30 septembre 2020

Pierre Jarawan, Tant qu'il y aura des cèdres

 Le roman de Pierre Jarawan est de ceux que l'on commence et que l'on finit sans décrocher ou presque malgré les presque 500 pages. Parce que l'auteur entrelace remarquablement un récit intimiste - la recherche d'un père par son fils - et l'histoire pour le moins mouvementée du Liban. 

Cela fait longtemps que le Liban occupe régulièrement la une des journaux puisqu'il est, depuis des années,  l'épicentre des conflits au Moyen -Orient, trop petit pour ne pas subir la loi de ses voisins, trop divisé religieusement pour imposer un régime stable. Pourtant le Liban survit à tout et sa capitale reste un centre effervescent en perpétuelle reconstruction.  De nationalité allemande mais d'origine libanaise, l'auteur offre à ce pays magnifié par la nostalgie, un véritable chant d'amour. Ses descriptions de la forêt de cèdres, d'un petit village perdu dans la montagne ou des quartiers de Beyrouth donnent au lecteur l'envie irrésistible d'aller voir par lui-même, mais Pierre Jarawan rend aussi à merveille les dialogues souvent savoureux et met en scène des personnages auxquels on s'attache rapidement parce qu'on les voit grandir, souffrir, se chercher et progressivement s'épanouir.


Dire d'un roman qu'il est romanesque est bien sûr un pléonasme, mais il en est tant qui n'ont rien à raconter, qui ne savent inventer ni des personnages ne des histoires, qui ne savent entremêler les péripéties  pour garder toujours le lecteur sur sa faim et qui n'écrivent que pour donner des leçons, ou pire culpabiliser les lecteurs, qu'un vrai roman, comme celui de Pierre Jarawan  mérite le pléonasme. 

Et qu'importe si la fin est un peu convenue et donc décevante - de toute façon j'oublie toujours la fin des romans -  les 400 et quelques pages qui précèdent m'ont fait passer par toute la gamme des émotions, ont stimulé ma curiosité tant que je cherchais, comme Samir à comprendre comment et pourquoi son père tant aimé avait pu du jour au lendemain disparaître en abandonnant femme et enfants, m'ont fait rencontrer des personnages de toutes sortes, de tous milieux et de tous âges. Bref, m'ont fait passer un sacré bon moment.

 

29 septembre 2020

Caterina Bonvicini, Les Femmes de

 N'est-ce pas un peu étrange de ne représenter que 2 femmes sur la couverture alors qu'elles sont 7. 

7 comme les 7 femmes de Barbe-bleu ?  Fausse piste. Disons le dès le départ. personne n'est assassiné dans ce roman. Mais il y a bien 7 femmes - sa mère, sa soeur, son ex-femme, sa femme, ses 2 filles et bien sûr sa maîtresse. Trois générations de femme qui toutes tiennent apparemment à Vittorio, lequel Vittorio vient de disparaître. Pour un an. Le temps pour ces femmes de faire le bilan de leurs relations maternelles, filiales, amoureuses. Le temps de s'interroger sur le lien qui les unissait, les unit toujours à cet homme. Le temps des avoir enfin qui elles sont, comme si son absence leur permettait enfin d'être elles-mêmes. 

On peut voir ce roman comme un roman féministe, mais c'est aussi tout son contraire car les "femmes de Vittorio" ont beaucoup de mal à s'assumer, à être ce qu'elles sont au plus profond d'elles-mêmes.

Caterina Bonvicini conduit son roman de main de maître, en donnant la parole successivement à chacune de ces femmes dans un flux de paroles qui alterne monologue, dialogue et pensée intérieure. Ce qui lui permet en outre de montrer les changements qui interviennent en chacune d'elle sur la durée, le "cher Vittorio" n'apparaissant que pour le final, qui suggère que les hommes aussi ont parfois du mal à savoir qui ils sont vraiment.

28 septembre 2020

Mélissa DaCosta, Les Lendemains

Les 60 premières pages son insupportables. Ensuite ça s'arrange. Mais ça devient aussi terriblement prévisible. Et gentil. Au point de ressembler à un de ces manuels pleins de bons conseils pour vous dire comment vivre et en l'occurrence comment s'y prendre pour remonter la pente après un deuil, à commencer par les vertus du jardinage, la confection de bougies parfumées, les ex-voto, le culte de la pleine lune et la reprise très progressive de la vie sociale. Ou comment passer du noir très noir au rose layette, pour voir la vie en rose.  

