Le plus difficile, c'est certainement de trouver la bonne fenêtre météo. Je croyais l'avoir trouvée : le bulletin météo que je surveillais depuis quelques jours, annonçait "grand beau" pour ce jour-là
C'était sans compter sur les caprices du Mont-Blanc qui, "ce jour-là" justement, avait décidé de rester derrière sa couverture de nuage ; légère la couverture, à peine un voile, mais quand même, on ne l'a pas vu ce fichu Mont-Blanc.
Et bien, tant pis pour lui, parce que l'ascension jusqu'à l'Aiguille ... - non, pas à pied, en téléphérique bien sûr ! - fournit déjà son lot d'émotions et de sensations.
Ooooops, le passage des pylônes (surtout à la descente ! ) ......
Aaaaaarrrgh, les derniers mètres au ralenti et à la verticale, juste avant l'arrivée du deuxième tronçon ....
Wouaaaahhh, les glaciers, les pics rocheux, l'abîme sous nos pieds....
3842 mètres, le coeur s'emballe, le souffle se raréfie, la tête tourne un peu. L'altitude ? Sans doute. La beauté du paysage ? Peut-être. Mais ce qui m'émerveille et me stupéfie, c'est l'extraordinaire exploit qu'a représenté la construction de ce téléphérique, de ces plate-formes, de ces passerelles et que représente encore leur entretien quotidien.
Pas franchement terribles mes photos j'en conviens, mais j'ai au moins une excuse : la couverture nuageuse qui leur donne l'air d'avoir été prises en noir et blanc. Pas grave, puisqu' il suffit d'aller ici ou là, pour trouver infos et photos. En attendant d'y aller "pour de vrai", bien entendu !
26 juin 2011
17 juin 2011
15 juin 2011
Medianeras
Le propos de ce film ? Une histoire d'atomes crochus ? Si l'on veut mais il est une clef d'entrée encore plus simple qui donne d'emblée le ton du film.
Qu'il s'appelle Wally, Waldo ou Charlie, il est facilement reconnaissable avec son bonnet, ses lunettes rondes et son chandail rayé. Oui mais voilà, quand il est perdu au milieu de la foule, il devient très difficile à repérer. Si le livre de Martin Handford, Where is Wally (auquel se réfère explicitement Medianeras) a eu tant de succès depuis sa première édition en 1987, c'est qu'il touche quelque chose de profond en nous : comment rencontrer sa moitié d'orange dans un monde peuplé de plus de 6 milliards d'individus ?
Ce que raconte le film de Gustavo Taretto, c'est que cette "moitié d'orange", habite peut-être l'immeuble juste à côté de vous, vous la croisez plusieurs fois par jour, mais vous ne le savez pas. Parce que la ville où vous habitez (Buenos Aires) tourne le dos à la mer, que l'architecture y est devenue folle et enferme ses habitants dans des espaces labyrinthiques, parce que le réseau de cables et de fils qui s'entremêlent au dessus de nos têtes, au lieu de constituer une fenêtre ouverte sur le monde, constitue une toile d'araignée dans laquelle nous nous engluons. Parce que chacun s'enferme dans ses peurs, ses angoisses, ses échecs et qu'il faut plus d'une coïncidence pour que deux êtres finissent par se rencontrer. Le hasard, le grand entremetteur!
Parler de choses graves sur le mode léger est d'une grande élégance. Les personnages du film sont névrosés, phobiques, dépressifs mais le film jamais ne pèse. Gustavo Taretto a choisi de faire de son film une comédie et utilise toutes les ressources de l'image pour amuser le spectateur. Pas étonnant que le public du festival de Berlin en ait fait son "coup de coeur".
PS : Si vous avez vu L'Homme d'à côté, vous vous demanderez, comme moi, comment il se fait que, à Buenos Aires, on ouvre tant de fenêtres dans les murs mitoyens !
Qu'il s'appelle Wally, Waldo ou Charlie, il est facilement reconnaissable avec son bonnet, ses lunettes rondes et son chandail rayé. Oui mais voilà, quand il est perdu au milieu de la foule, il devient très difficile à repérer. Si le livre de Martin Handford, Where is Wally (auquel se réfère explicitement Medianeras) a eu tant de succès depuis sa première édition en 1987, c'est qu'il touche quelque chose de profond en nous : comment rencontrer sa moitié d'orange dans un monde peuplé de plus de 6 milliards d'individus ?
