Je vous ai déjà parlé de Roland et Sabrina Michaud, ce couple de photographes qui depuis quarante ans arpente les routes de l'Asie. (Désir d'Orient, 25 Juillet 2006)
Et bien, ils viennent de sortir un nouveau livre, autant dire une nouvelle splendeur ! Photos stupéfiantes de beauté et commentaires à la hauteur des images.
Une idée de cadeau ? Absolument ! Pour tous les amoureux de l'Inde ou de la photo.
15 décembre 2006
07 décembre 2006
Coincidence ou connivence ?
Trouvé hier matin dans le livre de Théodore Monod, L'émeraude des Garamantes, ce poème :
Sans peur, quittant de l'oeuf la tiède sauveté,
Hier encore soirée cinéma pour le dernier film d'Altman : A Paririe home companion, titré en français, oui en français (!) The Last Show. Comment ne pas voir entre ce poème et ce film, un peu plus qu'une coincidence, une connivence.
Altman met en scène la dernière diffusion d'une émission de radio un brin ringarde, reflet nostalgique d'une Amérique en voie de disparition : l'Amérique du Middle West, aux valeurs simples : Dieu, la famille, le travail... Oui, je sais : vue de ce côté de l'Atlantique, cette Amérique, avec ses relents pétainistes, n'a pas bonne presse. Mais c'est aussi l'Amérique bon enfant, celle où les détectives portent nécessairement un Doulos et les cow-boys des Stansons, celle des petites villes à un seul carrefour : Mains street et First street, celles des "dinners " comme dans le tableau de Hoppper, où tout le monde connaît toute le monde depuis l'enfance, où il y a toujours un bon voisin sur qui on peut compter en cas de pépin. C'est à cette Amérique qu'Altman fait ses adieux. Une sortie en musique, sur un air de country, ballades sentimentales et folk songs un brin éraillés, comme la voix du vieil homme qui va mourir. Mais, comme le dit un des personnages du film " Un vieil homme qui meurt, ce n'est pas une tragédie." Et lorsque l'ange en trench-coat blanc, l'ange de la mort qui erre sur le plateau de l'émission, avance doucement vers les quatre personnages attablés au coin du "dinner", on ne sait pas vers qui elle se dirige. Vers nous peut-être ...
Mourir sans peur.
De la part d'Altman, quelle élégance !
SANS PEUR
Sans peur, quittant de l'oeuf la tiède sauveté,
Têtard étrange et dérisoire,
Inconsciente ébauche, hors du moule jeté,
Il t'a fallu, jouant ou la blanche ou la noire,
Naître sans peur.
Sans peur, dans les matins dorés et les midis,
Au grand soleil ou sous l'orage,
Il faut, dans les fracas des tonnerres maudits,
Face aux cris des démons, aux brouillards, au mirage
Vivre sans peur.
Sans peur, au soir venu de l'ombre violette
- O vieux coeur enfin consolé -
Il te faudra, larguant l'amarre à l'aveuglette
Pour offrir au jusant ton esquif esseulé
Mourir sans peur.
Inconsciente ébauche, hors du moule jeté,
Il t'a fallu, jouant ou la blanche ou la noire,
Naître sans peur.
Sans peur, dans les matins dorés et les midis,
Au grand soleil ou sous l'orage,
Il faut, dans les fracas des tonnerres maudits,
Face aux cris des démons, aux brouillards, au mirage
Vivre sans peur.
Sans peur, au soir venu de l'ombre violette
- O vieux coeur enfin consolé -
Il te faudra, larguant l'amarre à l'aveuglette
Pour offrir au jusant ton esquif esseulé
Mourir sans peur.
Hier encore soirée cinéma pour le dernier film d'Altman : A Paririe home companion, titré en français, oui en français (!) The Last Show. Comment ne pas voir entre ce poème et ce film, un peu plus qu'une coincidence, une connivence.
Altman met en scène la dernière diffusion d'une émission de radio un brin ringarde, reflet nostalgique d'une Amérique en voie de disparition : l'Amérique du Middle West, aux valeurs simples : Dieu, la famille, le travail... Oui, je sais : vue de ce côté de l'Atlantique, cette Amérique, avec ses relents pétainistes, n'a pas bonne presse. Mais c'est aussi l'Amérique bon enfant, celle où les détectives portent nécessairement un Doulos et les cow-boys des Stansons, celle des petites villes à un seul carrefour : Mains street et First street, celles des "dinners " comme dans le tableau de Hoppper, où tout le monde connaît toute le monde depuis l'enfance, où il y a toujours un bon voisin sur qui on peut compter en cas de pépin. C'est à cette Amérique qu'Altman fait ses adieux. Une sortie en musique, sur un air de country, ballades sentimentales et folk songs un brin éraillés, comme la voix du vieil homme qui va mourir. Mais, comme le dit un des personnages du film " Un vieil homme qui meurt, ce n'est pas une tragédie." Et lorsque l'ange en trench-coat blanc, l'ange de la mort qui erre sur le plateau de l'émission, avance doucement vers les quatre personnages attablés au coin du "dinner", on ne sait pas vers qui elle se dirige. Vers nous peut-être ...
Mourir sans peur.
De la part d'Altman, quelle élégance !
05 décembre 2006
Homère (suite)
- T'as pas été un peu vite l'autre jour ?
- Si, puisque j'ai oublié de donner les références de mes citations. Je les ai trouvées dans la traduction du texte d' Homère par Paul Mazon, dans l'édition Folio préfacée par Vidal Naquet.
Et puis j'ai aussi oublié de dire que l'Iliade ne raconte pas toute la guerre de Troie. Tu n'y trouveras pas l'histoire du cheval, celui qui a donné son nom à un virus informatique. Homère ne raconte qu'un tout petit épisode de quelques jours, mais s'il a choisi cet épisode, et pas un autre, c'est, à mon avis, à cause du sens qu'il pouvait lui donner.
- T'es sûre ?
- Ben oui !
- T'as des preuves ?
- Ben non !
- Alors ?
- Ben c'est ça, la littérature. Un texte et le sens qu'on lui donne, que le lecteur lui donne...
- Mfff, je croyais que c'était l'auteur qui... enfin si tu crois ....
- Mettons un peu l'auteur et aussi le lecteur. On en reparlera si tu veux. En attendant, et pour me faire pardonner mon oubli, tu veux une image ?
Comment tu le trouves le vieil aède ? Scène nocturne sur fond de Parthenon : le gamin pour guider le vieillard, la sébile pour mendier, la lyre pour accompagner le chant, et même la chouette d'Athéna, rien ne manque ! Et si tu voyais le triptyque complet ... tu y trouverais tous les symboles de l'Iliade (à droite) et de l'Odyssée (à gauche).
- Si tu voyais... A vrai dire on voit pas grand chose sur ton image. On devine vaguement, pas plus..
- Pourtant, en vrai, le tableau de Jules-Jean Antoine Lecomte du Nuy est immense. Quasiment 2 mètres de large voire plus !
- C'est qui ce Jules-Jean Antoine machin?
- Un peintre du XIXe siècle, un élève de Gérôme, un orientaliste peut-être; je n'en sais pas plus.
- Et l' Odyssée alors, tu nous la raconte ?
- Ah, non ! Pas maintenant. Quand tu auras lu l'Iliade... dans un mois ?
- Si, puisque j'ai oublié de donner les références de mes citations. Je les ai trouvées dans la traduction du texte d' Homère par Paul Mazon, dans l'édition Folio préfacée par Vidal Naquet.
Et puis j'ai aussi oublié de dire que l'Iliade ne raconte pas toute la guerre de Troie. Tu n'y trouveras pas l'histoire du cheval, celui qui a donné son nom à un virus informatique. Homère ne raconte qu'un tout petit épisode de quelques jours, mais s'il a choisi cet épisode, et pas un autre, c'est, à mon avis, à cause du sens qu'il pouvait lui donner.
- T'es sûre ?
- Ben oui !
- T'as des preuves ?
- Ben non !
- Alors ?
- Ben c'est ça, la littérature. Un texte et le sens qu'on lui donne, que le lecteur lui donne...
- Mfff, je croyais que c'était l'auteur qui... enfin si tu crois ....
- Mettons un peu l'auteur et aussi le lecteur. On en reparlera si tu veux. En attendant, et pour me faire pardonner mon oubli, tu veux une image ?
Comment tu le trouves le vieil aède ? Scène nocturne sur fond de Parthenon : le gamin pour guider le vieillard, la sébile pour mendier, la lyre pour accompagner le chant, et même la chouette d'Athéna, rien ne manque ! Et si tu voyais le triptyque complet ... tu y trouverais tous les symboles de l'Iliade (à droite) et de l'Odyssée (à gauche).
- Si tu voyais... A vrai dire on voit pas grand chose sur ton image. On devine vaguement, pas plus..