Décidément, le roman sentimental, ce n'est pas mon truc. 




27 septembre 2020

Rachid Benzine, Ainsi parlait ma mère

 Que dire d'un livre qui n'est pas mauvais, et même plutôt bon, mais que l'on a pas aimé ? Que ce n'était sans doute pas le bon moment, pas le bon sujet (une mère en fin de vie, un fils dévoué). 

En effet,  j'ai eu tout au long de ma lecture, l'impression désagréable que l'auteur voulait me faire la leçon en montrant la difficulté de l'intégration pour une femme maghrébine,  tout en faisant l'éloge de la piétié filiale. 

Beaucoup de bons sentiments certes, mais dans le climat actuel, ce n'est certainement pas le genre de roman que j'avais envie de lire. Quelles que soient les qualités du livre. 




24 septembre 2020

Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait

Un joli marivaudage sur la confusion des sentiments, qui aurait pu servir de titre s'il n'avait déjà été utilisé par Stefan Zweig. On pense tout autant à La Ronde de Max Ophüls ; c'est dire si on se trouve en territoire connu. Littéraire autant que cinématographique. Et c'est loin d'être désagréable.

D'abord et surtout parce que le jeu des comédiens - excellent casting - rend parfaitement la justesse et la finesse des dialogues. Et que les dialogues rendent-compte avec beaucoup de subtilités des atermoiements de chacun quand il s'agit de démêler la pelote très embrouillée de ses sentiments, et plus difficile encore, de les exprimer, si possible au bon moment et non en décalage avec la situation. 

Le réalisateur maintient habilement le fil ténu de ces relations amoureuses croisées sans jamais s'appesantir, soucieux de garder un certain suspens, mais aussi la  tonalité douce-amère de son intrigue; le film est drôle sans être comique, mélancolique sans être tragique, profond sans être ennuyeux. 

Aimer, être aimé, ou ne pas l'être, c'est quand même la grande affaire de la vie . Et du cinéma ! 

 






23 septembre 2020

Roberto Donetta, photographe suisse

Jolie découverte que ce Roberto Donetta dont les photos sont exposées à la Fondation Van Gogh d'Arles.

Roberto Donetta est suisse, gagne sa vie en vendant des semences qui découvre la photographie sur le tard, à une époque (le début du XXe siècle) où elle ne pouvait guère être pratiquée qu'en amateur. 

Donetta photographie le monde autour de lui, plus les gens que les paysages et ses photos constituent, c'est évident, une remarquable documentation sur les paysans du Tessin. Mais ce n'est pas leur seule qualité, car le photographe met en scène ces photos, en soigne méticuleusement la composition, avec un oeil très sûr pour le cadrage où s'affirme son sens esthétique mais aussi son humour. 

 


 Roberto Donetta, Scène apprêtée ; groupe d’hommes devant un bâtiment, 1900-1932/1993. Courtesy :  www.archiviodonetta.ch

La Jeune fille à l'écho

 Oui, j'ai pris un peu de retard et le film n'est plus projeté actuellement. Dommage. Car c'est non seulement une rareté mais un film particulièrement rafraîchissant. 

Un film lituanien.  Réalisé par Arūnas Žebriūnas. En 1965. Un film en noir et blanc qui ne dure pas beaucoup plus d'une heure. Et dont le titre original signifie "Le dernier jour des vacances". 

Sur une île de la mer baltique (?) une gamine, qui a passé le temps chez son grand-père, tue le temps en attendant que son père revienne la chercher. Elle croise un gamin de son âge, un peu plus réfléchi que la petite bande de voyous qui traîne dans le coin. Elle partage avec lui le secret de l'écho qui se répercute de rocher en rocher. Un secret que malgré sa promesse il n'hésite pas à trahir... 