Ce que raconte le film de Gustavo Taretto, c'est que cette "moitié d'orange", habite peut-être l'immeuble juste à côté de vous, vous la croisez plusieurs fois par jour, mais vous ne le savez pas. Parce que la ville où vous habitez (Buenos Aires) tourne le dos à la mer, que l'architecture y est devenue folle et enferme ses habitants dans des espaces labyrinthiques, parce que le réseau de cables et de fils qui s'entremêlent au dessus de nos têtes, au lieu de constituer une fenêtre ouverte sur le monde, constitue une toile d'araignée dans laquelle nous nous engluons. Parce que chacun s'enferme dans ses peurs, ses angoisses, ses échecs et qu'il faut plus d'une coïncidence pour que deux êtres finissent par se rencontrer. Le hasard, le grand entremetteur!
Parler de choses graves sur le mode léger est d'une grande élégance. Les personnages du film sont névrosés, phobiques, dépressifs mais le film jamais ne pèse. Gustavo Taretto a choisi de faire de son film une comédie et utilise toutes les ressources de l'image pour amuser le spectateur. Pas étonnant que le public du festival de Berlin en ait fait son "coup de coeur".
PS : Si vous avez vu L'Homme d'à côté, vous vous demanderez, comme moi, comment il se fait que, à Buenos Aires, on ouvre tant de fenêtres dans les murs mitoyens !
14 juin 2011
Une Séparation
Ashgar Farhadi est le nom d'un cinéaste iranien; c'est définitivement un nom à retenir. De lui j'avais vu, il y a deux ans, A propos d'Elly dont j'ai dit tout le bien que j'en pensais ici-même.
Une séparation, qui vient de sortir cette semaine, confirme le talent de ce réalisateur. Car il faut un talent fou pour entraîner un spectateur dans la conscience des personnages d'un film, pour lui faire comprendre que chacun d'entre eux est déchiré entre deux exigences contradictoires : entre désir d'émancipation et devoir filial, entre religion et nécessité de gagner sa vie, entre pauvreté et diginité.... mais cette énumération binaire et réductrice ne rend pas compte de la complexité des personnages, tous traités avec une extrême justesse.
Le film est iranien et le choix d'un cadrage le plus souvent serré induit chez le spectateur une sensation d'oppression aussi insidieuse que perturbante - ah, ce voile que les personnages féminins sont constamment en train de réajuster - mais l'histoire, dans sa façon d'approcher les personnages, de les montrer confrontés à des choix que l'on qualifierait volontiers de cornéliens est universelle. On peut bien sûr ne voir dans ce film que l'affrontement de certitudes, de personnages confinés dans leur bon droit, mais peu à peu les certitudes vacillent et c'est ce vacillement qui fait tout l'intérêt du film.
Que dire de plus à propos d'un film trois fois primé à Berlin et loué de toute part ?
Qu'il est urgent d'aller le voir et de retenir le nom de son réalisateur : Ashgar Farhadi !
Une séparation, qui vient de sortir cette semaine, confirme le talent de ce réalisateur. Car il faut un talent fou pour entraîner un spectateur dans la conscience des personnages d'un film, pour lui faire comprendre que chacun d'entre eux est déchiré entre deux exigences contradictoires : entre désir d'émancipation et devoir filial, entre religion et nécessité de gagner sa vie, entre pauvreté et diginité.... mais cette énumération binaire et réductrice ne rend pas compte de la complexité des personnages, tous traités avec une extrême justesse.
Le film est iranien et le choix d'un cadrage le plus souvent serré induit chez le spectateur une sensation d'oppression aussi insidieuse que perturbante - ah, ce voile que les personnages féminins sont constamment en train de réajuster - mais l'histoire, dans sa façon d'approcher les personnages, de les montrer confrontés à des choix que l'on qualifierait volontiers de cornéliens est universelle. On peut bien sûr ne voir dans ce film que l'affrontement de certitudes, de personnages confinés dans leur bon droit, mais peu à peu les certitudes vacillent et c'est ce vacillement qui fait tout l'intérêt du film.
Que dire de plus à propos d'un film trois fois primé à Berlin et loué de toute part ?
