Les films de Kaurismaki sont identifiables à la première image ou presque. Et c'est un vrai plaisir de se retrouver dans un univers à la fois familier et tout à fait déroutant. Sa manière de filmer est en effet unique : des couleurs d'abord, fortes ! Une façon de poser sa caméra comme devant un tableau et d'attendre que chaque détail du cadre soit noté - nappe banche, mur bleu, mur jaune, moquette rouge, position des personnages assis, debout ... - avant que l'image s'anime; un rythme lent et un jeu d'acteur presque hiératique, souvent les mêmes acteurs de film en film ce qui accroit l'impression de familiarité. Aki Kaurismaki est un créateur d'univers.
Mais si sa manière de filmer est légèrement décalée- ce qui en fait tout le charme - son propos est toujours profondément humain. Il a une vraie tendresse pour les gens, pour les déclassés, les paumés, les fragiles, pour ceux qui cherchent leur place dans une société qui le plus souvent ne fait que les broyer. La tragédie pourrait être son registre; pourtant ses films sont drôles, franchement drôles, sans doute parce que le réalisateur sait voir le détail incongru dans toute situation, aussi dramatique soit-elle.
Et puis il y a la musique : un rock bien rocailleux joué par des musiciens qui ne sont plus de première jeunesse. Autant d'intermèdes musicaux qui feraient presque passer De l'Autre côté de l'espoir pour une comédie musicale alors que le sujet ne s'y prête pas vraiment.
D'un côté un Syrien qui se retrouve par hasard en Finlande après une longue errance à travers l'Europe. De l'autre un homme d'un certain âge, qui décide brutalement de changer de vie, quitte sa femme alcoolique, vend son commerce, joue sa fortune au poker et rachète un restaurant dont les employés n'ont pas été payés depuis des mois. La rencontre fortuite du Finlandais et du Syrien est aussi improbable que celle du parapluie et de la machine à coudre des surréalistes, mais elle fonctionne plutôt bien.
Et surtout, avec un sujet aussi grave que l'immigration, le racisme, le chômage, Kaurismaki ne cherche pas à nous faire la morale, non, il nous divertit. Et pourtant....
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