02 octobre 2020

Thomas Flahaut, Les Nuits d'été

Le premier roman de Thomas Flahaut, (chroniqué ici ) m'avait intéressé parce que, sous couvert de fiction - une catastrophe nucléaire - l'auteur évoquait en réalité la catastrophe sociale que représente une fermeture d'usine. Or la littérature française n'a pas tant que ça l'habitude de s'intéresser aux problèmes économiques ou politiques, ni surtout à leurs répercussions sur les "gens ordinaires". 

Les Nuits d'été reprend la même veine, mais sans avoir recours à un événement hors du commun. Pas de dramatisation excessive mais une certaine sobriété et une grande justesse pour raconter les deux mois d'été de Thomas, Louise et Medhi. Thomas et Louise sont jumeaux, Medhi est leur ami d'enfance. Ils vivent tous les trois dans le même quartier, autrefois pimpant mais désormais délabré, d'une petite ville du Jura, à la frontière de la Suisse. Thomas a raté ses études et s'est fait embaucher pour l'été dans l'usine où Medhi travaille de nuit. Louise, qui poursuit des études de sociologie porte sur ce monde des intérimaires et des frontaliers un regard acéré. 

 Visiblement, l'auteur connaît ce monde ouvrier en voie de disparition sous la butée d'un capitalisme qui ne pense qu'au profit. Il décrit avec minutie les conditions de travail, la fatigue extrême, la précarité, les relations entre les chefs et les autres. Mais il met surtout en scène le malaise des enfants d'ouvriers qui ont cru un temps pouvoir s'en sortir mieux que leurs parents et se retrouvent à emprunter les mêmes chemins alors que les conditions n'ont fait qu'empirer et qu'il n'existe plus pour eux d'autre perspective que le chômage et la précarité, puisque l'usine ferme et les machines sont démontées.

Les Nuits d'été n'est pourtant pas un essai, mais bien un roman parce que Thomas Flahaut restitue avec beaucoup de justesse les doutes, les inquiétudes, les espoirs et les rêves manqués de ses personnages.  La façon dont ils parlent comme la façon dont ils s'abrutissent parfois dans l'alcool ou la vitesse. Si bien que l'on termine ce roman poignant, le coeur serré, mais convaincu du talent de son auteur.

Et moi je me réjouis de voir que certains écrivains s'intéressent enfin à autre chose qu'à leur nombril et leurs peines de coeur. 

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