Qu'il est urgent d'aller le voir et de retenir le nom de son réalisateur : Ashgar Farhadi !
13 juin 2011
Diderot et Jacques
- On reprend ?
- On reprend !
- Il serait temps ! J'ai cru que tu n'allais jamais t'y remettre ...
- Ah bon ?
- Ben oui, ça fait un sacré bail quand même que tu n'as pas donné de tes nouvelles.
- Vraiment ?
- Oh arrête !
- On n'a même pas commencé ! Mais à t'entendre, on croirait presque que je t'ai manqué ...
- Toi non. Mais la suite de l'histoire, un peu ! Tu m'as fait cavaler sans respirer jusqu'au XVIIIe siècle et là, tout d'un coup, tu me laisses en plan pendant presque un an ! Tu ne crois pas que tu exagères un peu.
- C'était pour te laisser reprendre ton souffle. Parce qu'il en faut pour traverser le XVIIIe ! Rien que des grosses pointures ! Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Diderot ...
- Stop ! celui-là on l'a déjà vu non ? L'encyclopédie, tout ça ...
- Tout ça, mais pas que ça. Au fait, tu as lu Jacques le Fataliste ?
- Euh... je l'ai commencé ....
- Je vois. Mais c'est dommage.
- T'as qu'à m'expliquer pourquoi tu le trouves si passionnant ce roman. Parce que franchement, ça part un peu dans tous les sens. Il commence une histoire, s'interrompt, il en commence une autre qu'il ne finit pas, revient à la première ... Et puis ses personnages, on n' y croit pas une seconde, le valet et son maître, deux vrais pantins...
- ... dont Diderot tire les ficelles. C'est exactement cela et tu as tout compris ! La plupart des romanciers essayent de faire croire à leurs lecteurs que ce qu'ils racontent est vrai. C'est ce qu'on appelle l'illusion romanesque. Diderot, au contraire, fait tout pour casser cette illusion. Rappelle-toi le début : « Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut. » Le récit à peine commencé est interrompu par l'intervention de l'auteur lui-même qui prend la parole pour dire : "Vous voyez lecteur, que je suis en beau chemin et qu'il ne tiendrait qu'à mois de vous faire attendre un an, deux ans, trois ans, le récit des amours de Jacques en le séparant de son maître et en leur faisant courir à chacun tous les hasard qu'il me plairait. Qu'est ce qui m'empêcherait de marier le maître et de la faire cocu ? d'embarquer Jacques pour les îles ? [....]
- Plutôt énervant non ? Il prend vraiment ses lecteurs pour des imbéciles !
- Pas du tout ! Au contraire. Les personnages de toute façon n'existent pas, tu es bien d'accord. Ils ne sont que les porte-parole de l'auteur. C'est donc à cette parole qu'il faut être attentif. Brecht a peut-être inventé la distanciation théâtrale, mais la distanciation romanesque, c'est Diderot !
- Oh, ça va ! Fais pas ton pédant ! Dis-moi plutôt où Diderot veut en venir !
- A faire réfléchir les gens comme toi sur leur part de liberté.
- Comment ça leur part ?
- Oui, leur part. Jacques, le valet, a eu auparavant comme maître un capitaine qui affirmait que "tout est écrit là-haut sur un grand rouleau". Tout, c'est à dire tout ce qui nous arrive dans la vie.
- Je vois, genre : c'est pas moi qu'ai cassé le sifflet du piston de la machine à vapeur... c'était écrit là-haut.
- Si tout est écrit, tu n'es responsable de rien. Coupable de rien, mais libre de rien non plus. Ce qui, tu en conviendras, est difficile à accepter.
- Quelque chose comme le fatalisme musulman ?
- Ou le providentialisme chrétien. Oui, quelque chose comme.... Mais Diderot est athée.
- Et alors ?
- Et, bien, c'est encore plus difficile de discerner la raison de toute chose. Pourquoi agissons nous comme cela ? Quelle cause produit quel effet ? Quelle est la portée de nos actes ?
- Un peu prise de tête, non ?
- Justement non, parce que la réflexion de Diderot n'est pas abstraite, pas théorique. Elle est... illustrée ...
- ... par les personnages !
- Et c'est ce qui prouve la supériorité de la littérature sur la philosophie !
