Il faut bien l'admettre : ma dernière récolte cinématographique n'a rien de très divertissant. Je n'ai vu, depuis 15 jours, que des films sombres, pessimistes, voire franchement désespérants.
A commencer par La BM du Seigneur, "une embardée héroïque", "un concentré de violence poétique" (?) selon certain; un de ces films impossible à rattacher à quoi que ce soit, ni film de genre, ni film documentaire mais un peu des deux quand même. Le regard posé par le cinéaste sur les gens du voyage est peut-être neutre; celui du spectateur ne l'est pas. Et l'on sort du film inquiet voire consterné.
Le Cercle du cinéaste iranien de Jafar Panahi n'offre aucune raison de se réjouir : autant de destins féminins, autant de tragédies. Et l'on pourrait dire la même chose du film de Yousri Nasrallah, Femmes du Caire. Sans être de grands chefs-d'oeuvre cinématographiques, ces deux films osent dénoncer la façon dont les femmes sont traitées, mais on aurait tort de se rassurer en imaginant qu'ici est différent de "là-bas".
Comparé à ces deux films, The Hunter de Rafi Pitts passerait presque pour un film positif, puisque le personnage principal refuse de se soumettre, refuse d'accepter son destin : lorsque sa femme et sa fille, prises dans une manifestation, disparaissent, il prend son fusil et se met en chasse, prêt à descendre tous ceux qui portent un uniforme. Mais la vengeance n'est pas la justice. Elle n'est que le signe du désespoir.
Reste le plus noir (?) de tous les films vus récemment : Santiago 73, post mortem de Pablo Larrain, un jeune cinéaste chilien qui ne semble pas avoir froid aux yeux. Le scénario entremêle une histoire d'amour ratée à la répression sanglante qui a suivi le coup d'Etat de 73 et la mort d'Allende. Le personnage principal est un greffier, chargé de transcrire les rapports d'autopsie. Il est amoureux de sa voisine, une stripteaseuse vieillisante. Tout dans ce film est blafard, glaçant : les rues mornes et vides, les cadavres qui s'entassent dans les couloirs de la morgue, les visages ravagés des protagonistes, leur regard vide d'autant que le réalisateur a souvent opté pour un cadrage serré dans lequel les individus n'apparaissent qu'en plans morcelés, comme mutilés, parfois même sans visage. Le film est d'une efficacité remarquable et place le spectateur au plus près de l'abjection tout en laissant entendre que l'abjection est d'abord celle de l'être humain avant d'être celle d'un système.
Je n'ai donc vu que des films noirs, très noirs qui ne cherchent aucunement à nous réconforter, plutôt à nous déconcerter par les sujets qu'ils abordent avec audace autant que par les parti-pris esthétiques. Ils font appel à notre lucidité, nous demandent de garder les yeux ouverts, mais j'avoue que parfois, c'est un peu difficile et que, pendant la projection de Santiago 73, j'ai quelques fois détourné la tête.
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