23 novembre 2025

François-Henri Désérable, Chagrin d'un chant inachevé

J'ai suffisamment aimé le précédent récit de voyage de François-Henri Désérable, L'Usure du monde, pour avoir envie de lire celui qu'il a publié ce printemps : Chagrin d'un chant inachevé.
Dans L'Usure d'un monde il partait sur les traces de Nicolas Bouvier; le voici maintenant sur les traces du  Che. Un bon filon ! Le début d'une collection ? Un nouveau genre littéraire, façon "je mets mes pas dans les pas d'un autre voyageur" ? Pourquoi pas ? Cela laisse en tout cas beaucoup de possibilités. 
De toute façon ce qui m'importe dans ce genre de réit, c'est moins l'itinéraire que l'esprit du voyage. Et avec François-Henri Désérable je m'y retrouve pleinement.
Parce que, même si l'itinéraire est plus ou moins tracé, il y a toujours les impondérables, les surprises, bonnes ou mauvaises, les rencontres, l'inattendu auquel on se prête avec plus ou moins de grâce, les contretemps dont on s'accommode. Et il y a surtout la confrontation entre deux voyages, celui de Guevara et celui de Désérable. Une façon de "revisiter" un personnage et avec lui une époque, un moment de l'Histoire qui a compté pour les Cubains, mais pas seulement eux. 
La personnalité de Désérable, telle qu'elle se reflète en tout cas dans son écriture, n'est pas pour rien dans le charme de son récit. Cultivé, mais pas pédant, il aime confronter ce qu'il sait à ce qu'il voit. Renonce à décrire ce que tant d'autres avant lui ont déjà décrit,  et quitte à paraître iconoclaste, s'extasie sur le paysage qui entoure le Machu Pichu plus que sur les ruines : "Les ruines, oui, d'accord. Bien sûr les ruines. Mais on ne m'ôtera pas de l'idée qu'on aurait jamais fait tant de foin des mêmes ruines en Picardie, au milieu des plaines à betteraves." On le trouve en revanche plus disert quand il s'agit de décrire les bidonvilles d'Iquitos : "La rivière leur sert tout à la fois de latrines et d'égouts, de baignoire et de garde-manger. [...] Les poissons frayent dans une eau jonchée de merdes en plastique, amoncellement d'immondices dans lequel j'ai vu plonger un père de famille pour attraper un brochet à mains nues : ce soir au moins les enfants mangeraient à leur faim. "
 
 
 
 

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