La jeune actrice, Lina Brakyite est époustouflante de naturel et son personnage de petite fille solitaire , agile, maline, audacieuse est un joli modèle féminin. Alors que de l'autre côté les garçons sont grégaires, soumis au pouvoir d'un chef et prêt à tous les compromis pour faire partie de la bande. 

La jeune fille à l'écho est un film aussi poétique que féministe. Jolie surprise de cette fin d'été. 



 

22 septembre 2020

Eduardo Fernando Varela, Patagonie route 203

 Ah ! enfin un souffle romanesque ! parce que des romans qui parlent de la maladie et du deuil, franchement j'en ai ma claque. On n'est même plus dans la posture romantique qui voudrait, "que les chants les plus désespérés soient les chants les plus beaux", n'est ce pas Alfred ? Non, le plus souvent on est dans l'écriture thérapeutique, l'écriture qui gratte les plaies et qui est supposée  soulager son auteur autant que ses lecteurs. Comme si les chagrins étaient comparables, comme si les douleurs n'étaient pas toutes uniques. Alors non, je n'en peux plus. Je veux des histoires qui m'emportent loin de moi, des livres qui parlent d'ailleurs, qui me font vivre des vies que je n'ai pas vécues, que je ne vivrai jamais. 

Exactement ce que j'ai trouvé dans le roman d'Eduardo Fernando Varela !


Avec Parker, le camionneur fantasque j'ai sillonné les routes de Patagonie, jusqu'à perdre toute notion de lieu et de temps. J'ai oublié les marchandises que je transportais, les délais, les promesses, à la poursuite de Mayten, la caissière de la fête foraine. Car même sur ces routes sans fin on fait d'étonnantes rencontres : un journaliste à la recherche des sous-marins nazis, des jumeaux évangéliques certains d'avoir trouvé la lumière, des gitans, un mari jaloux, des camionneurs en colère... J'ai roulé pendant des jours, des nuits sans jamais savoir ce que serait le lendemain, sans même savoir si j'arriverai un jour quelque part. 

Et pendant que je roulais, pendant que je lisais, j'ai oublié la pandémie, la crise économique, les élections américaines, les menaces sur la planète. J'ai vécu une histoire d'amour, une histoire de couple qui peine à se former parce que les aspirations de l'un ne sont pas celles de l'autre, l'ordinaire de la relation à deux... mais dans un contexte qui lui n'a rien d'ordinaire. 

Patagonie route 203 est un roman qui a du souffle, celui de la liberté, celui d'inventer sa vie à chaque instant.



21 septembre 2020

Arles 2020

 Arles sans les Rencontres de la photographie, ce n'est pas tout à fait la même chose, mais le charme de la ville opère quand même.


Et si la pluie interrompt la balade, il est toujours temps de se réfugier au musée Réatu dont l'accrochage ne cesse de m'enthousiasmer, parce qu'il se soucie plus de correspondances entres les oeuvres que de chronologie et n'hésite pas à juxtaposer des oeuvres très différentes, mais dont le rapprochement soudain fait sens.


N'hésite pas non plus à mélanger grands maîtres et petits faiseurs. Pour mieux dessiller notre regard.




L'Abbaye de Valmagne




Quand on visite une abbaye, on sait plus ou moins à quoi s'attendre : des volumes harmonieux,  des ouvertures en ogive ...

des formes et des couleurs douces,  un cadran solaire ....

 

Des jeux d'ombre et de lumière dans le cloître ... mais je ne m'attendais certainement pas à trouver d'immenses fûts à l'intérieur de la nef. Vides apparemment.

La transformation de l'église-abbatiale en chai date des années qui ont suivi la Révolution française, mais il y a fort à parier que Rabelais aurait apprécié cette transformation lui qui donnait le pas au service du vin sur le service divin. 



20 septembre 2020

RBG

Ruth Bader Ginsburg. 

Son nom n'est pas très facile à prononcer, alors on ne garde que les initiales. Peu importe.

Ce qui importe c'est le travail accompli par cette femme, avocate et juge à la cour suprême. 

Malade depuis longtemps, elle se savait fragile et avait promis de faire son possible pour tenir jusqu'au départ du Président actuellement à la Maison blanche. Elle est morte le 18 Novembre. Trop tôt !

