22 juin 2024

Hubert Haddad, Premières neiges sur Pondichery


" [...] A Jérusalem, pendant des années, chaque dimanche, il avait traversé un marché arabe sous un soleil nimbé d'étincelles. Les crieurs d'agrumes le saluaient. La foule s'ouvrait avec des froissements d'étoffe. Les éclats de voix se répondaient, proches et lointains. On s'apostrophait du fond du temps. On plaisantait et riait d'un étage à l'autre de la tour de Babel. C'était avant la multiplication des attentats, avant le mur. Yitzhak Rabin n'avait pas encore été assassiné par un juif orthodoxe. On pouvait espérer un règlement pacifique du conflit.  Certains jours de fête, les voix dans les rues se mêlaient avec une espèce d'harmonie. L'hébreu et l'arabe, le yiddish, le copte ou l'arménien, les langues tissaient ensemble de vieilles connivences. Dans l'accalmie, tout laisser augurer un apaisement, une ouverture, quelque chose de miraculeux. Rien n'est advenu que violence, rancune et spoliation. "

La meilleure façon d'entrer dans le roman d' Hubert Haddad est de lire cette première page à haute voix. Pour en sentir les sonorités, le rythme, la musicalité. Le roman raconte comment un violoniste israélien invité à un festival de musique en Inde du Sud, quitte à jamais son pays pour retrouver le goût de vivre. Voyage de deuil, voyage de renoncement. Mais à Pondichery, comme dans le Kerala tout est bruits, tout est sons, discordants ou harmonieux comme tout est odeurs, senteurs, parfums. Comme si la sensualité était le dernier lien qui rattache à la vie quand tout le reste est perdu.

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