- Ah! non ! Tu ne peux pas dire cela.
- Et pourquoi pas ?
- Parce que la philo quand même ...
- Quoi, quand même ? Quand il s'agit de brasser de idées, la littérature fait aussi bien que la philo : aussi bien, mais différemment.
- Same, same but different !
- Exactement : la réflexion en philosophie passe par des notions abstraites, des concepts. En littérature elle passe par des images, des personnages. Platon d'ailleurs ne s'est pas privé d'inventer des mythes et de raconter des histoires !
- D'accord, d'accord ! Aussi bien mais différemment ! Et Diderot ?
- Et bien, Diderot est un romancier philosophique.... Et une âme sensible. Et un grand critique d'art ! Et un grand amoureux des ruines.
- Et quoi encore ?
- Rien. C'est tout pour aujourd'hui.
- T'as l'air fâché ?
- Pas du tout. Mais Diderot, c'est encore un de ces touche-à-tout impossible à faire tenir tout entier dans un tiroir.
- Dans un billet tu veux dire !
- Oui, c'est ça, dans un billet.
- On reprend !
- Il serait temps ! J'ai cru que tu n'allais jamais t'y remettre ...
- Ah bon ?
- Ben oui, ça fait un sacré bail quand même que tu n'as pas donné de tes nouvelles.
- Vraiment ?
- Oh arrête !
- On n'a même pas commencé ! Mais à t'entendre, on croirait presque que je t'ai manqué ...
- Toi non. Mais la suite de l'histoire, un peu ! Tu m'as fait cavaler sans respirer jusqu'au XVIIIe siècle et là, tout d'un coup, tu me laisses en plan pendant presque un an ! Tu ne crois pas que tu exagères un peu.
- C'était pour te laisser reprendre ton souffle. Parce qu'il en faut pour traverser le XVIIIe ! Rien que des grosses pointures ! Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Diderot ...
- Stop ! celui-là on l'a déjà vu non ? L'encyclopédie, tout ça ...
- Tout ça, mais pas que ça. Au fait, tu as lu Jacques le Fataliste ?
- Euh... je l'ai commencé ....
- Je vois. Mais c'est dommage.
- T'as qu'à m'expliquer pourquoi tu le trouves si passionnant ce roman. Parce que franchement, ça part un peu dans tous les sens. Il commence une histoire, s'interrompt, il en commence une autre qu'il ne finit pas, revient à la première ... Et puis ses personnages, on n' y croit pas une seconde, le valet et son maître, deux vrais pantins...
- ... dont Diderot tire les ficelles. C'est exactement cela et tu as tout compris ! La plupart des romanciers essayent de faire croire à leurs lecteurs que ce qu'ils racontent est vrai. C'est ce qu'on appelle l'illusion romanesque. Diderot, au contraire, fait tout pour casser cette illusion. Rappelle-toi le début : « Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut. » Le récit à peine commencé est interrompu par l'intervention de l'auteur lui-même qui prend la parole pour dire : "Vous voyez lecteur, que je suis en beau chemin et qu'il ne tiendrait qu'à mois de vous faire attendre un an, deux ans, trois ans, le récit des amours de Jacques en le séparant de son maître et en leur faisant courir à chacun tous les hasard qu'il me plairait. Qu'est ce qui m'empêcherait de marier le maître et de la faire cocu ? d'embarquer Jacques pour les îles ? [....]
- Plutôt énervant non ? Il prend vraiment ses lecteurs pour des imbéciles !
- Pas du tout ! Au contraire. Les personnages de toute façon n'existent pas, tu es bien d'accord. Ils ne sont que les porte-parole de l'auteur. C'est donc à cette parole qu'il faut être attentif. Brecht a peut-être inventé la distanciation théâtrale, mais la distanciation romanesque, c'est Diderot !
- Oh, ça va ! Fais pas ton pédant ! Dis-moi plutôt où Diderot veut en venir !
- A faire réfléchir les gens comme toi sur leur part de liberté.
- Comment ça leur part ?
- Oui, leur part. Jacques, le valet, a eu auparavant comme maître un capitaine qui affirmait que "tout est écrit là-haut sur un grand rouleau". Tout, c'est à dire tout ce qui nous arrive dans la vie.
