29 février 2012

The Melancholy Death of Oyster boy

Les films de Tim Burton sont souvent bizarres, toujours insolites avec en prime un humour un peu noir quand il n'est pas franchement macabre.
Les histoires de Tim Burton publié dans un délicieux petit livre illustré par ses soins, ressemblent terriblement à ses films.
Si vous aimez ses films, vous aimerez donc ses histoires. Enfin je crois !

Ce sont des histoires courtes, parfois très courtes. Des poèmes à vrai dire plutôt que des histoires. Ou des poèmes qui racontent des histoires et vous laissent parfois perplexes avant que vous n'en saisissiez toute l'ironie, l'absurdité ... un humour que les Anglais qualifient de "nonsense".

Bon, Tim Burton n'est pas anglais, il est américain. C'est vrai. Mais son humour est anglais. Et je le trouve très drôle. Presque aussi drôle que Jean-Paul Dubois dans Parfois je ris tout seul.

24 février 2012

Santiago, le musée de la mémoire


A Iquique, Calama, Antofagasta, ou Valparaiso, principales étapes de notre voyage, il nous est arrivé de tomber sur des inscriptions qui témoignaient des luttes politiques actuelles comme celles que mènent les étudiants pour obtenir un droit à l'éducation pour tous qui soit véritablement équitable.

Allende avait fait de l'éducation une de ses priorités comme le rappelle le panneau au dessus d'une bibliothèque de Valparaiso : Luchar, Trabajar, Estudiar


A Santiago a été édifié depuis peu un Musée de la mémoire et des droits humains, destiné à rappeler la fragilité des démocraties et le danger que représentent les dictatures pour les droits humains.


L'édifice est un bloc rectangulaire, sorte de monolithe massif dont la base repose sur un bassin rempli d'eau. Le revêtement du bâtiment semble constitué de plaques de tôle ondulée comme on en trouve partout au Chili. Avec comme un effet de transparence pour alléger l'ensemble.
Simple, beau, efficace.
Le premier étage est consacré au coup d'état du 11 Septembre 1973, retracé heure par heure et minute par minute jusqu'à la mort d'Allende, grâce à un montage de documents visuels et sonores. Chacun peut ensuite errer à son gré dans le musée, suivre la retransmission du dernier discours d'Allende, ou les témoignages, retransmis sur écrans vidéos, de ceux qui se sont trouvés auprès de lui. Photos et vidéos permettent de rappeler les rafles, les emprisonnements, les déportations, les exécutions... L'ensemble est aussi instructif qu'émouvant. A chacun de choisir son parcours parmi tous les documents mis à disposition. On peut y passer une heure; on peut y passer trois heures; on peut y passer une journée entière !
Mais quelle que soit votre b ord politique, c'est une formidable leçon d'histoire.

23 février 2012

El caldillo de congrio

Amoureux de la mer, des coquillages et des poissons, Pablo Neruda a mis en vers une de ses recettes préférées : El caldillo de congrio. (la soupe au congre)


ODA AL CALDILLO DE CONGRIO



En el mar

tormentoso

de Chile

vive el rosado congrio,

gigante anguila

de nevada carne.

Y en las ollas

chilenas,

en la costa,

nació el caldillo

grávido y suculento,

provechoso.

Lleven a la cocina

el congrio desollado,

su piel manchada cede

como un guante

y al descubierto queda

entonces

el racimo del mar,

el congrio tierno

reluce

ya desnudo,

preparado

para nuestro apetito.

Ahora

recoges

ajos,

acaricia primero

ese marfil

precioso,

huele

su fragancia iracunda,

entonces

deja el ajo picado

caer con la cebolla

y el tomate

hasta que la cebolla

tenga color de oro.

Mientras tanto

se cuecen

con el vapor

los regios

camarones marinos

y cuando ya llegaron

a su punto,

cuando cuajó el sabor

en una salsa

formada por el jugo

del océano

y por el agua clara

que desprendió la luz de la cebolla,

entonces

que entre el congrio

y se sumerja en gloria,

que en la olla

se aceite,

se contraiga y se impregne.

