02 octobre 2010

Indian reservations

Curieusement, la route qui va de Tuba City à Window Rock passe par la réserve Hopi, sorte d'enclave en pays Navajo.
Navajo, Hopi ... les noms sont familiers à tout lecteur de Tony Hillerman. Mais au delà des noms, ce sont les lieux que nous étions impatients de découvrir, ces lieux que Joe Leaphorn et Jim Chee ne cessent de traverser à toute allure pour résoudre les affaires policières qui leurs sont confiées.

Les paysages sont splendides, immenses et vastes; les prairies couvertes de fleurs et de graminées brûlées par le soleil; les ciels bleus à l'infini avec juste ce qu'il faut de nuage pour enchanter l'oeil.


Mais le reste est source de désolation. L'habitat, éparpillé mais surtout délabré, laisse imaginer les conditions de vie des Indiens, qu'ils soient Navajo, Hopi, ou Zuni. L'ouverture de casinos a certainement permis de drainer des ressources vers les communautés qui ont fait ce choix; mais celles qui ont fait le choix de préserver avant tout leurs traditions, et ne s'ouvrent d'ailleurs aux voyageurs de passage qu'avec beaucoup de réticences, celles-là vivent apparemment dans la plus grande misère.



Les maisons sont petites, parfois en dur mais pas toujours : mobile homes, caravanes, hangars, cabanons regroupés constituent l'illusion d'un hameau autour duquel gisent toutes sortes de débris, vieilles voitures, instruments agricoles rongés par la rouille...






On se demande parfois si les lieux sont encore habités, déjà désertés ?
Mais aussi, de quoi peuvent bien vivre ceux qui ont choisi d'habiter sur ces mesas isolés ?
Un peu d'élevage peut-être mais d'agriculture il ne peut guère être question : les terres sont sèches, caillouteuses, arides ...
Du tourisme ? Certainement pas car les étrangers sont à peine tolérés sur les réserves et, sur les mesas Hopi il est strictement interdit de photographier, de filmer, d'enregistrer ou même de dessiner. Quant à se promener librement dans les villages, il n'en est pas question : les espaces accordées au voyageur sont excessivement restreints.
Difficile dans ces conditions de se faire une idée de la situation des Indiens d'Amérique, de comprendre leur attachement à une terre aussi ingrate, à une culture qui ne leur permet apparemment pas de changer, d'évoluer, de s'inscrire dans la modernité. S'agit-il pour eux d'un véritable choix, d'un refus d'entrer dans une société de consommation outrancière, d'un repliement sur des valeurs refuges ou d'une incapacité à affronter le monde tel qu'il est ?
Je n'en saurai rien : je n'ai fait que traverser ces territoires sans y pénétrer.

Si toutefois je veux comprendre, il me reste les livres, ceux de Hillerman essentiellement : cet ancien journaliste, bien que blanc et originaire de l'Oklahoma, parvient, dans ses romans policiers, à transporter ses lecteurs au coeur des réserves indiennes de l'Arizona et du Nouveau-Mexique. Ses livres tiennent de l'essai ethnologique autant que du polar.

Mais je n'oublie pas que, depuis quelques décennies, un certain nombres d'auteurs indiens se sont fait connaître, parmi lesquels Sherman Alexie, dont je viens de lire Reservation Blues, l'histoire de trois jeunes Indiens Spokane qui montent un groupe de musique intitulé Coyote Springs. Le livre est drôle, inventif, souvent surprenant; coincé entre rêve et réalité, parfois le lecteur hésite un peu, mais finit par s'attacher à ces jeunes Indiens qui s'interrogent sur leur "indianité" et leur place dans la société. Passablement critique vis à vis de son peuple, Sherman Alexie parle sans détour du dénuement matériel des Indiens de la réserve, des ravages causés par l'alcool, et de leur ressentiment vis à vis de ceux qui se sont appropriés les terres sans tenir compte de leurs premiers habitants.

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