17 mai 2013

Une vie simple

Quel joli film vraiment ! Parfaitement résumé par son titre.
Ah Tao est désormais une vieille dame. Mais elle travaille toujours. Au service de la même famille depuis quatre générations, elle continue de s'occuper du seul d'entre eux qui n'ait pas émigré et vit toujours à Honk Kong. Mais lorsque Ah Tao subit un premier infarctus, c'est désormais à Roger de veiller sur la vieille dame.


Ah Tao est un personnage lumineux, toute de générosité, qui transforme le monde autour d'elle d'un seul regard; la maison de retraite dans laquelle elle a exigé d'être placée pour n'être à la charge de personne est pourtant sordide, ses locataires plus qu'abîmés, Ah Tao s'accommode de tout, s'efface, s'oublie, heureuse d'un sourire, d'un rien, soucieuse de ne jamais sur la vie des autres.

Le titre peut faire penser au conte de Flaubert "Un coeur simple", mais ce sont les premiers vers d'un poème de Baudelaire qui me sont revenus en mémoire. Je ne sais si le poème de Baudelaire est connu de la réalisatrice, Ann Hui mais elle en a joliment traduit l'esprit. Alors, juste pour le plaisir, voici le poème


La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse

La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse,
Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,
Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.
Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,
Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres,
Son vent mélancolique à l'entour de leurs marbres,
Certes, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,
À dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps,
Tandis que, dévorés de noires songeries,
Sans compagnon de lit, sans bonnes causeries,
Vieux squelettes gelés travaillés par le ver,
Ils sentent s'égoutter les neiges de l'hiver
Et le siècle couler, sans qu'ami ni famille
Remplacent les lambeaux qui pendent à leur grille.
Lorsque la bûche siffle et chante, si le soir
Calme, dans le fauteuil je la voyais s'asseoir,
Si, par une nuit bleue et froide de décembre,
Je la trouvais tapie en un coin de ma chambre,
Grave, et venant du fond de son lit éternel
Couver l'enfant grandi de son oeil maternel,
Que pourrais-je répondre à cette âme pieuse,
Voyant tomber des pleurs de sa paupière creuse?

Charles Baudelaire

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