24 août 2018

Une Valse dans les allées

Le décor du film ? Une "grande surface",  vraiment très grande, que l'on prendrait plutôt pour un entrepôt si l'on n'apercevait de temps en temps les silhouettes de quelques clients affairés. Mais ce n'est pas sur eux que le réalisateur, Thomas Stuber, a choisi de poser son regard.  Non, les gens auxquels il s'intéressent sont ceux qui toute la journée remplissent les rayons, stockent, remettent de l'ordre, transportent des tonnes et des tonnes de marchandises. 

Parmi eux, Christian, le "bleu" qui vient tout juste d'être engagé, timide et maladroit et c'est le premier temps de la valse. Marion, du rayon confiserie, dont le sourire malicieux fait bien entendu craquer Christian et c'est le deuxième temps de la valse. Bruno, le chef de rayon, le mentor de Christian, aussi bourru que bienveillant et c'est le troisième temps de la valse. 
Ces trois personnages et leurs collègues forment une micro société que Thomas Stuber observe avec le regard d'un entomologiste. Chacun a sa part lumineuse et sa part d'ombre, ses rêves et ses cauchemars, ses forces et ses faiblesses, souvent bien cachées, que le film dévoile peu à peu.

Il faut entrer dans le non-dit de ce film, ne rien manquer des images, se laisser porter par le rythme - lent forcément puisqu'il ne s'agit pas d'un film d'action -  saisir beaucoup et deviner encore plus ! Le film alors devient jubilatoire. 


La photographie est visiblement inspirée de la photo objective allemande des années 70. On pense - un peu à Andreas Gursky qui sait si bien mettre en évidence la démesure de notre habitat. Les couleurs claquent avec une dominante bleue, comme les blouses des employés et jaune comme les chariots élévateurs qui filent constamment dans les allées. L'ouverture du film , sous fond de valse de Strauss, est un ballet soigneusement chorégraphié d'engins qui se croisent dans les allées. D'ailleurs toute las bande son joue sur le contraste entre l'univers de l'hyper marché et des références musicales à la fois classiques et populaires.
Le film est lent, les images d'une grande précision. Pas de bavardages inutiles, les regards, les attitudes suffisent à dire, à suggérer. Pas de grands effets non plus, mais un quotidien scruté avec  une attention qui n'est pas dépourvue de tendresse. Comme dans la scène où Christian offre à Marion un gâteau d'anniversaire !




23 août 2018

Pluie sans fin


Difficile de trouver un film plus noir et plus embrouillé. Mais quelle claque !

Le film de Dong Yue est visuellement superbe.... à condition d'aimer les paysages industriels sous la pluie ! Pour un peu, on penserait à un tableau de Pierre Soulages. A la pluie, ajoutez la boue  et la gadoue, l'obscurité des nuits sans lune.  Ajoutez encore un paysage urbain aussi vétuste que misérable, quelques terrains vagues, noyés de pluie évidemment.

Le parti pris de noirceur est total; c'est celui de la Chine d'aujourd'hui, de la Chine qui n'a rien à voir avec les vitrines brillantes  et luxueuses que sont Pékin et Shanghai.


L'intrigue est aussi noire ou presque que les images puisqu'il s'agit de meurtres en série, qui n'ont pas été élucidés. Le vigile de l'usine du coin se mêle à l'enquête, une enquête qui vire peu à peu à l'obsession ou ... à la paranoïa. Car l'habileté du réalisateur consiste à montrer sans démontrer, laissant au spectateur le soin de décider de l'interprétation qui lui convient.
Connaître la vérité sur un crime, une série de crime? Il est des pays aujourd'hui où la tâche est impossible. Et je ne parle pas seulement de la Chine.

22 août 2018

Joseph Boyden, Les Saisons de la solitude


Après Amanda, voici Joseph. Car Mme et M. Boyden sont tous les deux écrivain, mais leurs romans ne se ressemblent pas. Enfin pas vraiment. 

