28 avril 2019

Reino


Le film de Rodrigo Sorogoyen commence vite et fort et l'on a intérêt à distinguer rapidement les noms, les personnages et les rôles si l'on veut suivre cette enquête sur la corruption d'un parti politique espagnol. Ainsi, on s'aperçoit rapidement que, comme dans une jeu de construction, si l'on enlève une seule brique, c'est la stabilité de l'ensemble qui est menacée.


Manuel Lopez-Vidal, homme politique influent promis à un bel avenir, se défend comme un beau diable pour garder sa position dans un parti politique prêt à le lâcher.

Oui mais voilà : au fur et à mesure qu'il prend conscience du caractère imminent et définitif de sa chute, alors même qu'il s'affole et perd pied, le film soudain change de rythme, ralentit, s'accorde quelques grosses invraisemblances, comme si le réalisateur ne savait plus trop comment terminer son film qui tourne alors à la fable morale avec prise de conscience - tardive - destinée à enfoncer le clou et prouver l'immoralité des hommes politiques.

En cédant à la facilité du "tous pourris", le film perd de sa force, quitte le domaine du thriller pour celui de la semonce : le polar devient sentencieux. Mais .... quelle autre fin Rodrigo Sorogoyen pouvait-il imaginer ? Comment faire sortir les personnages de l'imbroglio dans lequel, chacun d'entre eux s'est lui-même fourré par appât du gain autant que du pouvoir. Je n'ai pas encore trouvé.

23 avril 2019

Ingar Krauss à la galerie Camera Obscura

Il y a au moins deux raisons de se rendre boulevard Raspail : la Fondation Cartier  et la Camera Obscura. L'exposition présentée à la Fondation se révélant très décevante,  malgré ses promesses (Jeunes artistes européens), je me suis dépêchée de traverser le boulevard pour découvrir les photos d'Ingar Krauss. Des photos rares, étonnantes par leur simplicité, leur évidence.



Ingar Krauss, "Sans titre, Jena", 2014
Tirage argentique rehaussé à la peinture à l'huile


Ingar Krauss, Sans titre "Zechin", 2018
Tirage argentique rehaussé à la peinture à l'huile

https://www.galeriecameraobscura.fr/artistes/krauss/galeries/gallerie_03/galerie_index.html

22 avril 2019

Luigi Ghirri au Jeu de Paume

Luigi Ghirri, géomètre italien devenu photographe dans les années 70. 
Plus frontal, plus simple, ce n'est pas possible  ! 
Ses photos sont exposées au Musée du Jeun de Paume jusqu'au 2 Juin.


Marina di Ravenna.  1973                                                               Carpi, 1972
CSAC, Università di Parma. © Succession Luigi Ghirri.               Bibliothèque nationale de France© Succession Luigi Ghirri




Lido di spina
1974
Luigi Ghirri
© Succession Luigi Ghirri


Modena
1973
Luigi Ghirri
CSAC, Università di Parma. © Succession Luigi Ghirri


Orbetello
1974
Luigi Ghirri
© Succession Luigi Ghirri


Bastia
1976
Luigi Ghirri
© Succession Luigi Ghirri

21 avril 2019

Rouge soviet




Rouge Art et utopie au pays des Soviets !  le parcours que propose l'exposition du Grand Palais jusqu'au 1er Juillet est tout à fait passionnant et l'on y passerait des heures ... si ce n'était pour le froid glacial des dernières salles !



De 1917 à 1953 il s'est passé beaucoup de choses en URSS, tant sur le plan politique que sur le plan artistique, et l'intérêt de l'exposition tient à cette double entrée, à cette liaison tour à tour heureuse et malheureuse entre les deux domaines. 


D'où l'on retient que la liberté sied mieux à l'art que l'ordre et la raison. Ce dont on se doutait il est vrai, mais il est bon de se le voir rappeler aussi efficacement : après l'élan des années 20, certes utopique, certes libertaire, la reprise en main de la création artistique par l'Etat, désormais "au service" du peuple laisse un goût d'amertume. 



Cela aurait pu être. Cela ne l'a pas été.



19 avril 2019

Hammershoi


Des pièces vides. Ou presque.  Une femme vaque à ses occupations. Ou peut-être elle se repose. On ne sait pas. On la voit de dos. Sa robe est noire. Ou grise. On aimerait toucher le rendu du tissus. Panne de velours. Le regard s'attarde sur la nuque. Quelques mèches échappées. Elle attend... Le coude passé sur le dossier de la chaise. Elle pense ... au déjeuner à préparer. A l'enfant qui viendra bientôt...


