Le voici dans son habit persan. Un peu patouf non ? Engoncé dans ses vêtements c'est certain, mais passablement rondouillard aussi, et l'oeil un peu éteint.
Peut-être était-il tout simplement las de poser...
Car malgré l'aspect un peu chafouin du personnage,
Jean-Baptiste Tavernier est en réalité un sacré bonhomme.
Un père natif d'Anvers, géographe et surtout marchand de cartes géographiques, qui s'installe, en 1575, à Paris sans doute pour fuir des querelles religieuses, se marie avec une demoiselle Tonnelier dont il a quatre garçons.
Difficile d'imaginer Jean-Baptiste, le second des quatre frères, autrement qu'à travers les deux vers qui ouvrent le grand poème de Baudelaire, Le Voyage :
"Pour l'enfant amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit."
L'univers est égal à son vaste appétit."
"Je puis dire", écrit Tavernier "que je suis venu au monde avec le désir de voyager. Les entretiens que plusieurs sçavans avoient avec mon père sur les matières de géographie qu'il avait la réputation de bien entendre et que tout jeune que j'estois j'écoutois avec plaisir, m'inspirèrent de bonne heure le désir d'aller voir une partie des païs qui m'estoient representez dans les cartes où je ne pouvais alors me lasser de jetter les yeux..."
Et voilà : c'est aussi simple que cela ! Parti à 16 ans sur les routes du monde, Jean-Baptiste Tavernier ne s'arrête plus. "A l'âge de vingt-deux ans, j'avois vu les plus belles régions de l'Europe, la France, l'Angleterre, les Païs-Bas, l'Allemagne, la Suisse, la Pologne, la Hongrie et l'Italie, et je parlais raisonnablement les langues qui y ont le plus cours."
Suivent six voyages en Orient, entre 1632 et 1668.
Tavernier, marchand prospère et estimé, revient en France, s' achète un château au bord du lac Léman et le titre qui va avec, devient Baron d'Aubonne et rédige ses mémoires.
Mais à 83 ans, le voici repris par le virus du voyage : il s'engage à nouveau sur les routes de l'Orient, en faisant un détour par la Moscovie qu'il n'atteindra jamais puisqu'il meurt à Smolensk en février 1689.
Ce qui est certain c'est que ce petit bonhomme rondouillard avait un caractère bien trempé, et qu'il voyageait les yeux grand ouverts. Certaines pages de son récit sont parfois fastidieuses, ainsi le chapitre où " l'auteur part d'Ispahan pour Ormus et décrit la route jusqu'à Shiras", mais les renseignements qu'il fournit sur l'état des routes et des caravansérails sont certainement aussi utiles aux marchands et caravaniers qui ont suivi ses traces que les informations de Lonely Planet dont le voyageur d'aujourd'hui fait son miel.
Aussi séduite que je sois par le personnage et par son récit, je m'étonne parfois de certaines comparaisons qu'il croit nécessaires de faire et qui, bizarrement, sont toujours favorables à son pays d'origine, ce qui laisse supposer que ce monsieur, souffrait d'ethnocentrisme.
"Les plus riches habitants de Schiras ont été autrefois curieux d'avoir de beaux jardins et ont fait pour cela de la dépense, mais il n'y en a point, ni à Shiras, ni à Ispahan, qui approche du moindre de ces beaux jardins qui accompagnent les délicieuses maisons de campagnes qui sont autour de Paris. " C'est oublier un peu vite que les climats, les sols ne sont pas les mêmes et qu'un jardin au milieu du désert est en soi un petit miracle qui apporte aux Persans avec le parfum des roses, ombre et fraîcheur !
Dommage, Monsieur Tavernier. Mais votre dernier paragraphe gâche à mes yeux votre livre.
" Voilà toutes les remarques les plus considérables que j'ai pu faire tant de la Perse que de la Turquie, lesquelles j'ai traversées jusques à six fois, et par des routes différentes pendant l'espace de quarante ans. J'ai été curieux de bien connaître les choses, je les ai regardées d'assez près, et je suis obligé d'avertir le lecteur qu'il ne doit pas aller en Asie pour y chercher les beaux-arts, et qu'il n'y trouvera point, ni pour la peinture ni pour la scultpure, ni pour l'orfèvrerie, ni pour le tour, ce qu'il voit dans notre Europe. Pour ce qui est des tapis, de la broderie, des brocarts d'or, d'argent et de soie qui se font en Perse, et que nous admirions autrefois en France, tout cela cède aujourd'hui à nos nouvelles manufactures, les Persans admirant à leur tour les riches étoffes qui se font dans nos provinces; et quand nous les leur portons elles sont incontinent achetées pour le Roi et pour les grands du pays. Ils n'entendent rien aussi à l'architecture, et on ne verra point enfin dans l'Asie aucune des beautés ni des richesses du Louvre et autres maisons royales de France, qui surpassent infiniment, par l'excellence de l'ouvrage, tout ce qu'il y a de plus magnifiques chez tous les monarques de l'Orient. C'est ce qui fait que je ne puis sans étonnement ouïr certaines gens donner à la Perse et à d'autres régions de l'Asie des beautés que ni l'art ni la nature ne leur donnent pas. Car si tout ce qu'ils disent était véritable, ces beautés n'auraient pas échappé à ma vue, et je puis assurer mon lecteur que je lui ai dépeint naïvement les choses comme elles sont."
Dommage, vraiment dommage !
1 commentaire:
JE POSSEDE UN PREMIER LIVRE DES VOYAGES DE TAVERNIER OU EN PREFACE UNE BIOGRAPIE RELATE DE SA MORT A COPENHAGE ET NON EN RUSSIE CHEZ UN CERTAIN MR MOOR HENRI REFUGIE DU DANEMARK
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