Le dernier film de Kiyoshi Kurosawa est un véritable puzzle pour l'esprit, un scenario suffisamment complexe pour maintenir l'attention du spectateur jusqu'au bout, bien que l'attention portée à la reconstitution de l'époque et donc des décors et des costumes ait tendance à l'obnubiler. Ce qui est souvent le cas dans les films historiques. Mais le film a suffisamment d'atouts pour passer outre cette gène passagère.
En 1941, le Japon qui avait envahi la Mandchourie 10 ans plus tôt, continue sa politique expansionniste et joint ses efforts à ceux de l'Allemagne pour détruire l'Occident. Ces faits sont connus, mais les exactions de l'Unité 731 le sont peut-être moins. C'est pourtant de cela que parle le film. Indirectement, car le spectateur est plutôt incité à s'intéresser à la relation de couple entre Yusaku et Sakoto. Lorsque Yusaku, jeune homme d'affaires prospère, rentre de Mandchourie, il n'a qu'une idée en tête, témoigner de ce qu'il a vu, le faire savoir, preuves à l'appui qu'il s'agit de transmettre en Amérique. Un lanceur d'alerte donc plus qu'un espion. Sa femme soupçonne une relation adultérine, mais lorsqu'elle apprend la vérité elle joint ses efforts à ceux de son mari sans qu'il soit possible de distinguer ce qui relève de la passion amoureuse ou de l'amour de la vérité.
Le film joue parfaitement de l'ambigüité de cette relation, comme elle joue des hésitations du 3e personnage, militaire intransigeant et cruel, secrètement amoureux de Sakoto. Chacun soupçonne chacun et chacun, à un moment ou à un autre joue un double jeu, en essayant, comme aux échecs, de trouver la stratégie gagnante. En tout cas, une chose est sûre, en plaçant le film sur le plan sentimental plutôt que sur le plan idéologique, Kiyoshi Kurosawa gagne sur les deux plans. Car dans tous les conflits politiques ce ne sont pas seulement des idées qui s'affrontent, mais bien des individus avec un vécu, un ressenti, des émotions. Des individus amenés à faire des choix parfois déchirants.