- Pourtant, en vrai, le tableau de Jules-Jean Antoine Lecomte du Nuy est immense. Quasiment 2 mètres de large voire plus !
- C'est qui ce Jules-Jean Antoine machin?
- Un peintre du XIXe siècle, un élève de Gérôme, un orientaliste peut-être; je n'en sais pas plus.
- Et l' Odyssée alors, tu nous la raconte ?
- Ah, non ! Pas maintenant. Quand tu auras lu l'Iliade... dans un mois ?
04 décembre 2006
Lundi classique : Homère
Pourquoi commencer par lui ?
Parce qu'il est le premier, tout simplement. Le premier vraiment grand de la littérature occidentale.
IXe siècle avant notre ère, vraisemblablement, car on n'est pas très sûr des dates.
Il y a, à n'en pas douter, d'autres textes, écrits ailleurs, en d'autres temps, mais pour moi, l'Iliade et l'Odyssée sont des oeuvres capitales, au sens propre du terme, avec la Bible dont je reparlerai un autre jour.
Le problème avec l'Iliade et l'Odyssée, c'est que tout le monde connaît l'histoire, grosso modo, et que chacun par conséquent croit l'avoir lue. Mais entre l'oeuvre abrégée et joliment illustrée lue lorsqu' on avait 10 ans à peine et que, fier comme Artaban, on entrait en sixième, et la lecture posée et réfléchie des vingt-quatre chants, il y a un pas, que dis-je un pas, un fossé, un abîme.
- Ah! non : ça c'est une facilité stylistique ! Tu ne vas tout de même pas nous la jouer grand manitou pontifiant, surtout que t'as même jamais fait de grec, n'est-ce pas ?
- Ben non ! j'ai été privée de grec ! Mais je m'en fous, ya de très bonnes traductions et Homère n'est pas réservé aux hellénistes que je sache !
- Allez, ne monte pas sur tes grands chevaux ! Arrête de bouder et viens nous dire pourquoi tu aimes tant l'Iliade. Parce que franchement la guerre de Troie, les tueries, le sang ... c'est pas trop ragoûtant tout ça.
- Pas ragoûtant du tout ! Tu as parfaitement raison. Mais l'Iliade, c'est beaucoup plus qu'une histoire de guerre.
- Alors raconte; arrête de tergiverser.
- Et bien voilà : l'Iliade, ça commence par une dispute, une dispute vraiment stupide entre Agamemnon et Achille. L'objet de la dispute ? une femme bien sûr, une captive, la jolie Briséis.
Agamemnon, pour éviter le courroux des dieux, doit rendre sa part de butin, Chryséis - qu'il préfère, et de loin à Clytemnestre, sa légitime épouse ! Pour se dédommager il s'empare de la jolie Briséis, la captive préférée d'Achille qui du coup se retire dans sa tente pour bouder et refuse de prendre part au combat. Qui d'Agamemnon ou d’Achille est le plus ridicule ? En tout cas, les injures vont bon train : "Sac à vin ! Oeil de chien et coeur de cerf !" "Face de chien!" et les interventions des dieux n'arrangent rien.
L'ennui, c'est que privé des talents d'Achille, les Grecs se font piler par les Troyens. Pour éviter la catastrophe, Achille autorise son meilleur ami Patrocle, à prendre les armes et à rejoindre les combattants, mais Patrocle est tué et on ramène son cadavre devant la tente d'Achille. Ô rage! Ô désespoir !
- Ah! non tu vas pas recommencer avec tes clichés !
- Pourtant il est vraiment désespéré Achille : son meilleur ami, son autre lui-même ... mort!
Enfin, de toute façon il ne s'agissait là que des préliminaires, parce que la vraie histoire commence maintenant, avec la colère d'Achille. Une colère à la mesure de son désespoir : effrénée, sans borne, démesurée....
- Allez, ça va, laisse tomber tes adjectifs. Dis-nous plutôt ce que fait Achille.
- Il fait ce que l'on attend depuis le début : il prend ses armes, celle que la déesse Thétis, sa protectrice a fait fabriquer par Héphaïstos le divin forgeron ... ah, le bouclier d'Achille ! Quatre pages entières pour le bouclier, mais, sous la plume d'Homère... plume ? plutôt un stylet non ? Enfin, si Homère consacre quatre pages à la description du bouclier c'est que ce bouclier est beaucoup plus qu'un bouclier, c'est un emblème car il y a tout sur ce bouclier, les quatre éléments, les villes et la campagne, les batailles et les travaux des champs, la guerre et la paix, tout quoi.
- C'est pas un peu bizarre, un type qui interrompt son récit juste pour décrire un bouclier ? Pourquoi il fait ça à ton avis ? pour créer du suspense ?
- Un effet de suspension ? Je ne crois pas. Plutôt un indice, une suggestion. Si un objet aussi banal qu'un bouclier est aussi chargé de sens peut-être que le récit lui-même est plus chargé de sens qu'on ne l'imagine...
- Mouais ! Peut-être...
- En tout cas, c'est à partir du moment où Achille, armé de pied en cap, se jette dans la bataille que le récit devient franchement épique. C'est un forcené qui tue tous ceux qui ont le malheur de se trouver devant son épée. Un vrai massacre. Même au cinéma, t'as pas vu pire. Et du sang il y en a. Il y en a tellement que le Scamandre - le fleuve qui coule dans la plaine où se déroulent les combats - lassé de charrier des cadavres, sort de son lit si bien que la plaine en question n'est plus qu'une mer de sang ... Ah, la révolte du Scamandre, c'est un autre morceau de bravoure ! Un de ses passages que l'on n'oublie pas. Attends, je te lis un passage :
Du fond de son tourbillon le fleuve fait entendre sa voix: "Achille, tu l'emportes sur tous les humains par ta force, mais aussi par tes méfaits. Tu as toujours des dieux prêts à t'assister d'eux-mêmes. Si le fils de Cronos t'accorde d'anéantir tous les Troyens, du moins chasse-les loin de moi dans la plaine avant de te livrer à ces atrocités. Mes aimables ondes déjà sont pleines de cadavres, et je ne puis plus déverser mon flot à la mer divine, tant les morts l'encombrent; et toi, tu vas toujours tuant, exterminant ! ... Cette fois, finis ! tu me fais horreur, commandeur de guerriers. " [...]
"Il dit. Cependant Achille, l'illustre guerrier, de la berge abrupte saute et se lance en plein fleuve. Mais le fleuve, pour l'assaillir, se gonfle, furieux. Il émeut toutes ses ondes, qui se troublent; il repousse les morts innombrables, victimes d'Achille, qui pullulent dans son lit, il les jette au-dehors, sur le sol, en mugissant comme un taureau. "
Mais rien ne peut arrêter la colère d'Achille, pas même les forces naturelles.
- Il faudrait peut-être que les dieux s'en mêlent ? Je croyais qu'ils étaient toujours aux aguets, prêts à donner un coup de pouce côté troyen, côté grec, quand il le fallait.
- Sans doute, mais pour le moment Homère a décidé que la fureur du héros irait jusqu'au bout de la démesure. Et la démesure est atteinte lorsque Achille se trouve face à Hector, le tue et traîne son cadavre dans la poussière.
"À l’arrière des deux pieds, il lui perce les tendons entre cheville et talon; il y passe des courroies et les attache à son char, en laissant la tête traîner. Puis il monte sur le char, emportant les armes illustres; d'un coup de fouet, il enlève ses chevaux, et ceux-ci pleins d'ardeur s'envolent. Un nuage de poussière s'élève autour du corps ainsi traîné; ses cheveux sombres se déploient; sa tête gît dans la poussière - cette tête jadis charmante et que Zeus maintenant livre à ses ennemis, pour qu'ils l'outragent à leur gré sur la terre de sa patrie!"
Voilà, on y est. On a atteint le pire du pire !
- Mais il est malade, ce type!
- Sans doute, et c'est bien ce que Homère essaye de faire comprendre. Hector est mort, c'est un fait mais dans une civilisation où l'on respecte les morts qu'il importe d'ensevelir selon les rites pour que leur âme trouve le chemin du paradis, ce qu'Achille fait à Hector et à sa famille est carrément inhumain; il cesse de se conduire comme un être humain civilisé doit se conduire, même en temps de guerre.
- Pas beau Achille ! moi qui le prenais pour un héros...
- Et bien, même les héros sont faillibles : du moment qu'ils ne respectent plus les codes de l'humain, ils perdent leur valeur. Le héros devient un zéro. Oooooops ! trop facile celle-là !
- Bon alors, c'est la fin de ton histoire ? Achille va être puni par les dieux ? banni par les hommes ?