- Je vois, genre : c'est pas moi qu'ai cassé le sifflet du piston de la machine à vapeur... c'était écrit là-haut.
- Si tout est écrit, tu n'es responsable de rien. Coupable de rien, mais libre de rien non plus. Ce qui, tu en conviendras, est difficile à accepter.
- Quelque chose comme le fatalisme musulman ?
- Ou le providentialisme chrétien. Oui, quelque chose comme.... Mais Diderot est athée.
- Et alors ?
- Et, bien, c'est encore plus difficile de discerner la raison de toute chose. Pourquoi agissons nous comme cela ? Quelle cause produit quel effet ? Quelle est la portée de nos actes ?
- Un peu prise de tête, non ?
- Justement non, parce que la réflexion de Diderot n'est pas abstraite, pas théorique. Elle est... illustrée ...
- ... par les personnages !
- Et c'est ce qui prouve la supériorité de la littérature sur la philosophie !
- Ah! non ! Tu ne peux pas dire cela.
- Et pourquoi pas ?
- Parce que la philo quand même ...
- Quoi, quand même ? Quand il s'agit de brasser de idées, la littérature fait aussi bien que la philo : aussi bien, mais différemment.
- Same, same but different !
- Exactement : la réflexion en philosophie passe par des notions abstraites, des concepts. En littérature elle passe par des images, des personnages. Platon d'ailleurs ne s'est pas privé d'inventer des mythes et de raconter des histoires !
- D'accord, d'accord ! Aussi bien mais différemment ! Et Diderot ?
- Et bien, Diderot est un romancier philosophique.... Et une âme sensible. Et un grand critique d'art ! Et un grand amoureux des ruines.
- Et quoi encore ?
- Rien. C'est tout pour aujourd'hui.
- T'as l'air fâché ?
- Pas du tout. Mais Diderot, c'est encore un de ces touche-à-tout impossible à faire tenir tout entier dans un tiroir.
- Dans un billet tu veux dire !
- Oui, c'est ça, dans un billet.
11 juin 2011
09 juin 2011
Le Recours aux forêts
J'aime bien Michel Onfray : un philosophe qui revendique haut et clair son athéisme, son matérialisme et son attachement à Epicure a forcément tout pour me plaire, à condition encore qu'il s'exprime clairement, sans jargonner ... ce qui n'est pas toujours le cas.
Le Recours aux forêts, sous titré La tentation de Démocrite fait partie des textes lumineux d' Onfray. C'est un texte écrit à la demande du metteur en scène Jean Lambert-wild, qui a fait l'objet d'une mise en voix, mise en musique, mise en mouvements et mise en images par la Compagnie de Caen en 2009.(musique de Jean-Luc Therminarias - chorégraphie de Carolyn Carlson).
Je n'ai pas vu le spectacle (sauf des extraits sur une vidéo que vous trouverez ici) et le regrette, mais le texte seul se lit agréablement. Il est construit en deux temps : après le temps de la colère et du désespoir devant un monde qui va de mal en pis, vient le temps de l'apaisement au contact de la nature et dans la solitude. On pense inévitablement à Thoreau se retirant dans les bois de Walden pendant toute une année. Mais sous la plume d'Onfray, le recours aux forêts reste une tentation, une tentation seulement comme si savoir que cette solution existe suffisait à consoler du mal.
C'est un beau texte, forcément lyrique avec parfois, des échos... bibliques ? Ce qui pour un athée, vous en conviendrez, est un comble.
Le Recours aux forêts, sous titré La tentation de Démocrite fait partie des textes lumineux d' Onfray. C'est un texte écrit à la demande du metteur en scène Jean Lambert-wild, qui a fait l'objet d'une mise en voix, mise en musique, mise en mouvements et mise en images par la Compagnie de Caen en 2009.(musique de Jean-Luc Therminarias - chorégraphie de Carolyn Carlson).
Je n'ai pas vu le spectacle (sauf des extraits sur une vidéo que vous trouverez ici) et le regrette, mais le texte seul se lit agréablement. Il est construit en deux temps : après le temps de la colère et du désespoir devant un monde qui va de mal en pis, vient le temps de l'apaisement au contact de la nature et dans la solitude. On pense inévitablement à Thoreau se retirant dans les bois de Walden pendant toute une année. Mais sous la plume d'Onfray, le recours aux forêts reste une tentation, une tentation seulement comme si savoir que cette solution existe suffisait à consoler du mal.
