir où et comment.
Le début du roman est haletant, la suite l'est tout autant puisque Lydia et son fils vont suivre le chemin des migrants, emprunter avec eux La Bestia, les trains qui remontent vers le Nord jusqu'à la frontière. La fuite de la mère et de l'enfant est une suite de violences, de brutalités, de terreurs et d'angoisse, mais aussi d'entraide et de solidarité.
Certes le récit semble parfois faire l'inventaire de toutes les situations auxquelles les migrants sont confrontées, mais ce qui est mis en valeur par l'auteur, c'est toujours le vécu, le ressenti des personnages. Il y a les faits, mais il y a surtout les émotions et l'écriture de Jeanine Cummings surprend par sa précision et sa fluidité. Habile, très habile. J'ai rarement lu roman aussi accrocheur et j'avoue avoir été vérifié dans les derniers pages si Lydia et Lucas s'en sortaient tant la tension était parfois forte.
Très contente de ma lecture, j'ai été cherché quelques informations sur l'auteur et j'ai découvert que le livre faisait l'objet d'une méchante polémique. On reproche à l'auteur - blanche avec une lointaine ascendance portoricaine - de s'être emparée d'un sujet qui ne lui appartient pas puisqu'elle n'est ni mexicaine, ni même latina. Une accusation que j'ai peine à comprendre parce qu'elle revient à limiter les possibilités pour un écrivain, un réalisateur, un artiste en général de parler d'autre chose que de sa propre culture. Quoi qu'il en dise - Madame Bovary c'est moi! - Flaubert n'a pas le droit d'évoquer les émois d'une petite dinde provinciale ? Zola, fils d'ingénieur méridional, ne peut parler au nom d'Etienne Lantier et dénoncer avec lui, les conditions de travail des mineur de Montsou ? Le procès est absurde. Je reconnais qu'il y a certainement eu des abus, en particulier au cinéma, quand Indiens et Noirs étaient joués par des blancs et il y a sans doute dans le livre de Jeanine Cummins quelques stéréotypes abusifs, mais entre les reportages, documentaires et autres récits de première main sur les cartels mexicains et les migrants, et la mise en scène par la fiction des mêmes faits, l'écart ne m'a pas paru si grand. Et il me semble que son roman a plus de chances d'être lu qu'un très informé, mais très fastidieux article du Monde ou du New York Times.
En tout cas je suis déjà curieuse de savoir comment les lecteur réagiront lorsque ce roman sera traduit et publié en français. Car ce n'est, hélas, pas encore le cas.
https://www.nytimes.com/2020/01/25/arts/american-dirt-jeanine-cummins.html
https://www.nytimes.com/2020/03/06/books/american-dirt-oprah-book-club-apple-tv.html
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