- Pas si simple; on n'est pas à Hollywood; on est dans une épopée grecque ! Pendant des jours, Achille continue son manège, et rien ne le fait céder. Il sont nombreux à faire appel à sa raison, mais Achille a depuis longtemps franchi le seuil du raisonnable. Il faudra que le père d'Hector en personne, le vieux Priam, aidé par les dieux il est vrai, vienne se traîner aux pieds d'Achille et implore sa pitié pour que celui-ci se laisse toucher par l'émotion - l'émotion, pas la raison - et rende enfin au père le cadavre de son fils.
Voilà, c'est fini. Juste un mot pour terminer : Ubris. Les Grecs ont un mot particulier pour désigner le comportement d'Achille, Ubris, la démesure, l'excès. Achille est excessif en tout, excessif quand il boude et se retire du combat, excessif dans son affection pour Patrocle, excessif dans son désir de vengeance et sa violence. Et l'Ubris, c'est ce que les Grecs anciens détestaient par-dessus tout.
- Dis donc, tes Grecs anciens, ils pourraient pas venir dire un mot aux gens d'aujourd'hui !
- Eux non ! mais Homère oui !
C'est bien pour cela qu'il m'intéresse.
Parce qu'il est le premier, tout simplement. Le premier vraiment grand de la littérature occidentale.
IXe siècle avant notre ère, vraisemblablement, car on n'est pas très sûr des dates.
Il y a, à n'en pas douter, d'autres textes, écrits ailleurs, en d'autres temps, mais pour moi, l'Iliade et l'Odyssée sont des oeuvres capitales, au sens propre du terme, avec la Bible dont je reparlerai un autre jour.
Le problème avec l'Iliade et l'Odyssée, c'est que tout le monde connaît l'histoire, grosso modo, et que chacun par conséquent croit l'avoir lue. Mais entre l'oeuvre abrégée et joliment illustrée lue lorsqu' on avait 10 ans à peine et que, fier comme Artaban, on entrait en sixième, et la lecture posée et réfléchie des vingt-quatre chants, il y a un pas, que dis-je un pas, un fossé, un abîme.
- Ah! non : ça c'est une facilité stylistique ! Tu ne vas tout de même pas nous la jouer grand manitou pontifiant, surtout que t'as même jamais fait de grec, n'est-ce pas ?
- Ben non ! j'ai été privée de grec ! Mais je m'en fous, ya de très bonnes traductions et Homère n'est pas réservé aux hellénistes que je sache !
- Allez, ne monte pas sur tes grands chevaux ! Arrête de bouder et viens nous dire pourquoi tu aimes tant l'Iliade. Parce que franchement la guerre de Troie, les tueries, le sang ... c'est pas trop ragoûtant tout ça.
- Pas ragoûtant du tout ! Tu as parfaitement raison. Mais l'Iliade, c'est beaucoup plus qu'une histoire de guerre.
- Alors raconte; arrête de tergiverser.
- Et bien voilà : l'Iliade, ça commence par une dispute, une dispute vraiment stupide entre Agamemnon et Achille. L'objet de la dispute ? une femme bien sûr, une captive, la jolie Briséis.
Agamemnon, pour éviter le courroux des dieux, doit rendre sa part de butin, Chryséis - qu'il préfère, et de loin à Clytemnestre, sa légitime épouse ! Pour se dédommager il s'empare de la jolie Briséis, la captive préférée d'Achille qui du coup se retire dans sa tente pour bouder et refuse de prendre part au combat. Qui d'Agamemnon ou d’Achille est le plus ridicule ? En tout cas, les injures vont bon train : "Sac à vin ! Oeil de chien et coeur de cerf !" "Face de chien!" et les interventions des dieux n'arrangent rien.
L'ennui, c'est que privé des talents d'Achille, les Grecs se font piler par les Troyens. Pour éviter la catastrophe, Achille autorise son meilleur ami Patrocle, à prendre les armes et à rejoindre les combattants, mais Patrocle est tué et on ramène son cadavre devant la tente d'Achille. Ô rage! Ô désespoir !
- Ah! non tu vas pas recommencer avec tes clichés !
- Pourtant il est vraiment désespéré Achille : son meilleur ami, son autre lui-même ... mort!
Enfin, de toute façon il ne s'agissait là que des préliminaires, parce que la vraie histoire commence maintenant, avec la colère d'Achille. Une colère à la mesure de son désespoir : effrénée, sans borne, démesurée....
- Allez, ça va, laisse tomber tes adjectifs. Dis-nous plutôt ce que fait Achille.
- Il fait ce que l'on attend depuis le début : il prend ses armes, celle que la déesse Thétis, sa protectrice a fait fabriquer par Héphaïstos le divin forgeron ... ah, le bouclier d'Achille ! Quatre pages entières pour le bouclier, mais, sous la plume d'Homère... plume ? plutôt un stylet non ? Enfin, si Homère consacre quatre pages à la description du bouclier c'est que ce bouclier est beaucoup plus qu'un bouclier, c'est un emblème car il y a tout sur ce bouclier, les quatre éléments, les villes et la campagne, les batailles et les travaux des champs, la guerre et la paix, tout quoi.
- C'est pas un peu bizarre, un type qui interrompt son récit juste pour décrire un bouclier ? Pourquoi il fait ça à ton avis ? pour créer du suspense ?
- Un effet de suspension ? Je ne crois pas. Plutôt un indice, une suggestion. Si un objet aussi banal qu'un bouclier est aussi chargé de sens peut-être que le récit lui-même est plus chargé de sens qu'on ne l'imagine...
- Mouais ! Peut-être...
- En tout cas, c'est à partir du moment où Achille, armé de pied en cap, se jette dans la bataille que le récit devient franchement épique. C'est un forcené qui tue tous ceux qui ont le malheur de se trouver devant son épée. Un vrai massacre. Même au cinéma, t'as pas vu pire. Et du sang il y en a. Il y en a tellement que le Scamandre - le fleuve qui coule dans la plaine où se déroulent les combats - lassé de charrier des cadavres, sort de son lit si bien que la plaine en question n'est plus qu'une mer de sang ... Ah, la révolte du Scamandre, c'est un autre morceau de bravoure ! Un de ses passages que l'on n'oublie pas. Attends, je te lis un passage :
Du fond de son tourbillon le fleuve fait entendre sa voix: "Achille, tu l'emportes sur tous les humains par ta force, mais aussi par tes méfaits. Tu as toujours des dieux prêts à t'assister d'eux-mêmes. Si le fils de Cronos t'accorde d'anéantir tous les Troyens, du moins chasse-les loin de moi dans la plaine avant de te livrer à ces atrocités. Mes aimables ondes déjà sont pleines de cadavres, et je ne puis plus déverser mon flot à la mer divine, tant les morts l'encombrent; et toi, tu vas toujours tuant, exterminant ! ... Cette fois, finis ! tu me fais horreur, commandeur de guerriers. " [...]
"Il dit. Cependant Achille, l'illustre guerrier, de la berge abrupte saute et se lance en plein fleuve. Mais le fleuve, pour l'assaillir, se gonfle, furieux. Il émeut toutes ses ondes, qui se troublent; il repousse les morts innombrables, victimes d'Achille, qui pullulent dans son lit, il les jette au-dehors, sur le sol, en mugissant comme un taureau. "
Mais rien ne peut arrêter la colère d'Achille, pas même les forces naturelles.
- Il faudrait peut-être que les dieux s'en mêlent ? Je croyais qu'ils étaient toujours aux aguets, prêts à donner un coup de pouce côté troyen, côté grec, quand il le fallait.
- Sans doute, mais pour le moment Homère a décidé que la fureur du héros irait jusqu'au bout de la démesure. Et la démesure est atteinte lorsque Achille se trouve face à Hector, le tue et traîne son cadavre dans la poussière.
"À l’arrière des deux pieds, il lui perce les tendons entre cheville et talon; il y passe des courroies et les attache à son char, en laissant la tête traîner. Puis il monte sur le char, emportant les armes illustres; d'un coup de fouet, il enlève ses chevaux, et ceux-ci pleins d'ardeur s'envolent. Un nuage de poussière s'élève autour du corps ainsi traîné; ses cheveux sombres se déploient; sa tête gît dans la poussière - cette tête jadis charmante et que Zeus maintenant livre à ses ennemis, pour qu'ils l'outragent à leur gré sur la terre de sa patrie!"
Voilà, on y est. On a atteint le pire du pire !
- Mais il est malade, ce type!
- Sans doute, et c'est bien ce que Homère essaye de faire comprendre. Hector est mort, c'est un fait mais dans une civilisation où l'on respecte les morts qu'il importe d'ensevelir selon les rites pour que leur âme trouve le chemin du paradis, ce qu'Achille fait à Hector et à sa famille est carrément inhumain; il cesse de se conduire comme un être humain civilisé doit se conduire, même en temps de guerre.
- Pas beau Achille ! moi qui le prenais pour un héros...
- Et bien, même les héros sont faillibles : du moment qu'ils ne respectent plus les codes de l'humain, ils perdent leur valeur. Le héros devient un zéro. Oooooops ! trop facile celle-là !