Ya sólo es necesario

dejar en el manjar

caer la crema

como una rosa espesa,

y al fuego

lentamente

entregar el tesoro

hasta que en el caldillo

se calienten

las esencias de Chile,

y a la mesa

lleguen recién casados

los sabores

del mar y de la tierra

para que en ese plato

tú conozcas el cielo.



Le poème se trouve dans le recueil intitulé Odes Elémentaires, publié à Buenos Aires en 1958.
La recette ne comporte hélas ni proportions ni temps de cuisson, mais pour un bon cuisinier, n'est ce pas ..... La principale difficulté pour exécuter la recette reste peut-être ... l'achat du congre en poissonnerie ?

22 février 2012

Les trois maisons de Pablo

Pablo ?


Pablo Neruda bien sûr, mais quand on a visité ses trois maisons, on a presque l'impression de faire partie de ses amis. On a bu un verre accoudé au bar, on s'est assis à sa table - la soupe au congre était délicieuse, merci ! - on a contemplé les tableaux accrochés aux murs et les collections de tout et n'importe quoi, plus ou moins encombrantes, les figures de proue en particulier, on s'est assis dans le même fauteuil, de maison en maison avec le même appui-pied, de maison en maison....
Neruda était un homme d'habitude. Pour son confort ! Parce que pour le reste ... c'était plutôt un nomade, un aventurier, un jour-ici, un jour-là, un jour en Asie, en jour en Argentine, un jour en Europe, un jour en Atacama, un jour en exil, un jour à Stockholm pour y recevoir le prix Nobel.

J'avoue que j'ai vécu est le titre de son autobiographie, parue un an après sa mort. A lire avant ou après la visite de ses trois maisons, peu importe, mais à lire absolument.

Les maisons d'écrivain, les maisons musées m'ennuient parfois; mais pas celles-là. Il est vrai qu'après avoir commencé par celle d'Isla Negra, je ne pouvais qu'être conquise. Un homme qui a installé son lit en travers de sa chambre pour pouvoir, soir et matin - sans compter les nuits d'insomnies - contempler la mer, était fait pour me plaire. La mer, ou plutôt l'océan Pacifique et ses vagues qui viennent battre jusqu'aux pieds de la maison.

Comment ne pas se sentir d'atome crochus avec un homme à ce point amoureux de la mer ! La mer vue de la terre de préférence.

J'ai donc visité les trois maisons de Pablo, celle d'Isla Negra (ma préférée), La Semiliana sur le Cerro Bellavista, une des collines de Valparaiso, d'où la vue n'est pas désagréable non plus. Surtout depuis le dernier étage. Car la Semiliana, est bâtie comme un phare. Elle monte, elle monte jusqu'à dominer la ville et le port. Pour mieux voir la mer.

J'ai visité sa troisième maison, celle de Santiago, qui porte le nom que Pablo donnait à la femme tant aimée : La Chascona. Que l'on peut traduire par L'Ebouriffée, ou La Tigasse !
Ceux qui me connaissent comprendront pourquoi je me suis soudain découvert tant d'affinités avec "Pablo" !

21 février 2012

Las Anamitas chilenas




Qu'est ce qu'une "animata"
Une forme d'art populaire dérivée de la modernité ? Un lieu de culte ? Un objet transitionnel ? Un offertoire aux propriétés magiques ? Une chapelle votive ?

Oui, c'est un peu tout ça.
Les "animatas", petits bricolages de métal, de carton ou de bois, ont été placées à l'endroit même où quelqu'un a perdu la vie dans un accident. On les trouve donc le long des routes et des voies ferrées. Il y en a parfois deux l'une à côté de l'autre ; parfois beaucoup plus quand il s'agit d'un accident d'autocar par exemple.


Elles sont très simples, ou très élaborées, le plus souvent en forme de chapelle, ou de croix. On y a déposé quelques fleurs en plastiques, une bouteille de bière, un jouet .... une façon de montrer peut-être, que le lien n'est pas tout à fait rompu avec ceux qui sont partis de l'autre côté de la vie.

