Pour un premier film, le propos est plutôt habile; la mise en scène également malgré quelques scènes un peu trop longues ou trop appuyées, acteurs sans doute amateurs pour la plupart. Défauts de débutant largement compensés par l'intérêt du sujet. Car il s'agit, comme souvent dans le cinéma d'Amérique latine, de l'écart considérable entre les riches, très riches ! et ceux qui n'ont rien que leurs mains pour travailler et leurs yeux pour pleurer.
C'est ainsi que Francisco, ouvrier sur le chantier d'une luxueuse villa, doit affronter la mort accidentelle de son frère et le suicide de sa belle-soeur et surtout l'injustice qui leur est faite puisque la chute n'est pas reconnue comme accident du travail : ils ne toucheront donc pas d'indemnité. Ulcéré, blessé, Francisco se venge en squattant la villa après la mort (provoquée) du propriétaire, une aubaine dont il tient à faire profiter ses compagnons de chantier. Une vie collective et solidaire se met en place jusqu'aux premières frictions, aux premières fissures....
Le réalisateur passe rapidement sur l'égoïsme et l'indifférence des très riches, son propos n'est pas là, il est plutôt dans l'observation des changements que l'argent et d'une certaine façon le pouvoir, induisent peu à peu dans le personnages de Francisco. Altruiste, oui, mais jusqu'à un certain point seulement. Ainsi la critique ne porte pas sur la nature même des personnages, bons ou méchants, non, ce que David Zonana dénonce c'est bien la racine même de la corruption, l'argent, comme un virus susceptible de gangrener les pauvres comme les riches.
Plus que par les dialogues, c'est par l'image, les décors, l'éclairage que le réalisateur souligne son propos : ainsi la caméra met en évidence le vide et la blancheur de la luxueuse villa où, dans la journée, travaillent les ouvriers qui le soir venu, regagnent leurs logements encombrés et mal éclairés, jusqu'à ce que, peu à peu la nuit devienne moins obscure et les chambres encore inachevées de la villa prennent des couleurs.
En regardant Mano de Obra, on pense inévitablement à Parasites, le film de Bong Joon Ho. Le sujet des deux films est proche, c'est un fait, mais la manière de le traiter est bien différente; presque légère chez l'un, plus grave chez l'autre. Pas de palme d'or pour Davi Zonana, mais un réalisateur dont j'attends déjà le prochain film ....