19 novembre 2025

Deux procureurs

 Le film est glaçant. C'est un film en couleurs et pourtant j'ai eu l'impression de voir un film en noir et blanc. Il est vrai que les locaux pénitentiaires, pas plus d'ailleurs que les bureaux de l'ère stalinienne ne se prêtent à une débauche de couleurs. D'ailleurs que l'on soit dans les interminables couloirs de la prison, ou dans les aussi interminables escaliers du tribunal ou bien encore dans une voiture ou un compartiment de train on a toujours l'impression d'être enfermé, contraint, limité. Physiquement et psychologiquement. Et pour cause : l'histoire se situe en 1937l, à l'époque des "grandes purges" staliniennes qui font partie des années les plus noires de l'ex-URSS, puisque tout individu pouvait à tout moment être soupçonné d'être "antisoviétique et partant socialement dangereux". Prison, torture, aveux, élimination. 

Le film de Sergei Loznitsa  n'est pourtant pas un documentaire, mais bien une "fiction" inspirée d'une nouvelle de Georgy Demidov, un physicien envoyé au goulag en 1938. Plus encore qu'un témoignage, c'est une démonstration brillante du fonctionnement d'un régime totalitaire dont l'idéologie initiale a été totalement dévoyée. Un film lent, mais une montée en tension continue, pas d'effet spectaculaire mais des cadrages toujours signifiants, des répétitions qui constituent comme une scansion du récit. Ce que le cinéma fait de mieux quand il a vraiment quelque chose à dire. L'austérité de la mise en scène peut déconcerter, mais elle est parfaitement raccord avec le propos. 


 

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