Celui d'Amanda se passait à la Nouvelle Orléans, celui de Joseph en grande partie dans le Nord canadien : le froid, la neige, les forêts, les lacs, les trappeurs, les Indiens ... un univers qui ravira ceux qui, enfants, ont lu tout Jack London ou Fennimore Cooperl, un univers toutefois revu  à l'aune de la modernité, puisque Will, un vieil Indien Cree, trappeur à l'occasion, est aussi pilote d'avion. Lorsque commence le roman il est hospitalisé, dans le coma à la suite d'une agression. Parmi ses visiteurs, sa nièce Annie dont la soeur, Suzanne, a disparu depuis plusieurs mois.

Chapitre après chapitre, le romancier alterne les deux voix, celle du vieillard qui se remémore son passé, et celle de la jeune femme qui lui parle dans l'espoir d'améliorer son état. Bien qu'Annie partage avec son oncle le goût pour la nature sauvage, elle a été contrainte de quitter la réserve pour partir à la recherche de sa soeur, et ce sont ses expériences dans le monde interlope de Toronto, de Montréal et de NY qu'elle lui raconte, expériences dans le milieu du mannequinat, des fêtes, et de l'argent facile. Difficile d'imaginer plus grand écart entre les deux modes de vie, et pourtant le roman fonctionne parce que l'oncle et la nièce partagent au fond les mêmes valeurs.

20 août 2018

Amanda Boyden, En attendant Babylone


Un roman comme un kaléïdoscope avec des tas de personnages, comme autant de fragments colorés qui se croisent, s'entrecroisent pour former des motifs éphémères, telle est l'impression que je garde du livre d'Amanda Boyden, En attendant Babylone.

Je reconnais son envie de traduire par le nombre et la diversité de ses personnages, l'atmosphère passablement chaotique de la Nouvelle-Orléans. Oui, les personnages, qu'ils soient jeunes ou vieux, blancs ou noirs et dans l'ensemble très "middle class" sont effectivement représentatifs de cette société américaine à la recherche de ses repères, mais le fractionnement permanent du récit n'en facilite pas la lecture.
Comme souvent, j'ai aimé que le roman soit "géographiquement" situé : la rue Orchid existe véritablement à la Nouvelle Orléans;  c'est une petite rue ordinaire, bordées de maisons modestes, où l'on imagine aisément que chacun connaît son voisin.  Une rue banale, pour une population qui l'est moins parce que N-O vit au rythme des BBQ,  des soirées alcoolisées dans le seul bar de la rue, des deals de drogues, des parades de Mardi Gras et des menaces cycloniques qui électrisent la ville.



18 août 2018

Le poilu de Saint Philibert d'Entremont



Il est vraiment très beau ce "poilu" perché sur son socle, dont la silhouette se détache sur fond de ciel orageux.  C'est en passant à Saint Philibert en Chartreuse que je l'ai repéré, trop bleu pour passer inaperçu !
Le détail de l'équipement, la pose, mais surtout le regard et les moustaches - ah les moustaches ! Si réaliste que je l'ai d'abord cru de cire.
Mais non, il s'agit bien d'une sculpture en "fonte de fer bronzée" comme je l'ai découvert sur le Net. Par la même occasion, j'ai appris qu' Etienne Camus, l'auteur de l'oeuvre,  avait conçu 2 autres modèles de statues pour commémorer les morts de 14-18 et qu'il a au total réalisé 430 monuments ! Apparemment le "poilu au repos" a eu plus de succès que le "poilu baïonnette au canon".
La paix plutôt que la guerre. 

Thierry Martenon



 C'était "autrefois" une étable. C'est maintenant un atelier, avec un très beau meuble de métier, rempli d'outils : des rabots, des marteaux, des gouges, des limes.... 
 