- Bon alors, c'est la fin de ton histoire ? Achille va être puni par les dieux ? banni par les hommes ?
- Pas si simple; on n'est pas à Hollywood; on est dans une épopée grecque ! Pendant des jours, Achille continue son manège, et rien ne le fait céder. Il sont nombreux à faire appel à sa raison, mais Achille a depuis longtemps franchi le seuil du raisonnable. Il faudra que le père d'Hector en personne, le vieux Priam, aidé par les dieux il est vrai, vienne se traîner aux pieds d'Achille et implore sa pitié pour que celui-ci se laisse toucher par l'émotion - l'émotion, pas la raison - et rende enfin au père le cadavre de son fils.
Voilà, c'est fini. Juste un mot pour terminer : Ubris. Les Grecs ont un mot particulier pour désigner le comportement d'Achille, Ubris, la démesure, l'excès. Achille est excessif en tout, excessif quand il boude et se retire du combat, excessif dans son affection pour Patrocle, excessif dans son désir de vengeance et sa violence. Et l'Ubris, c'est ce que les Grecs anciens détestaient par-dessus tout.
- Dis donc, tes Grecs anciens, ils pourraient pas venir dire un mot aux gens d'aujourd'hui !
- Eux non ! mais Homère oui !
C'est bien pour cela qu'il m'intéresse.
27 novembre 2006
Lundi classique
Lire des classiques...
Pourquoi lire des classiques ?
D'ailleurs qu'est ce qu'on appelle un classique ?
- Un auteur que l'on étudie en classe ? Synonyme d'ennui et de poussière ?
- Trop souvent hélas !
- Un auteur qui a traversé les siècles ? Et dont l'oeuvre peut-être considérée comme fondatrice de notre culture ?
- Voilà qui est déjà mieux. Mais le pronom possessif n'est-il pas un peu restrictif ? Essaye encore !
- Une oeuvre, dont les siècles n'ont pas épuisé le sens et qui, aujourd'hui comme hier, répond à nos grandes angoisses existentielles, nous aide à comprendre le monde qui nous entoure ?
- C'est bien cela : un flambeau pour éclairer notre nuit puisque les hommes ont peur du noir.
- Un flambeau ? ça fait pas un peu démodé ?
- Bon, une "maglite" si tu préfères ...
- Et alors ? qu'est-ce qu'on en fait de tes classiques ?
- On les lit ! Premier lundi de chaque mois, je t'en propose un et tu me dis ce que tu en penses.
- Ben ... à lundi alors ?
- A lundi ! Et n'oublie pas ton plumeau !
- Pour quoi faire ?
- Pour enlever la poussière ...
Pourquoi lire des classiques ?
D'ailleurs qu'est ce qu'on appelle un classique ?
- Un auteur que l'on étudie en classe ? Synonyme d'ennui et de poussière ?
- Trop souvent hélas !
- Un auteur qui a traversé les siècles ? Et dont l'oeuvre peut-être considérée comme fondatrice de notre culture ?
- Voilà qui est déjà mieux. Mais le pronom possessif n'est-il pas un peu restrictif ? Essaye encore !
- Une oeuvre, dont les siècles n'ont pas épuisé le sens et qui, aujourd'hui comme hier, répond à nos grandes angoisses existentielles, nous aide à comprendre le monde qui nous entoure ?
- C'est bien cela : un flambeau pour éclairer notre nuit puisque les hommes ont peur du noir.
- Un flambeau ? ça fait pas un peu démodé ?
- Bon, une "maglite" si tu préfères ...
- Et alors ? qu'est-ce qu'on en fait de tes classiques ?
- On les lit ! Premier lundi de chaque mois, je t'en propose un et tu me dis ce que tu en penses.
- Ben ... à lundi alors ?
- A lundi ! Et n'oublie pas ton plumeau !
- Pour quoi faire ?
- Pour enlever la poussière ...
26 novembre 2006
Biennale des carnets de voyage
C' était le week-end dernier, à Clermont-Ferrand : trois heures de route à l'aller; autant au retour ! Mais qu'importent les kilomètres pour un "amoureux de cartes et d'estampes".
La biennale des carnets de voyage est avant tout le rendez-vous des aquarellistes; des aquarellistes- voyageurs cela va de soi mais il n'est pas toujours besoin d'aller au bout du monde pour composer un carnet de voyage; c'est plutôt une question de regard. Un quartier de prédilection, un coin de banlieue ou les "51 bars de Marseille" suffisent à l'aquarelliste inspiré.
Certains carnets associent dessins, photos, collages ... C'est parfois réussi, parfois moins. On se lasse assez-vite du "scrap-booking".
Au détour d'un stand on discute technique, on échange des conseils, des adresses... C'est bon-enfant et somme toute assez sympathique; on y fait même de vraies découvertes.
Et puis on assiste à une conférence : celle sur les yourtes avait bien commencé, mais les commentaires sur les inscriptions funéraires ont fini par nous lasser.
Bernard Olivier, le "marcheur de la route de la soie", était là pour présenter le film qu'il vient de réaliser, sur le même itinéraire que son premier voyage, mais en "touriste ordinaire". Ceci explique peut-être cela : je n'ai vu qu' un méchant film d'amateur, qui enfile cartes postales et clichés éculés comme d'autres enfilent les perles; images surexposées, cadrages insignifiants... Déception ? pas même ! car je ne fais définitivement pas partie du fan-club de ce monsieur. Il était toutefois accompagné pendant son voyage par le dessinateur François Dermaut dont les aquarelles exposées dans le grand hall sont particulièrement séduisantes.
Il y avait encore des ateliers, des débats, beaucoup d'autres carnets à regarder mais la nuit tombait, et la route du retour nous attendait.
Mes "carnettistes" préférés :
Fabrice Bloch, Les Gueules noires de Roumanie - Marie Ducloux-Olivier, Bamako - Sophie Zénon, Mongolie - Justin Creedy Smith , La minorité Miao en Chine - Renaud de Heyn, Pakistan - Sera, Cambodge - Christophe Verdier, Antarctique
Leurs carnets sont parfois édités, mais pas toujours.
La biennale des carnets de voyage est avant tout le rendez-vous des aquarellistes; des aquarellistes- voyageurs cela va de soi mais il n'est pas toujours besoin d'aller au bout du monde pour composer un carnet de voyage; c'est plutôt une question de regard. Un quartier de prédilection, un coin de banlieue ou les "51 bars de Marseille" suffisent à l'aquarelliste inspiré.
Certains carnets associent dessins, photos, collages ... C'est parfois réussi, parfois moins. On se lasse assez-vite du "scrap-booking".
Au détour d'un stand on discute technique, on échange des conseils, des adresses... C'est bon-enfant et somme toute assez sympathique; on y fait même de vraies découvertes.
Et puis on assiste à une conférence : celle sur les yourtes avait bien commencé, mais les commentaires sur les inscriptions funéraires ont fini par nous lasser.
Bernard Olivier, le "marcheur de la route de la soie", était là pour présenter le film qu'il vient de réaliser, sur le même itinéraire que son premier voyage, mais en "touriste ordinaire". Ceci explique peut-être cela : je n'ai vu qu' un méchant film d'amateur, qui enfile cartes postales et clichés éculés comme d'autres enfilent les perles; images surexposées, cadrages insignifiants... Déception ? pas même ! car je ne fais définitivement pas partie du fan-club de ce monsieur. Il était toutefois accompagné pendant son voyage par le dessinateur François Dermaut dont les aquarelles exposées dans le grand hall sont particulièrement séduisantes.
Il y avait encore des ateliers, des débats, beaucoup d'autres carnets à regarder mais la nuit tombait, et la route du retour nous attendait.
Mes "carnettistes" préférés :
Fabrice Bloch, Les Gueules noires de Roumanie - Marie Ducloux-Olivier, Bamako - Sophie Zénon, Mongolie - Justin Creedy Smith , La minorité Miao en Chine - Renaud de Heyn, Pakistan - Sera, Cambodge - Christophe Verdier, Antarctique
Leurs carnets sont parfois édités, mais pas toujours.
La Bourgogne en octobre
Des vignobles à perte de vue ....
Une grappe oubliée après les vendanges ...
C'était la Bourgogne en automne.
Et ... réponse à la question du 24 Novembre : la poudre de cloportes se trouve ... dans la pharmacie des Hospices de Beaune !
Un petit tour en ville, un autre dans les vignobles, la visite des Hospices (on ne s'en lasse pas), une ou deux caves pour le plaisir de la dégustation (mais surtout pas celle du Château Pommard, depuis que la propriété a été rachetée par des esprits mercantiles qui, en quelques années, ont dénaturé ce haut lieu du vin et de la vigne !)