Lumière dans une pièce vide. Ce sont les mêmes couleurs, de tableaux en tableau. Gris. Ou bien greige. Avec un peu de crème ou de nacre.   Mais là, la lumière traverse la vitre, arrive jusqu'au parquet. Soleil dans un pièce vide. E. Hopper en fera un tableau. 


Parfois il n'y a personne. La lumière seulement, par la fenêtre de gauche, comme dans les tableaux de Vermeer.  Une plante maigre sur la table. Un tableau au mur accroché ridiculement haut. Un compotier. Une lampe. Scène d'intérieur. la porte est ouverte. Entrouverte. Des pas dans le couloir.


Je ne sais pas si Vilhelm Hammershoi est un grand peintre. Mais cela fait longtemps que ses tableaux  comme les églises vides de Saenredaam, me font rêver.  Lumière du Nord. Rare, précieuse.
Le silence. Le vide. L'ennui peut-être....

Mais au musée Jacquemart-André, il y a les yeux bleus d'Ida, la fiancée de Vilhelm.


17 avril 2019

Mon inconnue


Elle est franchement séduisante et lui plutôt sympathique, mais le scénario est un peu trop embrouillé pour convaincre. Bien sûr on rêve toujours d'être un autre :  écrivain célèbre plutôt que prof de collège ! Bien sûr la routine du couple finit par user la plus belle des relations et il faut faire un effort de séduction pour la retrouver !  Bien sûr il y a un vieux copain, complice de toujours, qui a lui les pieds bien sur terre et sur qui le héros peut compter.

Voilà il y a un peu de tout ça dans le film de Hugo Gélin, mais je me suis un peu lassée de démêler les fils du scénario et les intentions du réalisateur.

11 avril 2019

Ojoloco 2019 : Les Oiseaux de passage


Comme le film d'ouverture, le film de clôture  se doit d'être consensuel. Et si possible remarquable ce qui est le cas avec Les Oiseaux de passage.

Soit un peuple, dont la culture - matriarcale - a jusque dans les années 70 été conservée pratiquement intacte au point d'être inscrite au Patrimoine Immatériel de l'Humanité : les Wayuu qui vivent dans une région désertique à la frontière de la Colombie et du Venezuela.

Mine de rien, le film restitue bien le mode de vie de cette communauté, de ses rites, mais aussi plus simplement de son habitat ou de son système judiciaire. Ce qui en soit constitue un des aspects les plus intéressants du film,  et dont l'effet visuel est garanti, comme par exemple la danse de séduction entre l'homme et la jeune fille par laquelle débute le film.


Mais, pour payer la dot qui lui permettra d'épouser Zayda, Rapayet s'associe avec un noir américain et s'engage à livrer une première cargaison de majijuana aux hippies venus s'installer dans la région. Jusque là le film est plutôt bon enfant, mais au fur et à mesure que le traffic se développe, les difficultés, les déceptions et les trahisons s'accumulent jusqu'à virer à une véritable guerre des gangs.


Le pari était difficile d'associer deux genres aussi différents que le thriller et le film ethnologique, mais ce que Tony Hillerman a accompli avec ces polars sur les réserves Navajo et Hopi,  Cirro Guerra et Cristina Gallegol le réussissent aussi bien avec Les Oiseaux de passage.  Les négociations, lentes, mesurées,  sont faites par l'intermédiaire d'un messager, comme le veut la culture Wayuu, mais les fusillades sont aussi soudaines que violentes comme il se doit dans un thriller ou un western.

Et aussi bizarre que celui puisse paraître cela fonctionne parfaitement car il s'agit à la fois de montrer comment se sont constitués les cartels de drogue, et comment une culture millénaire s'effondre sous les coups de boutoir de l'appât du gain et du capitalisme. Ainsi chacun dans ce film finit par mourir par loyauté envers les siens et respect du code d'honneur de la tribu - wayuu ou malfrats - à laquelle il appartient.

Les Oiseaux de passage est un film somptueux, un joli final pour ce festival Ojoloco qui ne cesse de prendre de l'ampleur d'année en année. Jusqu'à constituer un des points forts de l'année cinématographique.

https://www.bynativ.com/fr/actualite-monde/communaute-wayuu-colombie/


09 avril 2019

Ojoloco 2019 : Rojo


Celui-là, j'aurai beaucoup de mal à le défendre, parce que je me suis copieusement ennuyée !
Une altercation stupide dans un restaurant entre deux hommes. Qui se poursuit au-dehors. Lorsque l'un se tire une balle dans la tête, l'autre, pourtant avocat, se débarrasse du corps dans le désert.

