04 novembre 2018

La Tendre indifférence du monde

J'ai toujours eu un faible pour les films hors du commun : un jeune cinéaste, Adilkhan Yerzhanov, d'un pays, le Kazakhstan, qui jusqu'à présent ne s'est pas (encore) signalé par sa production cinématographique, un titre inspiré de Camus... La Tendre indifférence du monde était a priori susceptible de me plaire. Il m'a enchantée  !


 Et j'ai tout aimé dans ce film : la robe et les escarpins rouges de Saltanat, totalement improbables dans la campagne kazakh, les cartels empruntés au Douanier Rousseau pour ponctuer les chapitres du film, l'histoire d'amour, si pudique, entre Saltanat et Kuandy, son ami d'enfance qui devient son chevalier servant comme aux beaux temps de la littérature courtoise .... Mais j'ai aimé aussi la brutalité avec laquelle est présentée la société kazakh contemporaine, violences physiques et morales incluses puisque pour payer les dettes de sa famille,  et répondre aux attentes de sa mère, Sultanat est contrainte de se "vendre" à un ventripotent libidineux.
Ce mélange de sordide et de romantisme, de violence et de douceur est sublimé par une photo, des trouvailles de cadrage et de lumière - je pense en particulier au beau contre-jour de la petite chambre éclairée de façon intermittente par un feu rouge, ou aux scènes délimitées par des containers - qui font de ce film un plaisir pour l'oeil autant que pour l'intelligence.
Ce que j'aime par-dessus tout dans ce film  c'est cette façon qu'il a de vous désarçonner, ou simplement de vous dépayser, de vous sortir de votre cercle de confort avant de vous attacher irrésistiblement, parce que oui le monde est absurde, oui la vie est tragique, mais elle a parfois aussi de grandes beautés dont il faut apprendre à se contenter. C'est comme cela que Sisyphe a appris à aimer son rocher et Mersault sa cellule. Dans la tendre indifférence du monde.




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