Sa mort risque de faire basculer un pays déjà en déséquilibre. La nomination d'un nouveau juge conservateur à la cour suprême avant le 3 Novembre met en péril, entre autres, les fragiles lois sur l'avortement et sur l'égalité des sexes.


L'Amérique allait mal. Elle va encore plus mal depuis la mort de Mme Ginsburg.

 

18 septembre 2020

Sète cinématographique


Hommage à Agnès Varda dans ce quartier de la Pointe-courte.
 

qui prend parfois des allures de tiers-monde !

Mais des allures seulement !

17 septembre 2020

Sète littéraire

 

Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !
Ô récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux ! .... 


Sur les tombes des fleurs en céramique, comme je croyais que l'on n'en faisait plus. La céramique est quand même beaucoup plus jolie que le plastique; et elle garde ses couleurs. Sur la tombe de Valéry, cette modeste pensée.


16 septembre 2020

12 septembre 2020

Revégétaliser la ville ....

 M'ont intriguée aussi, ces fenêtres- jardins dont profitent les passants mais qui à coup sûr empêchent la lumière de pénétrer dans les appartements.

Il est vrai que dans le Sud, surtout en été, on peut préférer l'ombre à la lumière et c'est une façon comme une autre de bloquer le regard inquisiteur des voisins ou des promeneurs. 

Et n'est-ce pas l'occasion de réaliser le souhait de tous les maires "écolo" : revégétaliser la ville ?  A condition quand même de maîtriser la pousse des végétaux car certains deviennent vite envahissants. 








Ce qui m'intrigue

 Je ne me lasse pas d'arpenter les rues de Marseillan, appareil photo à la main, à la recherche de constantes architecturales (les portes) ou de détails insolites. Comme ces éléments pseudo helléniques dont j'ai du mal à comprendre la fonction ou même l'intérêt. 

Sur la façade rose, le bas-relief encadre une fenêtre, mais sur la façade jaune, il n'y a aucune trace d'ouverture, de fenêtre murée qui puisse éventuellement justifier ce trompe-l'oeil qui n'est peut-être qu'un clin d'oeil pour rappeler le lointain passé de la ville, fondée dit-on par les Phocéens vers 550 avant notre ère !


11 septembre 2020

James A. McLaughlin, Dans la gueule de l'ours

Fabuleux bouquin que ce roman de McLaughlin traduit par Matthieussent. Mais il convient de s'accrocher parce que l'histoire n'est pas simple et l'aventure peu commune. 

D'abord parce que l'on est immédiatement transporté dans une réserve des Appalaches dont Rice Moore est depuis peu le gardien. Dans ces montagnes reculées de Virginie la nature est sauvage, mais la population ne l'est pas moins. Et Rice Moore ne tardera pas à s'en rendre compte quand il devra affronter les braconniers qui, malgré les interdictions, chassent l'ours.
La gardienne précédente, qui tentait d'interdire l'accès à la réserve a d'ailleurs été agressée et violée par trois hommes qui pourraient bien faire partie de la bande.

La tâche de Rice Moore s'avère donc difficile et passablement risquée, mais il est peut-être mieux préparé qu'on ne le croit parce qu'il est lui même un fugitif, qui essaye de se faire oublier du cartel qui cherche à l'éliminer pour des raisons qui tiennent à son passé récent dans le désert de Sonora, à la frontière du Mexique et que l'écrivain ne révèle que par bribes. 

Le suspens est ainsi parfaitement maintenu, comme dans un polar, bien que le roman ait tout à voir avec la littérature des grands espaces - ici la montagne et la forêt  - et la rudesse des hommes quand ils se laissent aller à leurs instincts les plus sauvages.  Car l'auteur excelle à transcrire les observations du gardien de la réserve capable de se fondre totalement dans le paysage pour s'approcher au plus près des animaux; mais il excelle aussi à transcrire, par de fines suggestions, les tours et détours de la psychée humaine, les angoisses, les doutes, les attentes, tout ce qui traverse les personnages et dont ils ont à peine conscience. 

Dans la gueule de l'ours est le premier roman de James McLauglin, ardent défenseur de la nature, en particulier contre ses envahisseurs en 4x4 et accessoirement photographe; c'est certainement un auteur à suivre....

http://jamesamclaughlin.com/


 

 


09 septembre 2020

L'étang...