Quelques bonnes adresses découvertes un peu par hasard, beaucoup grâce à Internet : l'hôtel Le Richebourg à Vosne-Romanée http://www.hotel-lerichebourg.com ; le délicieux et très inventif restaurant La Cabotte à Nuits-St-Georges (21, Grand rue) ; une autre bonne table , Le Bon Bistrot à Gevrey-Chambertain http://www.rotisserie-bonbistrot.com
Voici pour les nourritures terrestres.
Pour les nourritures spirituelles, rendez-vous à l'abbaye de Cîteaux où l'imagination pallie l'absence quasi totale de vestiges architecturaux.
Mais les asters étaient encore en fleurs...
Une grappe oubliée après les vendanges ...
C'était la Bourgogne en automne.
Et ... réponse à la question du 24 Novembre : la poudre de cloportes se trouve ... dans la pharmacie des Hospices de Beaune !
Un petit tour en ville, un autre dans les vignobles, la visite des Hospices (on ne s'en lasse pas), une ou deux caves pour le plaisir de la dégustation (mais surtout pas celle du Château Pommard, depuis que la propriété a été rachetée par des esprits mercantiles qui, en quelques années, ont dénaturé ce haut lieu du vin et de la vigne !)
Quelques bonnes adresses découvertes un peu par hasard, beaucoup grâce à Internet : l'hôtel Le Richebourg à Vosne-Romanée http://www.hotel-lerichebourg.com ; le délicieux et très inventif restaurant La Cabotte à Nuits-St-Georges (21, Grand rue) ; une autre bonne table , Le Bon Bistrot à Gevrey-Chambertain http://www.rotisserie-bonbistrot.com
Voici pour les nourritures terrestres.
Pour les nourritures spirituelles, rendez-vous à l'abbaye de Cîteaux où l'imagination pallie l'absence quasi totale de vestiges architecturaux.
Mais les asters étaient encore en fleurs...
25 novembre 2006
24 novembre 2006
20 novembre 2006
Un beau voyage
Ce fut vraiment un beau voyage; passionnant à bien des égards. Mais si l'intérêt d'un voyage dépend des découvertes que l'on fait au fil des jours, le plaisir du voyage dépend lui, de ceux avec qui vous partagez ces découvertes, amis récents ou de longues dates, et sur ce plan, ce fut vraiment un très beau voyage !
Merci à Antoinette, Bernadette, Colette, Corinne, Francis, Gilles, Jean et Pierre !
Chinoiseries
J'aime Pékin.
Pour quelles raisons ? Je ne sais pas trop.... Une ville chargée d'histoire ? Peut-être. Mais surtout une ville qui bouge, qui change, qui se transforme. Une ville terriblement vivante. Une ville où tout est à la fois étrange et familier. Où tout étonne et rien ne surprend. Ni le kitsch absolu ni l'extrème sophistication.
Une ville où les hôtels installés dans les anciennes "maisons sur cour carrée" prennent des allures de Palais d'été...
Où les restaurants accumulent sur une seule façade tous les emblèmes du kitsch chinois : lanternes rouges, dragons et cyclo-pousse etc... Quatre étages de salles immenses où règne une activité frénétique et s'agitent des bataillons de cuisiniers et de serveurs qui se relaient pour apporter à votre table, dim-sums, jiaozi et autres délices cantonnais ...
Une ville où l'herbe pousse sur le toit des vieux hutongs, ceux qui n'ont pas encore été démolis...
Voilà, parmi beaucoup d'autres, quelques raisons d'aimer cette ville, mais une ville n'est rien sans ses habitants ...
Or les Pékinois ont une façon de s'approprier la ville qui leur est propre.
Les rues de Pékin sont des endroits où l'on circule, où l'on travaille, bien évidemment. Ce sont aussi des lieux où l'on joue ...
... où les vieilles dames à cheveux blancs, assises sur des tabourets, à l'entrée des hutong, bavardent aimablement tout en surveillant les allées et venues. Brassard au bras puisqu'il s'agit d'une fonction officielle.
Une ville où dès le mois d'août on pense à rentrer du charbon pour l'hiver car les vents froids de Sibérie auront tôt fait de faire oublier la moiteur estivale ...
Une ville où , quel que soit le bruit et la fureur, on sait prendre ses aises : rouler son marcel jusqu'aux aisselles, relever les jambes de son pantalon pour prendre le frais...
et se contenter d'une méchante carriole pour faire la sieste ...
Mais l'image de Pékin que je préfère, c'est celle de ce petit Pékinois : crâne rasé, marcel blanc, visage sérieux, le regard captivé par ....
.... l'oiseau qui s'agite dans sa cage ? Sans doute, mais qui vous dit que c'est un oiseau ?
Vous ne voyez qu'une tache floue, un peu de vert ... et n'en saurez pas plus, quoi que vous fassiez ! Vous aurez beau écarquiller les yeux, prendre une loupe, scruter attentivement, vous n'en saurez pas plus.
Si vous le saviez, l'image perdrait son intérêt.
Qu'y a-t-il dans la cage ?
Quel sera le destin de cet enfant ? Dans quelle Chine grandira-t-il ? A quoi resssemblera Pékin quand il sera devenu "grand" ? Vous ne le savez pas, moi non plus et c'est pour cela que la Chine m'intéresse.
J'aime la Chine pour ses "chinoiseries"; je l'aime encore plus pour les questions qu'elle me pose car je préfère les questions aux réponses.
Pour quelles raisons ? Je ne sais pas trop.... Une ville chargée d'histoire ? Peut-être. Mais surtout une ville qui bouge, qui change, qui se transforme. Une ville terriblement vivante. Une ville où tout est à la fois étrange et familier. Où tout étonne et rien ne surprend. Ni le kitsch absolu ni l'extrème sophistication.
Une ville où les hôtels installés dans les anciennes "maisons sur cour carrée" prennent des allures de Palais d'été...
Où les restaurants accumulent sur une seule façade tous les emblèmes du kitsch chinois : lanternes rouges, dragons et cyclo-pousse etc... Quatre étages de salles immenses où règne une activité frénétique et s'agitent des bataillons de cuisiniers et de serveurs qui se relaient pour apporter à votre table, dim-sums, jiaozi et autres délices cantonnais ...
Une ville où l'herbe pousse sur le toit des vieux hutongs, ceux qui n'ont pas encore été démolis...
Voilà, parmi beaucoup d'autres, quelques raisons d'aimer cette ville, mais une ville n'est rien sans ses habitants ...
Or les Pékinois ont une façon de s'approprier la ville qui leur est propre.
Les rues de Pékin sont des endroits où l'on circule, où l'on travaille, bien évidemment. Ce sont aussi des lieux où l'on joue ...
... où les vieilles dames à cheveux blancs, assises sur des tabourets, à l'entrée des hutong, bavardent aimablement tout en surveillant les allées et venues. Brassard au bras puisqu'il s'agit d'une fonction officielle.
Une ville où dès le mois d'août on pense à rentrer du charbon pour l'hiver car les vents froids de Sibérie auront tôt fait de faire oublier la moiteur estivale ...
Une ville où , quel que soit le bruit et la fureur, on sait prendre ses aises : rouler son marcel jusqu'aux aisselles, relever les jambes de son pantalon pour prendre le frais...
et se contenter d'une méchante carriole pour faire la sieste ...
Mais l'image de Pékin que je préfère, c'est celle de ce petit Pékinois : crâne rasé, marcel blanc, visage sérieux, le regard captivé par ....
.... l'oiseau qui s'agite dans sa cage ? Sans doute, mais qui vous dit que c'est un oiseau ?
Vous ne voyez qu'une tache floue, un peu de vert ... et n'en saurez pas plus, quoi que vous fassiez ! Vous aurez beau écarquiller les yeux, prendre une loupe, scruter attentivement, vous n'en saurez pas plus.
Si vous le saviez, l'image perdrait son intérêt.
Qu'y a-t-il dans la cage ?
Quel sera le destin de cet enfant ? Dans quelle Chine grandira-t-il ? A quoi resssemblera Pékin quand il sera devenu "grand" ? Vous ne le savez pas, moi non plus et c'est pour cela que la Chine m'intéresse.
J'aime la Chine pour ses "chinoiseries"; je l'aime encore plus pour les questions qu'elle me pose car je préfère les questions aux réponses.
17 novembre 2006
Chantiers pékinois
Voici quelques années déjà que Pékin est en chantier, mais à l'approche des jeux olympiques, tout s'accélère. C'est une frénésie de grues, de palissades derrières lesquelles s'affairent jour et nuit des centaines, des milliers d'ouvriers. Pékin vit, pour quelque temps encore au rythme des marteaux piqueurs. On détruit, on construit, on restaure...
Parmi les constructions nouvelles "remarquables" (car on compte pour rien les tours d'habitation ou les centres commerciaux ), il y a le futur Opéra, dont on n' aperçoit encore, derrière la barrière, que la coupole en titane qui brille sous le soleil...
et, inauguré depuis peu, le Musée de la Capitale
dont on n'est pas peu fière de dire qu'il doit beaucoup au crayon de notre ami Marcel !