C'est un beau texte, forcément lyrique avec parfois, des échos... bibliques ? Ce qui pour un athée, vous en conviendrez, est un comble.
07 juin 2011
Maudite pluie
Maudite pluie, le film de Satish Manswar ne ressemble pas du tout aux film sortis des studios de Bollywood : pas de stars, pas de demeures luxueuses, pas de danses frénétiques (quelques chansons quand même !), mais c'est un bon film qui a surtout quelque chose d'important à dire.
Le propos du film n'a rien de réjouissant puisqu'il s'agit de faire comprendre au spectateur comment le paysan indien, qui s'est endetté pour acheter de quoi semer, est acculé au suicide parce que la pluie qu'il attend désespérément ne tombe jamais au bon moment et lorsque finalement elle tombe, elle inonde tout. Maudite pluie !
Le film est un peu lent, un peu long, mais deux heures pour un film indien, ce n'est pas grand chose ! Et il fallait dans ce film prendre la juste mesure du temps - celui des labours et des semis, celui de la germination et de l'attente - comme il fallait du temps pour montrer l'espoir d'une récolte qui permettra de faire vivre toute une famille et le désespoir lorsqu'une fois de plus le ciel n'en a fait qu'à sa tête
La sècheresse, et la détresse des agriculteurs c'est ici et maintenant en Europe, mais c'est encore plus là-bas, car le paysan indien n'a en face de lui qu'un prêteur usurier pour le sauver. Provisoirement ! Avant de l'enfoncer. Maudits banquiers !
05 juin 2011
Bob Verschuren
Pourquoi l'art contemporain fait-il peur ?
Parce que devant l'art contemporain le spectateur n'a pas des siècles d'admiration, et des milliers de pages d'exégèse pour se protéger.
Parce que les clefs qu'il croyait posséder pour entrer dans une oeuvre d'art ne fonctionnent pas ou fonctionnent mal.
Parce qu'il est contraint de décider par lui-même de l'intérêt de l'oeuvre.
Alors il s'en tire souvent par un ricanement, ou un haussement d'épaule.
J'avoue !
Cela m'arrive souvent !
Mais dans mes bons jours, je me dis que l'art contemporain, pour lequel nous n'avons pas de références, permet de se laver l'oeil; de retrouver une certaine innocence devant les propositions des artistes.
La Fondation Salomon, installée dans le château d'Arenthon à Alex, à côté d'Annecy offre en ce moment une bonne occasion de tester notre regard avec les oeuvres d'un artiste belge : Bob Verschuren. Pas de tableaux accrochés au mur, pas de sculptures, mais des bûches de bois qui se précipitent en masse vers le foyer d'une cheminée ; une table et deux chaises pour géants, réalisés avec du bois brut, écorce et racines comprises; trois gigantesques cônes de branchages entrelacés....
Il était interdit de photographier, mais il vous suffit d'aller sur le site de l'artiste pour vous faire une idée, une idée seulement, car en vrai c'est tout autre chose.
Land art ? Arte povera ? Bob Verschuren apparemment ne se réclame d'aucune école, sauf celle de la nature, d'aucun mouvement sauf celui des végétaux. Car dans la nature c'est au végétal qu'il donne sa préférence : bois, branches, feuillles qu'il manipule avec beaucoup d'adresse, d'intelligence, d'humour et de .... patience ! Devant certaines installations on cherche à comprendre comment il s'y est pris, comment il a pu entremêler suffisamment de branches pour former ce gigantesque cône qui s'élève au milieu de la plus grande tour ? Et combien de temps il a passé pour une installation de toute façon éphémère. Les oeuvres présentée dans les salles du musée ne durent que le temps de l'exposition; celles que Verschuren a installé dans la nature subiront, comme nous, intempéries et outrages du temps, jusqu'à n'être plus
Faut-il, dans les oeuvres de Bob Verschuren, chercher un message ? Je ne sais pas, je ne crois pas. Si ce n'est la possibilité d'une relation différente à la nature et à l'art, deux notions a priori antithétique, puisque l'artifice s'oppose par définition au naturel.
Parce que devant l'art contemporain le spectateur n'a pas des siècles d'admiration, et des milliers de pages d'exégèse pour se protéger.