Comme tous les ex-votos, ces "animatas" sont à la fois tragiques, ridicules et touchantes.

Sans compter qu'elles rappellent efficacement au conducteur les dangers de la route !


Si les "animatas" vous intéressent vous pouvez aller sur le site de Patricio Valenzuela Hohmann,
ou sur celui de Karen Clunes
.

20 février 2012

Valparaio côté ombre et soleil.

Entre un passé glorieux dont on découvre les traces à tous les angles de rue et un avenir incertain, entre déglingue et restauration le Valparaiso d'aujourd'hui étonne d'abord puis séduit autant qu'il rebute. Ombre et soleil toujours.










D'un côté une villa dans un état de décrépitude avancé, achetée par un individu audacieux pour tenter de lui faire retrouver son lustre d'antan. Ce qui a déjà été fait pour sa voisine de l'autre côté de la rue.















Ici, un volet dégondé ? Pas grave ! Ce sont les effets de couleur qui comptent.











A gauche, dans un vieil hôtel, un escalier de porphyre, en provenance d'Italie, désormais fendillé et ébréché.
A droite, dans la banque du Chili, un plafond soigneusement restauré.


Je n'ai eu que trois jours pour découvrir Valparaiso, aidée dans ma découverte par Michael, un amoureux de Valparaiso grâce à qui j'ai pénétré dans des endroits que je ne soupçonnais pas : la Bourse de Valparaiso, (la première du Chili), le cercle Allemand, une brigade de pompiers, le siège du Mercurio, le plus ancien journal de langue espagnole, la boutique du chapelier fournisseur de Neruda ...
Trois jours ce n'était pas assez, car visiter Valparaiso c'est se déplacer à la fois dans l'espace et dans le temps. C'est s'interroger sur l'urbanisme autant que sur l'évolution sociologique de la ville, sans doute la plus cosmopolite du Chili. L'extrême pauvreté y côtoie une relative richesse.
Pour le moment, Valparaiso semble surtout riche de son passé. Sur les 29 funiculaires qui ont fait la réputation de la ville, cinq seulement fonctionnent encore. Mais Valparaiso reste une ville universitaire importante, une capitale culturelle; elle semble avoir retrouvé un certain dynamisme, multiplie les projets de réhabilitation ...

Non, non, la réalité n'a pas tué le mythe; elle l'a plutôt enrichi.

Pour continuer virtuellement le voyage, quelques sites intéressants parmi beaucoup d'autres.
- le site de la ville de Valparaiso (espagnol et anglais) Le projet mené sur le Cerro Puerto semble particulièrement intéressant.
- un site en espagnol qui retrace brièvement l'histoire de Valpo avec photos anciennes et récentes
- un site en français (quand même !) concis et incitatif, bien que je n'ai pas voyagé avec eux.
- le site de la Yellow House, le Bed and Breakfast (en anglais) où nous avons été chaleureusement accueillis et conseillés.
- et celui de notre "mentor" dans la ville, the German Pirate je vous l'ai déjà donné ci-dessus. Nous n'avons eu qu'à nous loué de ses services.


19 février 2012

Valparaiso côté soleil

A Valparaiso, comme partout ailleurs on peut choisir de marcher à l'ombre ou en plein soleil. Et si la rouille envahit un peu trop vos photos, il suffit de changer de côté !


Il suffit de se dire que la tôle ondulée est très utile pour protéger les faces de l'érosion, qu'elle constitue par conséquent le matériau de construction le plus utilisé à Valparaiso et que, lorsqu'elle est soigneusement peinte, elle donne à la ville ses couleurs et son charme.




















Car le charme de Valparaiso tient pour beaucoup à l'usage que ses habitants font de la couleur. !

Rien de plus facile que de changer la couleur de sa maison; elle était bleue hier, elle sera jaune ce soir ! A condition que le propriétaire ne s'attarde pas trop au café !