Place au neuf.
Place à la verdure aussi car Pékin est en train de se couvrir d'arbres que l'on plante par milliers pour contrer la pollution. Et comme le temps presse, on n'hésite pas à recourir à l'armée pour participer aux travaux. Il est assez amusant de voir arriver, au pas de course, un régiment de soldats, en treillis et gants blancs (!), la bêche sur l'épaule...
Ooooops...fâcheuse réminiscence.... il me semble bien... il y a longtemps.... dans un film de Leni Riefenstahl ... une scène analogue ?
Quoiqu' il en soit, j'aime mieux les militaires à bêches que les militaires à fusils ! Mais pourquoi les gants blancs ?
" - Tout cela, c'est bien intéressant mais les Hutong ?"
Oui, au fait, les Hutongs ! Car en France on ne s'intéresse qu'aux Hutongs, à la destruction des Hutongs.
Et bien oui, la destruction des Hutongs est en cours, à marche forcée; c'est vrai !
Mais voudriez-vous vivre aujourd'hui dans le Paris d'avant Hausmann ? Sans eau courante, sans tout à l'égoût, sans toilettes autres que les bains publics ? Dans des taudis exigus et le plus souvent insalubres ? (et je vous passe les odeurs pestilentielles et méphitiques ! )
Alors pourquoi voulez-vous que les Pékinois continuent de vivre dans ces conditions ?
Le vrai problème est évidemment celui du relogement... mais qui possède la bonne réponse ? En tout cas pas moi.
De passage dans une ville que j'aime mais dans laquelle je ne vis pas, je constate seulement que :
- Les vieux quartiers sont souvent purement et simplement rasés, et que sur la surface ainsi récupérée, sont érigées - en quelques mois - de nouvelles constructions qui modifient radicalement le paysage pékinois.
- Parfois aussi, les vieux quartiers, en particulier ceux qui sont situés le longs des grands axes de circulation, élargis pour l'occasion - la circulation est vraiment un problème à Pékin depuis que les voitures sont aussi nombreuses et bientôt plus nombreuses que les vélos - ces vieux quartiers donc, sont maintenus en l'état, mais on en repeint le mur extérieur, celui qui donne sur la rue, en reprenant le gris traditionnel des Hutongs et l'on plante à la hâte une rangée d'arbres de façon à les dissimuler sans doute aux yeux des touristes qui sillonneront la ville en 2008.
- Troisième et dernier avatar des vieux quartiers : ceux qui sont situés dans une zone facilement accessible et si possible proche d'un haut-lieu touristique, entre la Cité interdite et la Tour du Tambour par exemple, sont soigneusement restaurés, transformés en zones piétonnières et immédiatement investis par les boutiques, bars et restaurants "branchés".
Voici, pour le moment, ce que cela donne...
Mais pour vous faire vraiment une idée, allez voir sur place : je vous donnerai mes bonnes adresses.
Parmi les constructions nouvelles "remarquables" (car on compte pour rien les tours d'habitation ou les centres commerciaux ), il y a le futur Opéra, dont on n' aperçoit encore, derrière la barrière, que la coupole en titane qui brille sous le soleil...
et, inauguré depuis peu, le Musée de la Capitale
dont on n'est pas peu fière de dire qu'il doit beaucoup au crayon de notre ami Marcel !
Place au neuf.
Place à la verdure aussi car Pékin est en train de se couvrir d'arbres que l'on plante par milliers pour contrer la pollution. Et comme le temps presse, on n'hésite pas à recourir à l'armée pour participer aux travaux. Il est assez amusant de voir arriver, au pas de course, un régiment de soldats, en treillis et gants blancs (!), la bêche sur l'épaule...
Ooooops...fâcheuse réminiscence.... il me semble bien... il y a longtemps.... dans un film de Leni Riefenstahl ... une scène analogue ?
Quoiqu' il en soit, j'aime mieux les militaires à bêches que les militaires à fusils ! Mais pourquoi les gants blancs ?
" - Tout cela, c'est bien intéressant mais les Hutong ?"
Oui, au fait, les Hutongs ! Car en France on ne s'intéresse qu'aux Hutongs, à la destruction des Hutongs.
Et bien oui, la destruction des Hutongs est en cours, à marche forcée; c'est vrai !
Mais voudriez-vous vivre aujourd'hui dans le Paris d'avant Hausmann ? Sans eau courante, sans tout à l'égoût, sans toilettes autres que les bains publics ? Dans des taudis exigus et le plus souvent insalubres ? (et je vous passe les odeurs pestilentielles et méphitiques ! )
Alors pourquoi voulez-vous que les Pékinois continuent de vivre dans ces conditions ?
Le vrai problème est évidemment celui du relogement... mais qui possède la bonne réponse ? En tout cas pas moi.
De passage dans une ville que j'aime mais dans laquelle je ne vis pas, je constate seulement que :
- Les vieux quartiers sont souvent purement et simplement rasés, et que sur la surface ainsi récupérée, sont érigées - en quelques mois - de nouvelles constructions qui modifient radicalement le paysage pékinois.
- Parfois aussi, les vieux quartiers, en particulier ceux qui sont situés le longs des grands axes de circulation, élargis pour l'occasion - la circulation est vraiment un problème à Pékin depuis que les voitures sont aussi nombreuses et bientôt plus nombreuses que les vélos - ces vieux quartiers donc, sont maintenus en l'état, mais on en repeint le mur extérieur, celui qui donne sur la rue, en reprenant le gris traditionnel des Hutongs et l'on plante à la hâte une rangée d'arbres de façon à les dissimuler sans doute aux yeux des touristes qui sillonneront la ville en 2008.
- Troisième et dernier avatar des vieux quartiers : ceux qui sont situés dans une zone facilement accessible et si possible proche d'un haut-lieu touristique, entre la Cité interdite et la Tour du Tambour par exemple, sont soigneusement restaurés, transformés en zones piétonnières et immédiatement investis par les boutiques, bars et restaurants "branchés".
Voici, pour le moment, ce que cela donne...
Mais pour vous faire vraiment une idée, allez voir sur place : je vous donnerai mes bonnes adresses.
16 novembre 2006
Jardins pékinois
Il y a à Pekin un très grand nombre de parcs, îlots de verdure indispensables dans cette ville démesurée.
Des parcs et, puisque nous sommes en Asie, des rideaux de bambous donnant à claire-voie sur des étangs paisibles, sur lesquels flottent les gigantesques feuilles en corolle des lotus.
Il arrive même parfois, fait extrêmement rare, qu'un lotus porte une double fleur. Merci à la gentille photographe, une vieille pékinoise, qui, à force de signes me l'a fait remarquer.
On peut passer sa journée dans un parc pékinois.
Car on y trouve toutes sortes de distractions : on y trouve des toboggans et des balançoires pour les enfants, et pour les adultes, des machines pour un entraînement cardio-vasculaire, un peu comme dans nos salles de gym à nous, mais là-bas c'est en plein air et c'est gratuit.
On y rencontre toutes sortes de gens : quelques amoureux timides qui se tiennent par la main, des grands-mères qui gardent leurs petits enfants, de vieux messieurs qui viennent y faire chanter leurs oiseaux ...
Et pendant que les oiseaux chantent, leurs propriétaires en profitent pour tailler une bavette.
D'ailleurs, si au hasard de vos promenades, vous croisez un monsieur qui marche d'un pas alerte, en balançant énergiquement une cage à oiseau (avec l'oiseau à l'intérieur), inutile de vous alarmer et de crier à maltraitance : il s'agit tout simplement d'un exercice destiné à muscler les pattes de l'oiseau. Un oiseau de compétition je suppose !
Plus loin, dans un bosquet, c'est un musicien qui s'exerce : flûte, pipa, violoncelle., accordéon ... tout instrument qui se transporte permet à son propriétaire de faire ses gammes sans gêner les voisins.
Parfois c'est un choeur d'hommes qui répète un opéra ; par forcément chinois d'ailleurs...
Un peu plus loin, vous allez tomber sur une équipe de photographes professionnels en train de préparer le livre-souvenir de jeunes mariés, trois ou quatre couples qui, patiemment alignés sur des chaises, attendent leur tour.