Parce que les clefs qu'il croyait posséder pour entrer dans une oeuvre d'art ne fonctionnent pas ou fonctionnent mal.
Parce qu'il est contraint de décider par lui-même de l'intérêt de l'oeuvre.
Alors il s'en tire souvent par un ricanement, ou un haussement d'épaule.
J'avoue !
Cela m'arrive souvent !
Mais dans mes bons jours, je me dis que l'art contemporain, pour lequel nous n'avons pas de références, permet de se laver l'oeil; de retrouver une certaine innocence devant les propositions des artistes.
La Fondation Salomon, installée dans le château d'Arenthon à Alex, à côté d'Annecy offre en ce moment une bonne occasion de tester notre regard avec les oeuvres d'un artiste belge : Bob Verschuren. Pas de tableaux accrochés au mur, pas de sculptures, mais des bûches de bois qui se précipitent en masse vers le foyer d'une cheminée ; une table et deux chaises pour géants, réalisés avec du bois brut, écorce et racines comprises; trois gigantesques cônes de branchages entrelacés....
Il était interdit de photographier, mais il vous suffit d'aller sur le site de l'artiste pour vous faire une idée, une idée seulement, car en vrai c'est tout autre chose.
Land art ? Arte povera ? Bob Verschuren apparemment ne se réclame d'aucune école, sauf celle de la nature, d'aucun mouvement sauf celui des végétaux. Car dans la nature c'est au végétal qu'il donne sa préférence : bois, branches, feuillles qu'il manipule avec beaucoup d'adresse, d'intelligence, d'humour et de .... patience ! Devant certaines installations on cherche à comprendre comment il s'y est pris, comment il a pu entremêler suffisamment de branches pour former ce gigantesque cône qui s'élève au milieu de la plus grande tour ? Et combien de temps il a passé pour une installation de toute façon éphémère. Les oeuvres présentée dans les salles du musée ne durent que le temps de l'exposition; celles que Verschuren a installé dans la nature subiront, comme nous, intempéries et outrages du temps, jusqu'à n'être plus
Faut-il, dans les oeuvres de Bob Verschuren, chercher un message ? Je ne sais pas, je ne crois pas. Si ce n'est la possibilité d'une relation différente à la nature et à l'art, deux notions a priori antithétique, puisque l'artifice s'oppose par définition au naturel.
04 juin 2011
L'enfant au vélo
Maintenant que la rumeur de Cannes est retombée, on peut retourner au cinéma.
Et en choisissant le film des frères Dardenne, on ne risque guère d'être déçu. Il y a dans leurs films comme une filiation, un peu à la manière de Truffaut.
Jérémie Reinier, l'enfant de La Promesse, le jeune père irresponsable de L'enfant incarne dans L'enfant au vélo, un père en fuite, incapable de faire face à ses responsabilités. Par la grâce d'un acteur, une continuité s'établit qui donne l'illusion que, de film en film, il s'agit du même personnage saisi à des moments différents de sa vie. Voilà pourquoi dans ce film on se sent très vite en terrain familier.
Terrain de la misère sociale, du désarroi psychologique, mais aussi de la tendresse, d'autant plus remarquée qu'elle reste totalement inexpliquée. Pourquoi cette jeune femme, coiffeuse de son état et apparemment bien dans sa peau et dans sa vie, s'attache-t-elle soudain à ce gamin impossible ? Certains appellent cela la grâce, je l'appelle tout simplement humanité.
Terrain de la misère sociale, du désarroi psychologique, mais aussi de la tendresse, d'autant plus remarquée qu'elle reste totalement inexpliquée. Pourquoi cette jeune femme, coiffeuse de son état et apparemment bien dans sa peau et dans sa vie, s'attache-t-elle soudain à ce gamin impossible ? Certains appellent cela la grâce, je l'appelle tout simplement humanité.
03 juin 2011
Ahmad Ashraf
Ahmad Ashraf est médecin. Ahman Ashraf est afghan. Dans un livre publié aux éditions Bayard, ce médecin afghan raconte son parcours, un parcours hors du commun, c 'est le moins qu'on puisse dire.
Le témoignage d'Ahmad Ashraf est intéressant à plus d'un titre.