Certains font de la peinture un usage particulier.
Celui-ci s'est souvenu de Mondrian...


Celui-ci a joué de l'arc en ciel pour y inscrire un poème :

" ... y mis manos,

son lo unico que tengo, son mi amor y my sustento"

A Valparaiso, l'art est descendu dans la rue jusqu'à y créer un "musée en plein air"


si bien que les chiens, ont parfois l'air de faire partie du tableau !

Valparaiso côté ombre


Paradis pour les uns, enfer pour les autres... Valparaiso tient sans doute un peu des deux.

C'est une ville qui fait peur, avec des quartiers en pleine déréliction, que les hôteliers, très protecteurs, vous conseillent d'éviter. A vrai dire, tout le monde au Chili semble se soucier beaucoup de la sécurité des touristes. Et il n'est pas rare qu'un passant, que le client d'un bar s'approche de vous pour vous recommander de faire attention, de vous méfier... Quant aux anecdotes, aux rumeurs concernant les pickpockets, elles sont légions, parfois terrifiantes, parfois franchement drôles. Le premier danger de Valparaiso est donc ... la paranoïa !

Mais il y a plus d'une raison pour expliquer l'état de décrépitude de certains quartiers de Valparaiso.

La misère d'abord. Depuis la fermeture en 2009 du Mercado Puerto, superbe édifice qui dans la partie basse de la ville, abritait marché aux poissons, marché aux légumes et restaurants, le quartier s'est de toute évidence dégradé. Mais à côté des SDF, des junkies et ... des chiens errants, quelques artisans, quelques commerçants maintiennent un semblant de vie dans le quartier.


Si certains bâtiments, autrefois somptueux, ne sont plus que ruine, c'est souvent par manque d'entretien. Mais la pauvreté n'est pas seule en cause. Les tremblements de terre, les glissements de terrain et les incendies ont leur part de responsabilité dans la destruction des édifices les plus anciens de Valparaiso.


Le tremblement de terre de 1906 qui a fait plus de 300 morts fait partie de l'histoire séculaire de Valparaiso, mais depuis il y en a eu bien d'autres : en 1971, en 1985, en 2008, en 2010 !
Quant aux incendies, souvent provoqués par des surcharges électriques, ils sont si fréquents depuis si longtemps qu'ils sont à l'origine de la créations de très nombreuses compagnies de pompiers, chaque "colonie de résidents étrangers", ayant à coeur d'avoir sa propre compagnie de pompiers, tous volontaires. La toute première a été crée en 1851; elles sont maintenant 16 à assurer la protection des habitants de Valparaiso.

18 février 2012

Valparaiso

Tombouctou, Zanzibar, Pondichery, Valparaiso... il y a des noms qui depuis toujours font rêver.
Et puis un jour on arrive à Valparaiso. Confronté à la réalité, que devient le mythe ?
Un mythe ne meurt jamais tout à fait. Car tout dépend du regard que l'on pose sur Valparaiso.

On peut bien sûr ne voir que le pire, une ville à l'abandon, dont les bâtiments rafistolés à grands renforts de tôle ondulée pourrissent doucement, rongés par le sel, la pluie et le vent.


Le port a connu son âge d'or au XIXe siècle lorsque les bateaux qui devaient transiter par le détroit de Magellan pour passer d'un océan à l'autre, s'arrêtaient pour ainsi dire tous à Valparaiso. L'ouverture du canal de Panama en 1914 a modifié la donne et signé le déclin de Valparaiso, mais pas sa mort. Car Valparaiso reste le deuxième port de commerce du Chili et reprend de l'importance depuis l'apparition de bateaux trop grands pour franchir le canal de Panama (référence glanée sur le site de Worldportsource).
La revanche de Valparaiso ?


Toujours est-il que , sur le port, observé depuis le Cerro Artilleria, le traffic des camions, containers, grues, mâts de charge, ponts de chargements est incessant. 24 heures sur 24. De jour comme de nuit.


