Pour avoir lu il y a deux ans le livre de Jessica Bruder je pouvais en deviner la raison, mais Chloé Zhao, la réalisatrice en centrant son récit autour d'un personnage principal a crée chez le spectateur une attente d'explication, une forme de suspense et surtout une empathie vis à vis de Fern et de ses compagnons de route, alors que le livre cherchait plutôt à dénoncer un système capitaliste qui profite du dénuement et de la détresse de ceux qui, pour des raisons économiques, sont contraints d'errer d'un bout à l'autre de l'Amérique pour trouver de travail et ce, quel que soit leur âge.
La critique de Chloé Zhao est moins virulente, et les portraits qu'elle fait de ces nouveaux nomades montre que les nécessités économiques sont en effet déterminantes, mais elle suggère aussi que, pour la plupart d'entre eux, d'autres motivations. entrent en ligne de compte : un deuil, le refus des contraintes, un besoin de solitude ... et plus généralement, un sentiment d'inadéquation avec la société telle qu'elle est qui fait que la route devient pour beaucoup un refuge, aussi difficiles que soient leurs conditions matérielles. Ils y trouvent, au hasard des déplacements et des rencontres, des solidarités qui leur permettent d'aller jusqu'au bout de leur chemin.
Il fallait pour porter ce film tout le talent, exceptionnel, de Frances McDormand qui joue sans fard et sans souci de son image. Il fallait aussi toute la sensibilité de Chloé Zhao, réalisatrice de Rider en 2018 et de Les Chansons que mes frères m'ont apprises en 2015, qui semble vouloir suivre un chemin étroit entre documentaire et fiction. Qu'une partie du film soit tournée dans les Badlands (les mauvaises terres) a peut-être valeur symbolique mais ces quelques images ont suffi à éveiller ma nostalgie des paysages américains. Pour le moment, si lointains !
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