03 janvier 2022

Le diable n'existe pas

Le film grave et profond de Mohammad Rassoulof surprend par sa structure, en quatre parties, comme s'il s'agissait de quatre courts-métrages (apparemment moins surveillés par la censure que les longs métrages) mais en réalité c'est bien un seul film autour d'un thème unique exposé en quatre variations, un peu comme une symphonie. 

Le premier mouvement suit pendant une journée Heshmat, un homme placide et débonnaire, un bon père de famille qui s'occupe avec la même patience de sa fille, de sa mère, de sa femme... avant de retourner à son travail où il exécute, sans sourciller, les ordres qui lui sont signifiés par des voyants lumineux. 

Le second épisode commence par une longue dispute entre quatre jeunes militaires. L'un d'eux, Pouya, ne peut se résoudre à exécuter l'ordre qui lui a été donné : il est chargé de l'exécution d'un condamné à mort. Par désespoir il s'empare d'une arme, menace les gardiens et parvient à s'enfuir. Il a déserté, mais n'a pas tué.   

On suit ensuite la course folle de Javad qui a profité d'une permission, pour rejoindre sa fiancée. Une permission qu'il a obtenu en se chargeant de l'exécution d'un activiste, un intellectuel pour lequel la famille de sa fiancée a justement prévu une veillée funéraire.


Chaque épisode a entraîné le spectateur un peu plus loin : la ville et la prison pour commencer, la caserne, ses couloirs, ses cellules, puis une maison isolée au milieu des bois. Dans le dernier épisode le paysage est celui du désert iranien, des pistes poussiéreuses, des collines comme des vagues. Le temps a passé, Barham est vieux, malade et paye le prix des choix qu'il a fait il y a 20 ans ... 

Le diable n'existe pas est un film remarquable, de ceux que l'on n'oublie pas car chaque épisode propose au spectateur un nouvel angle sous lequel aborder le même problème, en lui permettant de s'identifier non pas à la victime, coupable ou non, ce n'est pas la question, mais au bourreau celui qui est chargé de l'exécution. Un boulot comme un autre  ? Un geste inconcevable ? Une routine sans conséquence ? Une tragédie qui bouleverse une vie ? Impossible d'échapper au dilemme, mais Rassoulof est un grand cinéaste et c'est par l'image qu'il donne à voir et à penser. 

Aussi dur que soit le film, il y a quelque chose de réjouissant à se dire, que malgré les difficultés qu'ils ont à tourner, les cinéastes iraniens, du moins ceux dont les films ont été distribués en France, ont beaucoup à dire. Un héros, Le diable n'existe pas ... quel sera le prochain ?


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