Ah! Zama ! Le film n'est pas facile, j'en conviens. C'est un film qui suscite constamment l'intelligence pour essayer de comprendre ce que Lucretia Martel, la réalisatrice, entend démontrer à travers une succession de scènes curieuses, intrigantes, pas toujours explicites mais souvent d'une étrange beauté. Au spectateur de faire le lien entre les unes et les autres, de prendre la mesure du temps qui passe sans que rien ne change dans cette contrée lointaine où, bien que se succèdent les gouverneurs, Diego de Zama attend en vain sa mutation.
" Vienne la vie, sonne l'heure
Les jours s'en vont, je demeure"
Le film raconte ainsi l'histoire d'une longue attente aux confins du monde, dans une atmosphère qui fait penser au Désert des Tartares de Dino Buzzati, adapté au cinéma par Valerio Zurlini ou bien encore au Rivage des Syrtes de Julien Gracq. Il faut imaginer un homme dans la force de l'âge, en poste dans une région isolée de tout, loin de sa famille, loin du monde dit civilisé d'où il est issu, soumis qui plus est à l'arbitraire et la bêtise de ses supérieurs hiérarchiques.
Zama est donc avant tout un film d'atmosphère. Mais c'est aussi un film historique et partant, politique, car situé à la fin du XVIIIe siècle, lorsque l'Espagne tentait d' imposer ses lois et ses moeurs en Amérique latine. L'absurdité et le ridicule de cette tentative sont montrés de façon très visuelle ne serait-ce qu'avec ces perruques poudrées posées de travers, ces serviteurs à demi nus mais portant redingote de velours, ces habitations où pénètrent indifféremment les hommes et les animaux.
En vrai cinéaste, Lucretia Martel travaille beaucoup l'image, puisque c'est elle qui fait sens, mais le travail sur la bande-son est tout aussi remarquable, une bande-son faite de bruits, de chants d'oiseaux, de cris d'animaux perçus comme autant d'interruptions, comme pour montrer que la maîtrise de la nature, qui va de pair avec la colonisation, est loin d'être achevée.
Zama est un beau film, passionnant à bien des égards, mais un film exigeant, qui requiert, j'en conviens, une grande disponibilité intellectuelle de la part du spectateur. A moins qu'il ne laisse son imagination prendre le dessus et laisse son esprit s'évader vers ces terres lointaines et ces temps révolus ? Mais révolus, le sont-ils vraiment ?