Me voici par la grâce d'un livre, de retour en Perse...
Un vieux livre retrouvé sur les étagères de ma bibliothèque, couverture un peu fatiguée, mais les pages n'étaient même pas coupées. Il s'agit d'une vieille édition - 1930, mais en existe-t-il de plus récente? - du récit que fit Jean-Baptiste Tavernier de son sixième voyage en Perse !
J'aime beaucoup les récits de voyage, surtout quand ils sont un peu anciens, car au décalage spatial s'ajoute un décalage temporel, source supplémentaire d'étonnements. En effet, le plus souvent, pour peu que l'on ait soi-même voyagé dans le pays, on est surpris de voir que les impressions sont parfois si semblables aux nôtres, qu''à un, deux, voire trois siècles d'écart, les voyageurs, qu'ils se déplacent à dos de chameaux ou dans une voiture climatisée, traversent les mêmes paysages et partagent les mêmes émerveillements. Les villes certes ont bien changé mais certains des monuments décrits sont toujours là. Il est vrai que lorsqu'il s'agit de décrire les régimes politiques ou les coutumes la dimensions historique est plus évidente, bien que la brutalité des moeurs des dirigeants soit parfois non pas semblable mais équivalente : on coupe un peu moins les têtes mais on emprisonne autant et l'usage du fouet n'est pas encore tout à fait tombé en désuétude.
Le récit de Jean-Baptiste Tavernier, marchand français comme il se nomme lui-même, qui voyagea à six reprises en Perse entre 1630 et 1668 et qui par ses fonctions eut l'opportunité de fréquenter la cour des monarques perses, fourmille d'anecdotes, de commentaires. On apprend ainsi que, bien que musulman, Cha-Abas, ne dédaignait ni l'alcool ni la débauche ! Il aimait le vin, en prenait parfois avec excès, et commet, et, poursuit Tavernier "sous l'emprise de l'alcool bien des cruautés" :
"Un jour que Cha-Abas avait bu outre mesure dans son haram, il commanda à trois dames de boire aussi. Elles s'en excusèrent, sur ce, disaient-elles, qu'elles voulaient bientôt aller en pélerinage à la Mecque, mais, le roi leur ayant encore commandé de boire par deux ou trois fois sans qu'elles voulussent lui obéir, il ordonna qu'on les liât toutes les trois, qu'on alluma un grand feu et qu'on les jetât dedans, où elles furent brûlée."
Le Shah Abbas dont il est ici question est le deuxième du nom, qui n'a pas la réputation du premier, surnommé le Grand, mais quel que soit le nom du monarque, les moeurs politiques sont féroces et le pouvoir brutal, en Perse, en Iran ou ailleurs.
Heureusement, il y a aussi dans le récit de Tavernier d'autres anecdotes, moins cruelles, des histoires de marchand qui négocie au mieux les biens qu'il a convoyés jusqu'en Perse et ne s'en laisse pas compter sur la valeur des choses, des rencontres avec des personnages insolites, mais ce qui fait tout le charme du récit à mes yeux ce sont les petits détails comme ce repas servi "selon la coutume, sur un grand "sofra" de brocart d'or qui sert de nappe"; on apporte ensuite "un pain excellent, qui est environ de deux pieds de long et d'un pied de large, et on n'en peut guère manger de meilleur au reste du monde." Pour qui a goûté au pain iranien, l'eau lui vient immédiatement à la bouche. Plus modestes nos repas, mais pas moins savoureux.
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