Le dernier roman de Louise Erdrich est tout simplement jubilatoire. Pour des tas de raisons. Et d'abord, parce que, du début à la fin, on ne sait pas à quoi s'attendre, comme si la fiction s'inventait d'elle-même au fil des pages. Impossible de deviner où Louise va nous mener, parce que ... et bien je ne suis pas certaine qu'elle sache elle-même où elle va. En revanche, ce que l'on devine très bien, c'est qu'elle jubile elle-même de cette liberté qu'elle se donne d'aborder tous les sujets qui lui tiennent à coeur, de créer des personnages qui sans doute lui ressemblent un peu puisque l'histoire se déroule dans une librairie de Minneapolis que l'on reconnaît à sa porte bleue. Louise Erdrich en effet n'est pas seulement écrivaine, elle est aussi libraire.
Il y a donc dans son livre, une librairie et des libraires passionnés qui savent parfaitement conseiller leurs clients, des lecteurs toujours plus avides de lecture et .... un fantôme : en effet, Flora, une très ancienne et très fidèle cliente, vient de mourir, mais sa présence ne cesse de hanter Tookie, la narratrice...
C'est plus ou moins le fil conducteur du roman qui permet à Louise Erdrich d'aborder tous les thèmes qui lui tiennent à coeur, celui des peuples autochtones, celui de l'amour, de la conjugalité et de la maternité; mais le livre a été écrit pendant l'épidémie de Covid et ne pouvait donc faire l'impasse sur la façon dont l'épidémie a été traitée aux Etats-Unis, de même qu'il était impossible de ne pas parler de George Floyd puisque le meurtre a eu lieu ici même, à Minneapolis, et plus généralement des violences policières qui touchent les Indiens tout autant que les Noirs. Très habilement, Louise Erdrich se garde bien de théoriser, non, ce sont ses personnages qui vivent les événements, au jour le jour, qui s'émeuvent, s'énervent, agissent et réagissent. Des personnages presque ordinaires, parmi lesquels le lecteur a vite fait de se glisser.
Et bien sûr dans ce livre, qui n'a rien de sentencieux malgré son titre, on parle beaucoup de livres, on fait des listes et, merci Louise, ces listes sont toutes récapitulées dans les dernières pages du livre : courts romans parfaits, livres sublimes etc. avec en prime une grosse bibliographie autochtone. J'ai compté : 162 titres ! Au cas où vous ne sauriez pas quoi lire .... Moi, en tout cas, j' ai scanné les listes et compte bien en profiter !