09 mars 2021

Colson Whitehead, Nickel boys


"Il avait dit J'en ai assez de la maison de redressement /Et les gardiens à coups de clefs lui avaient brisé les dents / Et puis ils l'avaient laissé étendu sur le ciment "

Bien sûr, quand on lit Nickel Boys on pense à Prévert et à son poème La Chasse à l'enfant, ou peut -être à L'Evadé de Boris Vian :

"Il a dévalé la colline / Ses pieds faisaient rouler des pierres/ Là -haut la sirène chantait sans joie ... " 

 
Poésie et littérature n'édulcorent en rien la réalité; elles la révèlent dans toute sa noirceur et bien que les personnages du roman de Colson Whitehead soient fictifs, les conditions dans lesquelles il les fait vivre, sont calquées sur les faits tels qu'ils ont été relatés dans la presse, lorsque, sur le site de l'école Dozier, en Floride, ont été découvertes des tombes non identifiées. 



Ce que raconte l'écrivain, c'est l'histoire d'un jeune garçon noir dans les années 60, une histoire qui peu ou prou ressemble à celle de beaucoup si ce n'est pas tous les Noirs. Elwood Curtis est un gamin intelligent, travailleur, sérieux, honnête, élevé par sa grand-mère. Le passé de sa famille n'est pas brillant, mais lui a une chance de s'en sortir puisqu'il est admis à l'université. Une "erreur judiciaire" - euphémisme pour signifier que les Noirs sont condamnés sans même être jugés ou même écoutés - et le voilà envoyé dans une "école" supposée le remettre dans le droit chemin. En clair, un centre de redressement où, ségrégation oblige, les Noirs sont traités encore plus mal que les Blancs. Les années 60, ce sont les années de lutte pour les droits civiques, les années de résistance, mais ce qui se passe à la Nickel school est pire que dans un roman de Dickens. 

La première partie du roman, précis, détaillée est prenante et broie le coeur; la deuxième file plus vite puisqu'elle se déploie sur une quarantaine d'années après la période de détention, jusqu'à la révélation finale.  

De Colson Whitehead j'avais déjà lu Underground railroad,  qui évoquait l'itinéraire des escalves fugitifs vers le Nord grâce à l'entraide de militants engagés et j'avais déjà apprécié sa façon d'aborder par le biais de la fiction la situation des Noirs aux E-U. considérant qu'un bon roman est plus convaincant et s'adresse à un plus grand nombre de gens qu'un essai historique ou un article dans la presse.  J'attends sans doute trop de la littérature, mais je me dis qu'elle est peut-être capable de modifier un tant soit peu le monde. Changer les lois est certes indispensable, mais pas suffisant ! Ce sont les mentalités qui doivent être changées. Ce à quoi s'appliquent les bons romanciers.


1 commentaire:

Francis Geffard a dit…

Bonjour et merci pour ces belles chroniques sur les livres de Colson Whitehead, Stephen Markley et de Willy Vlautin ! Bien cordialement, Francis Geffard, Albin Michel