Mais ce que je préfère dans les parcs pékinois, ce sont les petits matins. Oui, bien sûr, il faut se lever à l'aube - 6 heures plutôt que 7 - mais quel plaisir d'être là, et simplement de regarder ce qui se passe autour de soi. Eté comme hiver, dans la chaleur ou dans la froidure, le parc s'anime peu à peu; à pied ou à vélo, seuls ou par petits groupes, les Pékinois arrivent, déposent sur un banc, au pied d'un arbre leur sac à provision, installent un vieux magnétophone, une cassette éraillée. Quelques joggers , quelques "aérobic-eurs", mais pour l'essentiels des gymnastiques chinoises traditionnelles : ici les adeptes du taïchi, là ceux du chi-gong; là bas, sous les arbres, ils travaillent l'épée ou le sabre; un peu plus loin ce sont des éventails rouges, ou des bâtons avec pompons, des ninchakus peut-être; derrière les buissons, une compétition de bilboquets ... et puis encore, sur l'esplanade bétonnée, des fans de valse viennoise, ou de tangos ou de rock... On me fait signe, on m'invite à me joindre aux danseurs... j'aimerais bien mais j'ai peur de me ridiculiser. Dommage, la prochaine fois peut-être j'irai me glisser dans un groupe de taïchi, alors en attendant, l'épée à la main, je m'entraîne ! Sérieux!
Et maintenant, voici le temps des questions .
Question n°1 :
Où, dans nos pays occidentaux les gens ont-ils la possibilité de se retrouver de façon aussi informelle, pour pratiquer une activité sans débourser un sou ?
Question n°2 :
Où, dans nos pays occidentaux, les gens ont-ils la possibiilité de se côtoyer, de se rencontrer, de se regrouper autour d'un même centre d'intérêt ? Les pubs en Angleterre ? les bistrots en France ? mais ils sont , depuis lontemps en voie de disparition.
Il est vrai qu'en Chine, l'exiguité des logements et leur surpopulation (quatre générations sous un même toit ? ) explique, en partie, que les parcs soient devenus des lieux de rencontre et de convivialité. Et puis, longtemps sans doute, ils se sont couchés de bonne heure puisqu'ils n'avaient pas la télé ...
Alors, en attendant que quelqu'un m'explique ce que les hommes politiques entendent par "recréer du lien social", je continue d'arpenter mes jardins pékinois .... en ressassant mes questions !
15 novembre 2006
Beijing - Dashanzi
Pékin enfin ! Pékin dont je ne me lasse pas ! Mais Pékin pour quatre jours seulement ! Ce n'est pas beaucoup, alors pas de temps à perdre : un taxi et direction Dashanzi ...
Pékin vraiment ? tu te moques !
Mais non, mais non, direction Nord-Est, entre le 4ème et le 5ème périphérique...
Tuyauteries fatiguées mais toujours en état de fonctionnement; d'ailleurs, de temps en temps un jet de vapeur s'échappe de l'une ou l'autre canalisation.
Explosions. Bouillonnements. Suintements. Chuintements. Crachotis.
Ici, des machines tournent encore, travaillent encore.
Ici.
Mais là ...
Elles ne sont plus qu'objets d'exposition, malgré les slogans maoïstes encore inscrits sur les murs pour inciter les ouvriers au travail. Car depuis quelques années, Dashanzi, ancienne zone industrielle squattée par les artistes et jusqu'à présent tolérée par la commune de Pékin, rassemble le plus grand nombre de galeries d'art contemporain de la ville.
Finis les bleus de travail. Disparus les ouvriers.
Désormais, dans la cour, ce sont les sculpteurs qui courbent le métal.
Pékin vraiment ? tu te moques !
Mais non, mais non, direction Nord-Est, entre le 4ème et le 5ème périphérique...
Friche industrielle n° 798
Tuyauteries fatiguées mais toujours en état de fonctionnement; d'ailleurs, de temps en temps un jet de vapeur s'échappe de l'une ou l'autre canalisation.
Explosions. Bouillonnements. Suintements. Chuintements. Crachotis.
Ici, des machines tournent encore, travaillent encore.
Ici.
Mais là ...
Elles ne sont plus qu'objets d'exposition, malgré les slogans maoïstes encore inscrits sur les murs pour inciter les ouvriers au travail. Car depuis quelques années, Dashanzi, ancienne zone industrielle squattée par les artistes et jusqu'à présent tolérée par la commune de Pékin, rassemble le plus grand nombre de galeries d'art contemporain de la ville.
Finis les bleus de travail. Disparus les ouvriers.
Désormais, dans la cour, ce sont les sculpteurs qui courbent le métal.
13 novembre 2006
Apprendre le chinois ...
12 novembre 2006
Le bout de la route
Bientôt le bout de la route, étonnante jusqu'au bout. Puisque partie du fond des siècles, elle nous a conduit jusqu'au coeur de la modernié.
N'en déplaise à certains, les champs d'éoliennes au milieu du désert, ne déparent pas le paysage : il l'animent, lui donnent vie.
Et les immeubles d'Urumqi, capitale administrative du Xinjiang, qu'ils soient agressivement modernes ou
vaguement mauresques, ne s'accordent pas si mal avec le bleu du ciel.
Comment ? Que dites-vous ?
- Que du temps de Marco Polo... scrogneugneu, scrogneugneu...
- Et bien Marco est mort depuis longtemps et maintenant c'est moi qui suis sur cette route.
- Oui mais les yourtes....habitat traditionnel.... etc....
- Traditionnel sans doute mais d'un confort très relatif ! Et puis les yourtes, c'est peut-être parfait pour la vie nomade, pour les éleveurs qui déplacent leurs troupeaux en fonction des pâturages, mais en ville ? D'ailleurs les yourtes, les touristes adorent sur leurs photos, ou le temps d'un bivouac "ethnique", mais de là à y habiter pour de vrai....
- Oui mais les caravansérails de nos récits de voyage ?
- Et bien tant pis pour les récits de voyage; tant pis pour le pittoresque, le folklorique et l'ethnologique ! De toute façon la route n'est plus celle des caravanes de chameaux, mais celle des camions (et des cars de touristes ! ) Le monde change et nous changeons avec lui. C'est à prendre ou à laisser.
Il ne me déplaît pas que des hommes nouveaux construisent un monde nouveau.
On peut bien sûr voyager pour retrouver la trace des mondes anciens, ceux dont on a entendu parler dans les livres, ceux dont on a longtemps rêvé. Mais le monde en train de se construire est, à mes yeux, encore plus passionnant car il est lui, entièrement à découvrir puisque les livres qui en parlent ne sont pas encore écrits.
N'en déplaise à certains, les champs d'éoliennes au milieu du désert, ne déparent pas le paysage : il l'animent, lui donnent vie.
Et les immeubles d'Urumqi, capitale administrative du Xinjiang, qu'ils soient agressivement modernes ou
vaguement mauresques, ne s'accordent pas si mal avec le bleu du ciel.
Comment ? Que dites-vous ?
- Que du temps de Marco Polo... scrogneugneu, scrogneugneu...
- Et bien Marco est mort depuis longtemps et maintenant c'est moi qui suis sur cette route.
- Oui mais les yourtes....habitat traditionnel.... etc....
- Traditionnel sans doute mais d'un confort très relatif ! Et puis les yourtes, c'est peut-être parfait pour la vie nomade, pour les éleveurs qui déplacent leurs troupeaux en fonction des pâturages, mais en ville ? D'ailleurs les yourtes, les touristes adorent sur leurs photos, ou le temps d'un bivouac "ethnique", mais de là à y habiter pour de vrai....
- Oui mais les caravansérails de nos récits de voyage ?
- Et bien tant pis pour les récits de voyage; tant pis pour le pittoresque, le folklorique et l'ethnologique ! De toute façon la route n'est plus celle des caravanes de chameaux, mais celle des camions (et des cars de touristes ! ) Le monde change et nous changeons avec lui. C'est à prendre ou à laisser.
Il ne me déplaît pas que des hommes nouveaux construisent un monde nouveau.
On peut bien sûr voyager pour retrouver la trace des mondes anciens, ceux dont on a entendu parler dans les livres, ceux dont on a longtemps rêvé. Mais le monde en train de se construire est, à mes yeux, encore plus passionnant car il est lui, entièrement à découvrir puisque les livres qui en parlent ne sont pas encore écrits.
11 novembre 2006
L'histoire du thermomètre
Il faisait vraiment très chaud entre Kashgar et Turfan. D' ailleurs, Turfan est connue pour être la ville la plus chaude de Chine ! Pourtant la température affichée au comptoir d'accueil des hôtels indiquait impertubablement 39° Celsius. Bizarre !
Alors, pour en avoir le coeur net, nous nous sommes mis en quête d'un thermomètre. De petites boutiques en supermarchés , de supermarchés en pharmacie, l'oeil aux aguets nous avons cherché : en vain ! Impossible de trouver un thermomètre, ni à Turfan ni ailleurs. On nous a bien proposé quelques thermomètres médicaux, mais ils ne dépassent de toute façon pas les 42° et pour mesurer l'air ambiant, ce n'est pas très satisfaisant.
L'explication est pourtant simple : il existe en Chine comme d'ailleurs en France une loi qui fixe à 40° la température à partir de laquelle employés et ouvriers ne peuvent plus être obligés de travailler. Température qui n'est, bien entendu, jamais atteinte... officiellement. Les thermomètres sont donc des objets parfaitement inutiles au Xinjiang! CQFD !
