Pourtant le pari n'était pas gagné, car séduire un public avec un film sur l'attente, sur les petits riens qui comblent les heures, le vide, et finalement sur l'ennui, sans pour autant ennuyer le spectateur, n'était pas évident.
Aaron Fernandez a je crois gagné son pari, d'abord parce que le film est visuellement beau, et que la référence à Hopper est très vite évidente. Le cadrage, la lumière et même les couleurs, tout y est. Comme dans cette image coupée en deux avec le reflet du monde extérieur dans la vitre du motel.
Mais je pense aussi à Antonioni, capable de repeindre tout un mur en rouge pour les besoins d'un film, Ici c'est le turquoise qui domine, les bleus, les verts... Et comme chez Antonioni la narration est faite d'une succession
d'instants, de temps morts, comblés par des gestes, des postures, des
commencements... Et puis il y a aussi cette façon de jouer avec la profondeur de champs dans la même
image, de mettre au point alternativement sur l'un ou l'autre
personnage, comme pour suggérer au spectateur de changer de point de vue, de regarder les choses sous un autre angle.
Vue d'une certaine façon en effet, (le regard de la femme de chambre brièvement embauchée), le film pourrait paraître sordide puisque, dans ce motel de bord de mer, les clients viennent pour quelques instants d'amour volés : amours illicites mais .... "en toute discrétion", le patron de l'hôtel y tient !
En fait, comme le dit d'ailleurs l'un des personnages, il émane de ce motel un charme indéniable.
La gestion en a été provisoirement confié à un très jeune homme (bientôt 17 ans) - "muy responsible" - ce qui constituera pour lui une expérience formatrice, moins sur le plan professionnel que sur le plan sentimental. Car parmi les clients de l'hôtel, il y a cette jeune femme, responsable de la vente d'un projet immobilier, qui vient au motel retrouver son amant marié et père de famille. Un amant qui se fait beaucoup attendre.... La rencontre entre le très jeune homme et la jeune femme émancipée est inévitable.
Le film est bien pensé comme un roman de formation, mais au lieu d'avancer en ligne droite, le film, procède par petites touches, en papillonnant d'une situation à l'autre, comme si chaque détail était important, le hamac bleu ou le vieux chien du gardien de nuit, les capsules sur l'échiquier, ou l'orage qui mouille le linge, le décolleté de la blanchisseuse ou la couleur des T-shirts du jeune homme. Aaron Fernandez parlait d'impressionnisme. Ce doit être cela.
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