Au soir tombant, la magie est intacte; le mythe a repris ses droits et Valparaiso se souvient de son vrai nom : "valle paraiso"

17 février 2012

Cielos chilenos


Je les croyais purs et limpides, bleus sans un nuage.
Mais non ! Les nuages étaient bien là torturés par le vent.
Et c'était beau.

16 février 2012

Ruta salitrera : Chacabuco

Comme Humberstone et Santa Laura, Chacabuco est une mine abandonnée.
Mais Chacabuco c'est une toute autre histoire. Infiniment tragique.
Parce que Chacabuco est devenu, en 1973, un camp de concentration.

Chacabuco avait cette particularité d'être le seul "campamento" construit à l'intérieur d'une enceinte totalement fermée. Il suffisait d'ajouter des barbelés, quelques miradors, quelques gardes armés et de disposer des mines tout autour du camp pour prévenir toute tentative d'évasion. Comme si l'aridité du désert n'était pas suffisamment dissuasive !
C'est donc à Chacabuco qu'ont été déportés, emprisonnés, torturés et pour finir souvent tués ceux dont l'idéal politique ne pouvait s'accommoder de la dictature de Pinochet.



Chacabuco se visite. Nous l'avons donc visité, mais pour une fois ce ne sont pas les friches industrielles qui ont le plus retenu notre attention.


Sous un soleil de plomb, et dans le hurlement des hauts parleurs qui diffusaient les meilleurs rocks d'Elvis Presely (sic !) nous avons longuement arpenté le "camp de prisonnier politique" dont l'emplacement était indiqué par un panneau.


J'aime beaucoup Elvis Presley, mais dans un camp de concentration, même désaffecté, sa musique a quelque chose d'obscène. Comme sont obscènes les mots écrits en espagnol, en anglais, ou en français écrits sur les panneaux et les dépliants distribués aux touristes :

"encarcelados y aislados del mundo dieron nuevamente vida a este lugar"

"under arrest and isolated from the world, these prisoners gave new life to this place"

"Délimité par des fils de fer barbelés, des mines antipersonnelles et des tours de garde,
ce lieu a connu une nouvelle vie."


Une nouvelle vie, a new life, dar nuevamente vida ... quelle que soit la langue, ces mots ne s'accordent pas avec Chacabuco, pas plus que la musique d'Elvis Presley !

D'ailleurs à Chacabuco, je n'ai pratiquement photographié que des portes, des fenêtres, des perspectives, des échappées. Jusqu'à l'obsession.



15 février 2012

Ruta salitrera : Humberstone et Santa Laura

Humberstone et Santa Laura, situées toutes les deux à une cinquantaine de kilomètres d'Iquique, sur un plateau désertique, sont les deux "officinas" les plus visitées, ne serait-ce que parce qu'elles sont classées depuis 2005 au Patrimoine l'Humanité. Un classement bien tardif, trop tardif peut-être car certaines structures sont terriblement dégradées et paraissent difficiles à préserver en l'état, sans même parler de les restaurer.


La structure principale de Santa Laura.
A vrai dire j'en rêvais depuis si longtemps que je lui ai longtemps tourné autour avant d'oser la photographier.

On la repère de très loin et lorsqu'on s'en approche, elle paraît à la fois très imposante, et très fragile.

Nous sommes seuls sur le site et le silence est total.

Pas tout à fait en vérité parce que le vent fait claquer les tôles, le bois craque, une poulie grince....

L'énorme machine a l'air encore vivante.

Je n'ai aucune idée de ce à quoi ont bien pu servir les machines que je photographie.

Elles sont rouillées, démantelées, fracassées et pourtant elles me fixent de leurs yeux vides, comme si elles avaient quelque chose à me dire...



Je m'efforce d'imaginer le fracas, les stridences, les vibrations, la poussière, la chaleur, l'odeur âcre du salpêtre ou du goudron, de la sueur et du sang.

J'essaye d'imaginer les mouvements des poulies et des courroies, les roulements, le va-et-vient des pistons ...

mais dans l'immobilité des machines je ne vois plus que des lignes, la juxtaposition de deux couleurs, un dessin abstrait.






