 "On dit que des gens disparaissent dans le désert. " Oui, en Argentine comme au Chili. Et c'était le fait de la dictature. Mais là on est à la veille du coup d'Etat de 76, et ce que le film dit, c'est qu'il n'y a pas vraiment de différence entre les crimes crapuleux et ceux de la dictature. Il suggère aussi que le coup d'état est le châtiment mérité d'un pays qui a perdu tout sens moral et continue de vivre et de faire des affaires comme si de rien n'était



La leçon  de Benjamin Naishtat est un peu pesante, d'autant que l'image est aussi fade et plate que la mise en scène ou le jeu des acteurs, dont l'impassibilité est supposée souligner l'absence de remords.

J'aime bien les films qui poussent à la réflexion, mais celui-ci m'a paru vraiment lourdingue. Tragédie grecque, avec mouches comme dans la pièce de Sartre ? Ou parabole chrétienne, avec le coup d'état comme signe de la colère divine ? Ou bien encore crime impuni en milieu bourgeois comme Woody Allen sait si bien les mettre en scène ? A force d'exégèse, je finirai bien par trouver un intérêt à ce film...

08 avril 2019

Ojoloco 2019 : Los Monos


Voici un film qu'il est bien difficile de recommander, tant la brutalité y est manifeste. Une brutalité prise au sens propre du terme, celle de l'animal livré à ses instincts, mais ici appliqué à des adolescents, jeunes gens (ou jeunes filles) embrigadés, sans que l'on ne sache d'ailleurs ni pourquoi ni comment, dans les forces des Farcs qui ont fait régner la terreur pendant des années en Colombie.
Le prétexte du film ? Une otage américaine à garder dans une casemate en ruine au somment d'une montagne puis, lorsque la guérilla s'est déplacée dans la forêt tropicale.

Le rapprochement avec le roman de Golding, Sa majesté des mouches est vite évident. Il s'agit bien d'un retour à l'état sauvage, dès lors que les règles qui protègent la civilisation ne sont plus en cours puisque que les gamins, que l'on a formés pour se battre, sont la plupart du temps livrés à eux-mêmes, en mode survie qui plus est. Mais en lisant Golding, on pouvait se rassurer puisqu'il ne s'agissait que de fiction;  ce n'est pas le cas dans le film d'Alejandro Landes, parce que l'on sait qu'un peu partout dans le monde,  les camps ennemis ont eu et ont toujours recours à des enfants soldats.  C'est donc bien de la réalité qu'il s'agit même si elle se déploie dans le champs de la fiction cinématographique.

Monos n'est pas un film plus violent que certains polars coréens ou certains films d'action américains, mais c'est une violence qui nous concerne de plus près parce qu'elle n'est pas déréalisée. Et l'on se surprend à s'interroger sur ce que l'on ferait soi-même dans les mêmes conditions, à se demander si placé dans une situation extrême comme l'otage américaine -  une adulte, une femme -  on se comporterait comme elle. Jusqu'où peut aller l'instinct de survie ? Quelle est la limite entre l'humanité dont nous nous targuons et la bestialité ?  Mais peut-être vaut-il mieux ne pas savoir ...



07 avril 2019

Claudine Desmarteau, Un Mois à l'ouest



Roman ?  Récit de voyage ?  Le livre de Claudine Desmarteau est ... un peu des deux.

C'est le récit à la première personne d'un jeune homme de 20 ans qui sur un coup de tête part rejoindre la Canadienne qu'il a brièvement aimée alors qu'elle était de passage en France. Rencontre sans lendemain car à peine arrivé à Montréal, le voilà mis à la rue et contraint d'improviser en territoire inconnu puisque son billet - non remboursable et non modifiable - ne sera utilisable que dans un mois.

Le voilà donc livré à lui-même et aux rencontres hasardeuses, qui lui permettent néanmoins de découvrir les chutes du Niagara, New-York, Quebec City et la Gaspésie !
Le charme du livre tient tout entier à la tonalité de son écriture, puisque Claudine Desmarteau a choisi de faire entendre la voix de son personnage qui s'exprime comme s'expriment les jeunes de son âge. Il apparaît ainsi selon les circonstances d'une grande naïveté, ou d'une grande prétention, audacieux parfois, angoissé souvent.

Un petit livre pas prise de tête du tout qui se lit vite et avec plaisir.


06 avril 2019

Ojoloco 2019 : L'Homme à la moto


C'est un voyou, un vrai, du genre à arracher le sac des vieilles dames. Il ni beau ni laid, ni gros ni mince juste un homme ordinaire que sa copine, la mère de son fils jette de l'appartement qu'ils partageaient.
La femme agressée est plutôt du genre gros et moche, pas spécialement sympathique; mais, heureusement pour lui elle a perdu la mémoire de son agression. Pas évident avec deux personnages de cet acabit, de faire un film. Et pourtant, Agustin Toscano réussit capter l'intérêt du spectateur jusqu'à la fin.