Vous ne me croyez pas ? Alors lisez plutôt :
"De mai à août les températures dépassaient fréquemment trent-sept degrés et nous n'étions pas censés travailler l'après-midi, nous les buffles des chantiers et des usines, et au-delà de quarante on pouvait même rester à la maison, ou plutôt dans les dortoirs; qui nous avait informés de cette règle instaurée par le gouvernement central au service du peuple, pour protéger les ouvriers et leur santé, personne ne s'en souvenait; mais ici à Shanghaï les montagnes sont hautes et l'empereur à Beijing est bien loin, alors nul ne se souciait de la mise en application de cette norme, ni la municipalité qui avait donné l'ordre au bureau de la météo de ne jamais déclarer officiellement dans les journaux ou à la radio les températures au-dessus de trente-six et demi, et encore moins les patrons qui nous avaient avertis sans détour que les jours de forte chaleur on travaillait quand même et les faibles et les tire-au-flanc qui décideraient de rester à rêvasser sur leur grabat seraient vidés à grandes enjambées.
C'est ainsi que j'ai compris pourquoi lorsque tous les thermomètres indiquaient sans erreur des températures de plus de quarante degrés en plein été, les journaux du matin, ceux du soir, et la radio eux indiquaient invariablement trent-six et demi au plus haut."
Voilà ce qui se passe à Shanghaï, mais le Xinjiang est encore plus loin de Beijing et la méthode beaucoup plus radicale et terriblement efficace : l'absence de thermomètre garantit que les températures ne dépassent jamais le seuil autorisé par la loi. Ah! mais !
L'extrait cité plus haut a été emprunté à un roman tout à fait passionnant, que m'a prêté un ami : La Promesse de Shanghai de Stéphane Fière. Ce roman raconte la vie au jour le jour d'un "mingong", paysan émigré venu à Shanghaï dans l'espoir de travailler sur un des innombrables chantiers de construction de cette ville en expansion permanente. Un roman si bien documenté qu'il vaut tous les reportages mais le recours à la première personne confère au récit un caractère poignant. Avantage du roman sur le documentaire!
Stéphane FIERE, La Promesse de Shanghaï, Bleu de Chine, 2006.
Alors, pour en avoir le coeur net, nous nous sommes mis en quête d'un thermomètre. De petites boutiques en supermarchés , de supermarchés en pharmacie, l'oeil aux aguets nous avons cherché : en vain ! Impossible de trouver un thermomètre, ni à Turfan ni ailleurs. On nous a bien proposé quelques thermomètres médicaux, mais ils ne dépassent de toute façon pas les 42° et pour mesurer l'air ambiant, ce n'est pas très satisfaisant.
L'explication est pourtant simple : il existe en Chine comme d'ailleurs en France une loi qui fixe à 40° la température à partir de laquelle employés et ouvriers ne peuvent plus être obligés de travailler. Température qui n'est, bien entendu, jamais atteinte... officiellement. Les thermomètres sont donc des objets parfaitement inutiles au Xinjiang! CQFD !
Vous ne me croyez pas ? Alors lisez plutôt :
"De mai à août les températures dépassaient fréquemment trent-sept degrés et nous n'étions pas censés travailler l'après-midi, nous les buffles des chantiers et des usines, et au-delà de quarante on pouvait même rester à la maison, ou plutôt dans les dortoirs; qui nous avait informés de cette règle instaurée par le gouvernement central au service du peuple, pour protéger les ouvriers et leur santé, personne ne s'en souvenait; mais ici à Shanghaï les montagnes sont hautes et l'empereur à Beijing est bien loin, alors nul ne se souciait de la mise en application de cette norme, ni la municipalité qui avait donné l'ordre au bureau de la météo de ne jamais déclarer officiellement dans les journaux ou à la radio les températures au-dessus de trente-six et demi, et encore moins les patrons qui nous avaient avertis sans détour que les jours de forte chaleur on travaillait quand même et les faibles et les tire-au-flanc qui décideraient de rester à rêvasser sur leur grabat seraient vidés à grandes enjambées.
C'est ainsi que j'ai compris pourquoi lorsque tous les thermomètres indiquaient sans erreur des températures de plus de quarante degrés en plein été, les journaux du matin, ceux du soir, et la radio eux indiquaient invariablement trent-six et demi au plus haut."
Voilà ce qui se passe à Shanghaï, mais le Xinjiang est encore plus loin de Beijing et la méthode beaucoup plus radicale et terriblement efficace : l'absence de thermomètre garantit que les températures ne dépassent jamais le seuil autorisé par la loi. Ah! mais !
L'extrait cité plus haut a été emprunté à un roman tout à fait passionnant, que m'a prêté un ami : La Promesse de Shanghai de Stéphane Fière. Ce roman raconte la vie au jour le jour d'un "mingong", paysan émigré venu à Shanghaï dans l'espoir de travailler sur un des innombrables chantiers de construction de cette ville en expansion permanente. Un roman si bien documenté qu'il vaut tous les reportages mais le recours à la première personne confère au récit un caractère poignant. Avantage du roman sur le documentaire!
Stéphane FIERE, La Promesse de Shanghaï, Bleu de Chine, 2006.
10 novembre 2006
Solution des énigmes
Il fait chaud, très chaud.
Cette dame, en sueur, essore son foulard avant de se recoiffer.
Car décidément il fait très, très chaud,
Et vous vous souvenez que nous n'avons pas de thermomètre....
Mais vous saurez bientôt pourquoi.
Cette dame sous la treille dégouline de sueur mais il est temps pour elle de reprendre son travail : elle n'a encore rempli que deux paniers, il en reste encore pas mal à remplir.
Le raisin n'attend pas. Et à Turfan, août est le mois des vendanges.
Turfan est un lieu magique; un bonheur de géographe!
Le désert tout autour, le sable aux portes de la ville; une altitude négative (plus de 50 mètres sous le niveau de la mer). Des étés torrides, des vents violents, des températures hivernales glaciales. Et des vignes à peu près partout.
Le raisin de Turfan est un raisin à gros grains blancs, sans pépins, délicieusement sucré ...
avec lequel on fait un peu de vin (pas terrible, le vin) mais que l'on met surtout à sècher dans de grands séchoirs alvéolés, comme ceux que je vous ai montrés, il y a quelques jours.
Comment peut-on faire pousser la vigne au milieu du désert ? En amenant l'eau des glaciers des Montagnes Célestes jusqu'à Turfan par un très astucieux système d'irrigation souterrain : les karrez.
Voilà, ce n'est pas plus difficile que cela...
Travail de Titans ? non, travail de Chinois !
Mais ce raisin qui pousse partout, quand il est conduit en treille et ombrage les rues de la ville où passe une jolie fille, avouez que l'image est gracieuse (même si la photo est un peu floue).
En attendant, ce raisin il faut le vendre. Alors, chargeons les charrettes et en route pour le marché ...
Et si le marché est trop loin, on s'assoiera au seuil de la maison, en attendant que le chaland passe.
Cette dame, en sueur, essore son foulard avant de se recoiffer.
Car décidément il fait très, très chaud,
Et vous vous souvenez que nous n'avons pas de thermomètre....
Mais vous saurez bientôt pourquoi.
Cette dame sous la treille dégouline de sueur mais il est temps pour elle de reprendre son travail : elle n'a encore rempli que deux paniers, il en reste encore pas mal à remplir.
Le raisin n'attend pas. Et à Turfan, août est le mois des vendanges.
Turfan est un lieu magique; un bonheur de géographe!
Le désert tout autour, le sable aux portes de la ville; une altitude négative (plus de 50 mètres sous le niveau de la mer). Des étés torrides, des vents violents, des températures hivernales glaciales. Et des vignes à peu près partout.
Le raisin de Turfan est un raisin à gros grains blancs, sans pépins, délicieusement sucré ...
avec lequel on fait un peu de vin (pas terrible, le vin) mais que l'on met surtout à sècher dans de grands séchoirs alvéolés, comme ceux que je vous ai montrés, il y a quelques jours.
Comment peut-on faire pousser la vigne au milieu du désert ? En amenant l'eau des glaciers des Montagnes Célestes jusqu'à Turfan par un très astucieux système d'irrigation souterrain : les karrez.
Voilà, ce n'est pas plus difficile que cela...
Travail de Titans ? non, travail de Chinois !
Mais ce raisin qui pousse partout, quand il est conduit en treille et ombrage les rues de la ville où passe une jolie fille, avouez que l'image est gracieuse (même si la photo est un peu floue).
En attendant, ce raisin il faut le vendre. Alors, chargeons les charrettes et en route pour le marché ...
Et si le marché est trop loin, on s'assoiera au seuil de la maison, en attendant que le chaland passe.
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