Dans la partie "ville" d'Humberstone, j'erre au hasard entre l'église, l'hôtel, la "pulperia", le marché, l'hôpital ...
Le tracé des rues, l'état des bâtiments, l'énorme bâtiment de l'administration avec sa belle varangue .... l'impression est celle d'une ville déserte mais qui pourrait d'un jour à l'autre reprendre vie ou presque. Comme un musée vivant.

Deux bâtiments ont été en partie restaurés : le théâtre et l'école.
La culture et l'éducation, c'est un bon début, non ?


14 février 2012

Ruta salitrera

Suivre la route du salpêtre au Chili, c'est suivre un itinéraire plus ou moins balisé pour retrouver ici et là, quelques traces d'un passé certes disparu, mais disparu depuis peu. Une archéologie moderne, en quelque sorte, qui ne s'aventure pas beaucoup plus loin que le XXe siècle et se satisfait de vestiges industriels, de vieux wagons rouillés, de générateurs déglingués, de hangars en tôle ondulée.


Voici en gros l'histoire : Le Chili possède (ou possédait ?) d'importants gisements de salpêtre (ou nitrate de sodium), un minerai utilisé essentiellement dans la fabrication d'engrais mais aussi d'explosifs. L'exploitation du salpêtre a permis le développement économique du Nord du Chili au cours de XIXe siècle et bien que situées en plein désert d'Atacama, les mines ont vu affluer d'importantes populations de mineurs chiliens mais aussi boliviens ou péruviens. Populations qu'il fallait loger au plus près de leurs lieux de travail. C'est ainsi que sont apparues de véritables villes au coeur du désert.

Conditions de travail, conditions de vie, exploitation des uns par les autres, enrichissement, paternalisme, mouvements ouvriers, répressions ... voilà les bribes d'une histoire que l'on reconstitue en visitant ces villes et ces mines désormais fantômes. Car depuis que le procédé Haber a permis aux fabriquants d'explosifs de se passer du salpêtre chilien, les mines ont été abandonnées les unes après les autres.

Le long de la route entre Calama et Antofagasta, les "ex officinas" sont légions. De certaines il ne reste rien, qu'un panneau signalant leur emplacement. Quelques murs en adobe, un arbre mort marquent parfois l'emplacement d'un "campamento", d'une ville surgie de nulle part et maintenant disparue, comme Pampa Union qui comptait pourtant plusieurs milliers d'habitants


Retrouver l'histoire de chacune de ses mines, de chacune de ses villes n'est pas chose aisée. Le projet Album Desierto mené depuis 93 a permis de réunir sur un seul site une quantité de photos et de documents concernant l'histoire de "l'or blanc" du Chili.

11 février 2012

El Trans Atacama tren

Emprunter le Trans Atacama est une bonne façon de prendre la mesure de la géographie chilienne.

Le Trans Atacama est un train constitué de deux voitures (restaurées en 2009) tirées par une locomotive diesel, qui permet de parcourir une centaine de kilomètres dans le désert d'Atacama depuis Iquique jusqu'aux ruines de la gare de Pintados. Une distance parcourue à petite vitesse, dans la chaleur de l'été chilien puisque l'idée est de faire revivre aux passagers les conditions de transport du siècle précédent, lorsque le train constituait l'unique possibilité de se déplacer d'un point à l'autre du Chili. Le voyage pouvait alors durer plusieurs jours, et n'allait sans doute pas sans incident divers qui retardaient d'autant l'arrivée à destination.

Il ne s'agit bien sûr que d'une courte réplique de ces voyages ferroviaires, à l'intention des touristes. Mais l'itinéraire est en lui-même instructif : le train part du port d'Iquique, traverse d'abord l'immense et terrifiante zone franche (la Zofri), progresse lentement entre entrepôts et bidonvilles, avant d'attaquer la montée au milieu d'un gigantesque parking de voitures d'occasion dont on se demande comment elles ont pu être garées puisque quelques centimètres seulement les séparent, quand elles n'ont pas les roues carrément dans le vide ! On comprend alors que le moindre centimètre de surface plane doit être littéralement arraché à la montagne.


