29 juillet 2020

Etaf Rum, Le Silence d'Isra


Etaf Rum est américaine (née à Brooklyn) de parents palestiniens. Comme elle, ses personnages, essentiellement féminins, sont pris entre deux cultures a priori antithétiques. Mais son roman multiplie les personnages et les générations pour montrer la complexité des situations et des mentalités et ainsi échapper au manichéïsme simplificateur. Ce qui exige de la part de ses lecteurs une certaine agilité pour suivre un récit qui bascule constamment d'un personnage à l'autre mais aussi d'une décennie à l'autre.



 Farida, la grand-mère, qui a connu la misère des camps de réfugiés avant de suivre son mari en Amérique paraît souvent odieuse tant elle s'acharne à perpétuer les traditions, et ce faisant à imposer à ces belles-filles et petites-filles un modèle de femme réduite au rôle de génitrice et de servante, un modèle qui lui a été inculqué dès l'enfance et dans lequel elle trouve la justification même de son existence. Les femmes de la génération suivante, celle d'Isra, n'ont d'autre issue que la soumission, dussent-elles en mourir, ou la fuite. Et la prégnance du modèle est telle que même la troisième génération, pourtant née et élevée en Amérique ne parvient qu'avec beaucoup de difficultés à prendre conscience de sa capacité à choisir une autre voie pour essayer d'être une femme libre ou simplement un être humain à part entière.

Le Silence d'Isra est un roman ambitieux et certainement nécessaire, qui souffre un peu trop de la volonté de convaincre. Certains passages sont abusivement sentencieux et ressemblent parfois à des manuels de "mieux-vivre". Mais les personnages sont suffisamment bien campés, suffisamment crédibles pour que l'empathie l'emporte sur les exigences littéraires d'autant que l'écrivaine montre également, que d'une certaine façon les hommes aussi sont les victimes de cette culture qui assigne à chacun des rôles en fonction de son genre et de sa position dans la famille.

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