Elena est un film lent et pesant. J'en conviens. Et même désespérant ! Mais c'est un bon film. Incontestablement !
Cela commence par un interminable plan sur un corbeau qui semble guetter sa proie dans un arbre. Et l'on sait que les corbeaux ne sont pas oiseaux de bon augure.
Cela commence par le réveil d'une femme d'un certain âge lourde, massive, aux traits fatigués, dont on se dit qu'elle aurait pu servir de modèle à la Géante de Baudelaire.
Si vous êtes capable de passer au-delà de cette mise en place, le film a des chances de vous plaire.
Parce que cette femme, qui semble tenir le rôle de servante auprès d'un vieux monsieur très riche et dont on apprendra plus loin dans le film qu'elle est réalité sa femme, épousée en seconde noce, est le personnage clef de ce film. D'origine modeste, elle n'a pas renié ses origines et est prête à tout pour subvenir aux besoins de son fils et de sa famille. Tout, c'est à dire tuer.
Ce que Andrei Zviaguintsev, le réalisateur de ce film met en scène, ce n'est pas un simple thriller, mais un film emblématique de la lutte des classes version XXIe siècle.
D'un côté les riches, confits dans leurs certitudes égoïstes et leur cynisme; de l'autre, le "lumpen prolétariat" qu'un film soviétique ancienne manière aurait présenté comme des travailleurs acharnés à la moralité sans tâche alors qu'ici ils ne sont que paresseux, lâches, veules, tendance vauriens autant que bons- à-rien. D'un côté un appartement luxueux, mais froid, ordonné, et quasi vide ; de l'autre un espace exigu, bruyant, encombré. Entre les deux, Elena, déchirée entre deux servilités : épouse irréprochable ici, grand-mère dévouée là-bas. Elle est la seule à faire preuve d'empathie, de sentiments humains. Elle a, de toute évidence, ce qui fait défaut aux autres : une conscience morale. C'est pourtant elle, la meurtrière.
Et c'est pourquoi ce film est désespérant. Il ne faudrait surtout pas en faire une histoire russe, se contenter de l'expliquer par la déliquescence de la société soviétique. Non, non, c 'est aussi de nous que l'on parle, c'est notre société que décrit Andrei Zviaguintsev. Pas tout à fait encore, je veux bien vous l'accorder, mais celle vers laquelle nous nous acheminons à grand pas. A moins que ....
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