C'est ainsi que grâce au cinéma j'ai été récemment en Chine, en Corée, en Allemagne, aux Etats-Unis, en Afrique .... Bizarrement, quelle que soit la nationalité du réalisateur, 7 titres sur 8 étaient en anglais ! Sauf le film chinois : La Tisseuse.
Quelles leçons tirer de ces voyages cinématographiques ?
La première est sans doute que le monde va mal, très mal. Et même de mal en pis !
Prenez Soul kitchen, un restaurant de Hambourg entre boui-boui et branchitude et son patron un jeune émigré d'origine grecque. Son restaurant est menacé par des projets immobiliers, il n'est pas loin de mettre la clef sous la porte, la femme qu'il aime part s'installer à l'autre bout du monde, son frère à peine sorti de prison le mène tout droit à la faillite et lui-même souffre d'une lombalgie qui l'empêche de vivre.
Prenez A serious man, le film des frères Cohen. Le personnage principal, Larry Gopnik est au début du film, un brillant universitaire, marié, deux enfants. Une caricature à lui tout seul de l'American way of life. Oui mais : son mariage vole en éclat, ses enfants accumulent les bourdes, son frère lui crée des ennuis, ses collègues bloquent sa titularisation, un étudiant le menace d'un procès - ou pire ? - pour refus de corruption (!) et il découvre finalement qu'il est atteint d'un cancer ! Pourquoi le sort s'acharne-t-il sur cet homme sérieux ? Désemparé, Larry consulte les rabbins sans trouver de réponse. Le ciel serait-il définitivement vide ? Non pas : les nuages qui s'accumulent au loin apportent la promesse .... d'une tornade qui se dirige droit vers lui.
Prenez La Tisseuse de Wang Quan'an. L'usine où elle travaille pour un salaire de misère va fermer. Son mari est au chômage. Lorsqu'elle apprend qu'elle est atteinte d'une leucémie et qu'il ne lui reste que très peu de temps à vivre, elle part pour tenter de retrouver le seul homme qu'elle a jamais aimé... mais les histoires d'amour manquées ne se réécrivent pas. La tisseuse retourne dans la noirceur du monde pour y mourir.
Prenez encore White materials. Une guerre civile en Afrique. Un femme, blanche, propriétaire d'une plantation s'obstine, en dépit du danger en dépit de tous les avertissements à rester sur place au moins jusqu'à la récolte de café. Tueries, folies meurtrières, rien ne lui est épargné; rien ne nous est épargné.
A en croire les cinéastes, le monde est vraiment désespérant. Encore Fatih Akin et les frères Tarentino parviennent-ils à garder un regard ironique sur ce monde absurde. L'humour, comme l'ultime politesse des désespérés ? Ce n'est pas le cas de Claire Denis qui oscille et nous fait osciller entre rage et désespoir. Rage surtout devant l'aveuglement d'une femme qui refuse de voir que le monde a changé; son obstination - qui pourrait être vue comme une forme héroïque de résistance, n'est en fait qu'une névrose obsessionnel. Elle perdra tout, mais peut-être avait elle déjà tout perdu
Dans le genre mère obstinée, il y a aussi celle de Do-joon, enfant attardé de 28 ans, accusé de meurtre dans le film du cinéaste coréen Joon-ho Bong . La mère est prête à tout pour sauver son fils et prouver son innocence. Mother montre l'attachement d'une femme à son enfant dans toute sa profondeur et jusque dans ses excès, jusque dans sa folie, jusqu'au meurtre !A desperate man sitting on a bench. A friend trying to comfort him : "At least, it can't be worse !" ... And sure enough it got worse !
J'ai toujours adoré cette histoire; ce pourrait être du Cioran.
J'ai toujours adoré cette histoire; ce pourrait être du Cioran.
A en croire les cinéastes, le monde est vraiment désespérant. Encore Fatih Akin et les frères Tarentino parviennent-ils à garder un regard ironique sur ce monde absurde. L'humour, comme l'ultime politesse des désespérés ? Ce n'est pas le cas de Claire Denis qui oscille et nous fait osciller entre rage et désespoir. Rage surtout devant l'aveuglement d'une femme qui refuse de voir que le monde a changé; son obstination - qui pourrait être vue comme une forme héroïque de résistance, n'est en fait qu'une névrose obsessionnel. Elle perdra tout, mais peut-être avait elle déjà tout perdu
A côté de ces films sombres et désespérés, il y a Crazy heart de Scott Cooper, l'histoire d'un vieux chanteur country qui a connu ses heures de gloire mais s'est depuis longtemps perdu dans l'alcool et les femmes (vieux clichés ! ). Le film est l'histoire de sa possible rédemption grâce à l'amouuuuuur d'une jeune femme ! On voudrait y croire, on essaye d'y croire; mais en fin de compte on n'y croit pas du tout.
Quant à Precious, analphabète, obèse, violée, battue, mère d'un enfant trisomique et enceinte pour la deuxième fois à l'âge de 16 ans .... elle porte à elle toute seule, sur ses larges épaules, tout le malheur du monde. Ou tout du moins celui des ghettos afro-américains. Lee Daniels, le réalisateur a beau présenter le parcours de Precious comme une sortie de l'enfer, on a beaucoup de mal à croire qu'avec deux enfants sur les bras, elle marche désormais vers un avenir radieux.
Le dernier film de ma série, The Ghost writer n'est pas du genre non plus à vous mettre le sourire aux lèvres et à chanter sous la pluie. Sans tomber dans la paranoïa, l'hypothèse d'une manipulation par la CIA d'un homme politique anglais est assez plausible. Les clefs fournies par le cinéaste sont très convaincantes, mais du film on retient surtout l'habileté d'un cinéaste qui n'a rien oublié de son savoir-faire. Une intrigue complexe, des personnages ambigus, un montage habile, des plans étonnants d'efficacité : la signature d'un grand cinéaste, d'un Polanski à la hauteur de ses meilleurs films : Cul de sac, Rosemary's baby, Le Bal des vampires, Répulsion, Chinatown ....
"J'aime tout ce qui est sombre, je préfère d'ailleurs la nuit au jour. "
J'ai trouvé cette phrase dans un interview de Joon-ho Bong. Pour ma part je préfère avant tout du bon cinéma, et tant pis si les films sont sombres, très sombres. Car plus les film sont noirs, plus ma vie me paraît rose. Et tant qu'à faire, je n'aimerais pas que ce soit l'inverse.
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