Dès que le train a pris de la hauteur, chacun se précipite à la fenêtre : à droite le Pacifique; de l'autre côté, les hauteurs désertiques de la pré-cordillère; entre les deux la ville !

La lumière est cruelle, pour les yeux comme pour les appareils photos; le paysage n'est qu'un immense champ de cailloux; des traces de pneus dans le poussière, les ruines d'un "campamento", un cimetière abandonné témoignent du combat mené par des hommes pour extraire du désert de quoi survivre (et de quoi enrichir quelques propriétaires !)




Les photos sont surexposées, on distingue mal les formes et les distances. Pas grave ! Elles disent ainsi la brûlure du soleil sur les pierres et sur les hommes. "From sun to sun !" Du lever au coucher de soleil ! C'est en ces termes que se définissait la journée de travail du mineur chilien ou des ouvriers chargés d'installer les rails du train. A la pelle et à la pioche. Par 30° ou 40 ° Celsius.

Estacion San Antonio. Les voyageurs descendent pour se dégourdir les jambes, prendre quelques photos. A côté de la voie ferrée, passe une camionnette, un camion chargé d'explosifs; plus loin, quelques bulldozers... Les ouvriers d'aujourd'hui sont mieux équipés; le travail est sans doute moins pénible, mieux payé. Mais il s'agit encore et toujours de creuser le désert pour en exploiter ses richesses. Le temps du nitrate est fini, celui du cuivre s'achève; il y a encore le lithium, les terres rares...

Je devrais sans doute, au nom de la Nature, de l'écologie, du politiquement correct m'offusquer de ce qui est en train de se passer dans le désert d'Atacama, mais, pour le moment je songe plutôt aux conditions de vie de ceux qui ont vécu et travaillé dans ce désert. Ce sont les héros anonymes d'une épopée sans gloire. Et je les admire.


Dans le cimetière de Los Pintados, les tombes sont innombrables.

Pendant que nous visitions le cimetière, un déjeuner a été préparé : nappes blanches, porcelaines, verres à pied... service à l'anglaise, puisqu'il s'agit de reconstituer les conditions de vie des "maîtres" d'autrefois.

Le principal intérêt de ce lent voyage en train est de permettre au voyageur d'imaginer ce qu'a pu être cette fameuse "route du salpêtre". Tout au long du parcours une guide rappelle faits et anecdotes qui en ont ponctué l'histoire. Drôles parfois, tragiques souvent !

De retour à Iquique, ne restera plus qu'à trouver le roman de Hernan Rivera Letelier, Los Trenes se van al purgatorio pour en savoir un peu plus sur ces voyages en train dans le désert d'Atacama.

"La locomotora emerge a la luz del amanacer corriendo a todo vapo por la llanuras de la pampa. Recortado contra un horizonte en ciernes, el convoy semeja un negro girón de sombras desprendiéndose de la noche. Y en tanto el diamante de la aurora termina de redondear el día, y el penacho de humo se despide de las estrellas trémulas, los vagones siguen desgrandando su penitente rosario de rieles. Jadeante, sin siquiera recibir el saludo crispado de algún cactus reseco, el tren se va adentrando en los más fiero del desierto, allí donde su paso irá alborotando de vida a esos perdidos pueblos saliteros acurrucado de vida como momias a la orilla de la vía. Tristes escombros abandonados cuyas ánimas - vestidas de sus mejores trajes - auún siguen recibiendo su llegada como si se tratara del acontecimiento más importante del mundo. "


Un train d'autrefois abandonné sur la voie












Et celui d'aujourd'hui, plus pimpant certes, mais le désert est le même

Pour en savoir plus sur ce train du Transatacama, le plus simple est d'aller sur leur site ou de chercher sur Youtube la video qui montre dans quel état étaient les voitures avant d'être restaurées.

"Un viaje inolvidable al corazon del desierto más arido del mundo"