...à la tombée du jour.



 Quelque chose d'irréel dans ces photos d'un paysage pourtant bien réel : le bord de l'étang  de Thau lorsque le jour finit.

08 septembre 2020

7 jours ...

... à perdre mon regard dans le bleu.


 

07 septembre 2020

06 septembre 2020

Je continue dans les bleus ...

avec un soupçon de vert ... turquoise plutôt.


 

05 septembre 2020

Un phare, un bateau ...

... le bout du monde ?

Non, juste le bout du canal du Midi. Quant il rejoint l'étang de Thau.

03 septembre 2020

02 septembre 2020

Bleu, tout simplement bleu


 

La Rivière rouge

 

John Wayne et Mongomery Clift, dont c'est la première apparition au cinéma, dans le même film ! What a treat ! Sans oublier Walter Brennan dans le rôle de vieux ronchon qui lui va si bien. 

Film d'acteurs, La Rivière rouge est aussi le premier western d'Howard Hawks,  et déjà un coup de maître. Le film est inspiré du roman de Borden Chase qui relate l'épopée de la Chilshom Trail, la piste qui permettait aux éleveurs de mener leurs troupeaux depuis le Sud du Texas jusqu'au Kansas, du côté de Dodge city et, dans le film, vers Abilène, plus à l'Est; un raccourci en quelque sorte mais non sans dangers puisqu'il fallait affronter les obstacles naturels (rivières, canyon désertiques, chaleur) et traverser des territoires jusque là occupés par les Indiens qui ne voyaient pas d'un bon oeil leur territoire de chasse ainsi utilisés.

D'une certaine façon, le film fait office de documentaire historique, mais l'essentiel reste quand même l'affrontement des deux hommes, Dunson et Matt, son fils adoptif, qui s'opposent sur la façon de conduire à bien leur tâce et de mener les hommes. L'autorité brutale et le recours à la force si nécessaire pour l'un, la compréhension et l'empathie pour l'autre. De là à dire que le film pourrait servir de base à un séminaire sur les méthodes de management .... 

Une femme au début du film, vite abandonnée; une autre à la fin, dont le caractère bien trempé lui permet de tenir sa place entre les deux hommes.


01 septembre 2020

Emilie Houssa, La Possibilité du jour

 La couverture, ou plutôt la femme sur la coverture est d'une rare élégance, à peine surannée. Et tout de suite, l'image conditionne l'idée que le lecteur se fera d'Aurore Felix, le personnage principal du roman de Emilie Houssa : une femme à l'allure décidée, qui avance d'un pas alerte vers une destination encore  inconnue. 

Comme beaucoup de Françaises après la guerre, la jeune niçoise est partie, malgré les réticences familiales, rejoindre son amoureux de l'autre côté de l'océan. Mais à son arrivée en Amérique, l'amoureux s'est envolé pour d'autres horizons. Il n'est pas question pour la jeune femme de revenir en arrière, et quelles que soient les difficultés, elle se débrouille pour survivre et fait peu à peu son chemin, traversant ainsi les décennies les plus intéressantes de l'histoire américaine. Celles des luttes pour les droits civiques et celles de l'émancipation des femmes pour finir par la remise en question des normes artistiques. 

Les obstacles sont nombreux sur le chemin d'Aurore, et son regard paraît parfois un peu naïf, mais elle ne renonce jamais, quel que soit le prix à payer. De Cleveland à New York elle trace sa route, bien décidée à vivre selon ses propres choix et non pas selon les normes que la société, qu'elle soit française ou américaine, cherche à lui imposer. 

Emilie Houssa s'est inspirée d'une lointaine parente pour créer le personnage d'Aurore qui du coup est peut-être un peu trop idéalisée. On y retrouve pourtant  non seulement les événements, mais l'esprit de cette deuxième moitié du XXe siècle, lorsque les conditions économiques et sociales permettaient de s'aventurer hors des chemins battus pour essayer de trouver une autre façon de vivre que celle des générations précédentes. Et si ce roman paraît un poil trop démonstratif  à certains, la féministe que je suis ne s'en plaint pas.