Il permet tout d'abord de reconstituer la chronologie des dernières années de l'histoire afghane. L'histoire d'un pays n'est jamais simple, mais coincé entre l'Iran et le Pakistan, terrain de "jeu" des puissances occidentales au temps de leur grandeur, puis enjeu majeure de la guerre froide, l'Afghanistan, déchiré de surcroît par des luttes intestines, semble n'avoir jamais connu la paix.
Le constat n'est pas nouveau, mais il est ici raconté "de l'intérieur", par un individu dont le destin personnel s'est joué sur les aléas politiques de son pays.
Né dans une famille aisé de Kaboul, Ahmad Ashraf a très tôt dû faire des choix; suivre d'abord la voie tracée par l'autorité paternelle et intégrer l'armée avant de s'orienter vers la médecine, pratiquer pendant des années la médecine de guerre avant de pouvoir se spécialiser en neurochirurgie; fidèle au serment d'Hippocrate, le jeune médecin soigne indifféremment ceux de son camp et ceux du camp opposé jusqu'à choisir un jour de passer définitivement du côté de la Résistance et de la clandestinité; bientôt contraint de s'exiler, il s'installe à Grenoble où il poursuit sa formation, obtient un poste hospitalier et ... retourne régulièrement en Afghanistan pour des missions humanitaires.
La sécheresse du résumé trahit ce que le livre a de plus précieux : le regard d'un homme sur son pays, sur la médecine, sur l'humanité en général. Un regard qui ne juge ni ne condamne. Mais qui constamment s'interroge sur ses propres motivations, sur sa raison d'être.
"Est-ce utile ? Un peu. Qu'est-ce que cela représente ? Pas grand chose. Mais je peux le faire, alors je le fais." [... ] C'est la voie que j'ai choisi de prendre pour tenter de répondre à la question : comment rester spectateur du malheur des autres ? "
Le livre d'Ahmad Ashraf ne fera sans doute pas la une des journaux. Trop pudique, plus encore que modeste. Ce n'est pas un livre militant, plutôt un livre de compréhension, de compassion. Un témoignage brut de décoffrage qui nous touche parce qu'il est tout simplement vrai.
02 juin 2011
Itinéraires pragois
Se promener à Prague avec dans les mains le volume de la nouvelle collection "Itinéraires", publié conjointement par Casterman et Lonely Planet est un vrai bonheur. L'idée de la collection est de faire illustrer le texte par un auteur de bande dessinée plutôt que par un photographe.
Je ne sais pas si cela fonctionne pour tous les volumes, mais pour Prague c'est une franche réussite parce qu'auteur et dessinateur semblent éprouver le même enthousiasme, la même passion pour la ville. Ce qu'ils donnent à lire, c'est avant tout, une atmosphère : romanesque, mystérieuse, fantastique, et parfois même inquiétante car dans ses dessins Guillaume Sorel met volontiers en scène une ville nocturne baignée dans une clarté lunaire : la pluie mouille les pavés, le vent qui souffle en bourrasques, pousse les nuages ... au détour d'une ruelle obscure se glissent des personnages au regard étrange ...
Les itinéraires proposés par Christine Coste incluent bien entendu les "musts" et les "incontournables", mais stimulent la curiosité et incitent à sortir du tracé prédéfini pour aller voir un peu plus loin, ou juste à côté.
Quant aux illustrations, elles incitent à retrouver un lieu précis, un détail croqué par Guillaume Sorel, comme cette statue du quai Janacek que je vous ai déjà montrée et que je n'aurais peut-être pas remarquée sans le livre.
La statue c'était facile, mais retrouver l'angle de vue qui a permis à Guillaume Sorel de dessiner aussi précisément l' enfilade de façades du quai Masaryk, essayer de deviner où exactement il s'était posté ...
Ah! si j'avais pu moi aussi monter sur la corniche de l'immeuble !
Il est vrai que, depuis le pont où je m'étais arrêtée pour caler mon appareil photo, je risquais moins ma vie que cette jeune fille !
Comme, en voyage, je fais souvent le choix de ne (presque) rien savoir pour mieux me laisser surprendre, ce type de guide me convient parfaitement. C'est au retour que je chercherai les informations qui m'intéressent. Voir d'abord, savoir ensuite.
01 juin 2011
Guerre et paix
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