03 février 2011

La Véritable histoire d'Ah Q

"La Véritable histoire d'Ah Q, texte fondateur de la littérature chinoise contemporaine, est publié pour la première fois sous forme de feuilleton dans un journal , le 4 juillet 1921." dixit l'éditeur.

Texte fondateur ! Soit ! Toujours est-il que je n'avais jusqu'à présent pas réussi à lire jusqu'au bout ce roman de Luxun pourtant traduit en français depuis longtemps. Mais sa publication sous forme de roman graphique par les éditions Elytis change la donne : traduit par Michelle Loi, illustré et mis en page par Jean-Michel Charpentier, le texte prend un tout autre relief et surtout devient beaucoup plus accessible à un esprit occidental peu familier de la culture chinoise. Quelques encadrés explicatifs permettent de combler cette ignorance et de mieux comprendre les enjeux du texte, dont je n'avais pas suffisamment perçu, lors de mes tentatives précédentes, les intentions critiques.
Ah Q, le personnage central du livre est un chinois misérable qui va d'échec en échec et de déconfiture en déconfiture. Pour ne pas perdre totalement la face, il fait semblant de transformer chacun de ses échecs en victoire allant jusqu'à prétendre que ceux qui l'ont battu souffrent plus que lui. Tentative dérisoire pour masquer sa détresse. Il est aussi exaspérant que touchant et cette ambivalence m'a d'abord perturbée avant que je ne comprenne qu'elle était aussi celle de l'auteur vis à vis du peuple dont Ah Q n'est qu'un représentant.


Luxun, qui a connu la fin de l'empire des Qing et la révolution de 1911 était un intellectuel engagé, persuadé que la littérature était le moyen le plus efficace de changer l'esprit d'un peuple, ce peuple à qui il reproche son apathie, puisque, comme Ah Q il est prêt à subir toutes les avanies plutôt que de s'engager sur la voie de la révolte. L'éditeur rapporte une anecdote révélatrice : alors que l'on vient de lui montrer une image représentant une exécution capitale en Chine et un cercle de spectateurs venus se réjouir du spectacle, Luxun décide sur le champs d'abandonner ses études de médecine : "Si la population d'un pays faible et arriéré, pour vigoureuse et saine qu'elle soit, ne pouvait que fournir des exemples de cette sorte ou servir d'assistance à ce spectacle aussi absurde, qu'il y en ait parmi elle qui meurent de maladie, en quelque nombre que ce soit, n'était pas forcément à déplorer. La première chose à faire était de changer la mentalité des gens et comme j'estimais à l'époque que la littérature était le meilleur moyen d'y parvenir, je décidai de créer un mouvement littéraire. "

La littérature capable de changer le monde ? Et si Luxun avait raison...

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