Parce qu'en fait, il s'agit non pas d'un film policier proprement dit, mais plutôt d'un film sur le remords et la culpabilité qui taraudent Miguel, l'homme à la moto. Le réalisateur met surtout en scène les ambiguïtés de ce personnage, voleur à la manque mais père attentif, brutal et attentionné,  escroc au petit pied et menteur chevronné... voyou au coeur tendre, voyou avec un certain sens moral?
L'autre personnage, Elena, n'est pas moins intéressant : dès le départ on se doute que son amnésie est d'une certaine façon opportune et, relativement flexible. Comme si elle ne tenait pas non plus à la vérité.



Toute l'habilité du réalisateur consiste à suggérer, à insinuer, à multiplier les fausses pistes puisque le monde dans lequel évoluent les deux personnages est dès le départ un monde fait de mensonges dans lequel ils se retrouvent pris au piège. 

Mais tout en mettant l'accent sur la construction de l'intrigue et la caractérisation des personnages, Agustin Toscano ne néglige pas la dimension sociale de son film, un souci de toute évidence propre aux réalisateurs d'Amérique latine. 

05 avril 2019

Ojoloco 2019 : Joel


Joel, c'est le nom du gamin. Un gamin de 9 ans adopté par un couple sans enfant. Quand on apprend au début du film que son père est en prison, on s'attend au pire : un enfant à problèmes qui perturbe l'équilibre de ce couple bien gentil ... Et bien non, c'est sur d'autres pistes que nous envoie Carlos Sorin, le réalisateur.


Le film est beaucoup plus subtil et montre comment dans cette communauté du bout du monde, on se méfie de celui qui vient d'ailleurs. Joel, le gamin timide et effacé, dérange parce qu'à l'école, il se vante des méfaits de son père; il parle de drogues et il n'en faut pas plus pour que les parents, sans même chercher à comprendre son comportement, considèrent qu'il constitue une danger pour leurs enfants.

Joli argument pour montrer comment naît la méfiance, et la peur qui justifie l'ostracisme. L'habilité du réalisateur consiste ne pas dévoiler son jeu dès le départ, à mettre en scène des gens ordinaires, et même pour la plupart bien intentionnés, qui sous un prétexte mineur, glissent peu à peu vers le rejet de l'autre. Et la fin ouverte laisse le spectateur devant ses propres choix. Que ferions nous si nous étions à la place de la mère.

Joël est un film faussement intimiste, qui aborde de face un problème de société, avec quelques échappées -  trop rares -  vers des paysages époustouflants de beauté mais glaçants. Comme le film.

04 avril 2019

Ojoloco 2019 : Las Ninas bien



Pris comme un documentaire sur la vanité et la vacuité des riches, le film d'Alejandra Marques Abella est assez réussi. Sans doute parce qu'au lieu de jouer la carte "riches contre pauvres", elle préfère mettre en scène les riches de longue date, qui ont depuis longtemps acquis tous les codes, et les nouveaux riches dont la vulgarité et le manque de savoir vivre détonne dans ce milieu huppé.

Oui mais voilà, les revers de fortune existent et pendant que les uns accèdent aux milieu des grandes fortunes, d'autres sont contraints d'en sortir. Et c'est ce chassé croisé qui fait tout l'intérêt du film. Bien qu'il soit difficile d'éprouver la moindre empathie pour Sofia et ses amies !

On est au Mexique, puisque la réalisatrice est mexicaine,  mais il est évident que le film est aisément transposable ailleurs....

01 avril 2019

Ojoloco 2019 : Retour de flamme


LE film du festival avec Ricardo Darin ! Immanquable évidemment ! Et je suis plus jamais convaincue de la nécessité de voir les films en salle, entouré de spectateurs dont on perçoit les réactions. Ce soir là, la salle "ronronnait" littéralement à chaque sourire, à chaque réplique de l'acteur argentin. Un rôle facile pour lui, celui de l'homme de la cinquantaine, désemparé par le départ de son fils et par la réaction de sa femme qui éprouve soudain un grand désir de liberté. Un regard bleu porcelaine, un sourire malicieux, le charme opère, il n'en faut pas plus.


Ceci dit le film est très bien fait, très juste, dialogue au millimètre - car dans ce genre de film tout repose sur le dialogue - banalité des situations pour que chacun puisse s'y retrouver, pas de problèmes financiers pour envenimer les débats, tout glisse vers un happy end sans surprise puisqu'annoncé dès le titre.
Une bonne comédie,  douce-amère, et une agréable soirée.