05 juillet 2023

Mathieu Belezi, Attaquer la terre et le soleil

 

Il y a des livres sur lesquels on traîne, je ne sais pourquoi. D'autres que l'on dévore sans même s'apercevoir du temps qui passe. Attaquer la terre et le soleil est de ceux-là et l'on comprend qu'il ait obtenu le prix des lecteurs de Franc-Inter. Pourtant il n'a rien de facile et c'est un livre dur. Comment pourrait-il en être autrement puisque Mathieu Belezi a entrepris de raconter le début de la colonisation en Algérie en alternant deux récits, deux voix plus exactement. Celle d'une femme qui met les pieds en Algérie, avec l'espoir d'une vie meilleure et d'une terre pour sa famille comme le lui a promis le gouvernement. Mais rien ne correspond à ce qu'elle avait imaginé, ni la terre, ni le climat, ni surtout les habitants dont elle ne comprend pas l'hostilité ! L'autre voix est celle d'un militaire, un soldat qui obéit aux ordres de son capitaine et joue le rôle qu'on lui demande dans cette campagne de "pacification" qui pille, qui viole, qui torture et qui tue. En filigrane, bien qu'ils ne soient pas incarnés par une voix, il y a bien sûr les Algériens. 

Mathieu Belezi raconte la colonisation algérienne comme personne ne l'a racontée avant lui, dans une langue âpre, rude, violente. Car la violence est partout, dans les hommes, mais aussi dans les éléments, l'aridité du climat, les maladies. Et il fallait incarner cette violence dans des personnages pour faire comprendre de l'intérieur ce qui a été vécu et ressenti de part et d'autre, quitte à choquer les lecteurs qui refusent de voir que les mentalités ont changé  et que ce qui aujourd'hui n'est plus concevable l'était pourtant au XIXe siècle. Comprendre n'est pas justifier. Et ne comptez pas sur Mathieu Belezi pour édulcorer quoi que ce soit, pour innocenter qui que ce soit.


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