Les très gros outils, les machines et la réserve de bois sont dans le fond de l'atelier, ou dans la pièce d'à côté. Mais l'outil le plus important, c'est celui qui traîne sur la table, le crayon rouge. Celui avec lequel Thierry Martenon dessine, imagine, rêve, projette ... car ce monsieur très modeste considère que la technique n'est rien sans l'idée. L'exécution, la technique, le savoir-faire viennent après ...


Soit ! Mais le résultats ce sont ces pièces exposées provisoirement à l'étage, formes abstraites, ou organiques, totems primitifs qui appellent irrésistiblement la main, la caresse ...


 A chacun de retrouver dans ces formes les images qu'il préfère


Mais la façon dont Thierry Martenon travaille le bois m'a, pour ma part fait penser aux extraordinaires plissés d'Issey Miyake





17 août 2018

Sang pour sang

Oui, c'est un polar. Mais un polar des frères Cohen. Leur premier film ensemble d'ailleurs. Tourné avec une jubilation évidente. Un film avec toutes sortes de trouvailles qui sont depuis devenues leur marque : le sang, la violence, un pistolet qui passe de mains en mains. La cruauté, la violence mais aussi l'humour, l'insolite, le trait appuyé jusqu'à la caricature. Et dans le rôle de la femme fatale, mi ingénue, mi perverse, Frances Mc Dormand, l'inoubliable héroïne de Fargo et plus récemment de 3 Billboards.

 On peut ne pas aimer le cinéma des frères Cohen mais pour ses fans, la version restaurée de Sang pour sang proposée parmi les reprises de l'été,  est jubilatoire !


16 août 2018

Leila Slimani, Chanson douce

Le livre commence mal ou plutôt s'ouvre sur une tragédie effroyable qui d'emblée met le lecteur dans l'attente d'une explication, d'un complément d'information car il ne s'agit de rien moins que du meurtre de deux enfants par la nounou qui en avait la garde. Voilà, c'est dit. Le pire a eu lieu, il s'agit maintenant de dérouler le fil, de remonter au commencement du commencement et d'essayer de comprendre comment et pourquoi on en est arrivé là.

La réussite indéniable du roman de Leila Slimani est de se débarrasser de la recherche du coupable puisqu'elle est connue dès le départ et de ne s'intéresser qu'aux motivations, aux explications psychologiques, mais aussi sociologiques car si la nounou est bien celle qui a tué, d'une certaine façon, les parents et la société en général portent eux aussi la responsabilité du meurtre.



Chanson douce, malgré son joli titre est un livre cruel, subtil mais cruel parce qu'il met en évidence l'égoïsme des individus soucieux plus que tout de leur "réussite" individuelle, qui est sans doute un accomplissement, mais aussi un enjeu social déterminant. Une fois pris dans ce tourbillon l'individu devient aveugle et sourd, incapable de sentir la détresse de ceux qui sont restés en dehors et que derrière une bienveillance de façade, il exploite sans scrupule.

Le premier chapitre du livre de Leïla Slimani, aussi sanglant soit-il, est peut-être moins perturbant que cette vérité qui fait peu à peu surface et met à mal notre façon de vivre. Chanson douce est un roman qui touche au coeur et appuie là où ça fait mal.

15 août 2018

Under the silver lake

Faut-il vraiment chercher à comprendre tous les films ? Ou faut-il juste se laisser porter par ses sensations, ses impressions, garder vaguement la trace des fantasmes et des élucubrations d'un jeune homme paumé dans cette ville démesurée et déjantée  qu'est Los Angeles ?

Le fil conducteur du film c'est ce jeune homme, un américain très ordinaire, sans occupation (et bientôt sans logement) qui ne fait rien de ses journées sauf épier sa jolie voisine qui du jour au lendemain disparaît. Le reste n'est que déambulation plutôt qu'investigation, qui permet à David Robert Mitchell, le réalisateur, d'accumuler les scènes extravagantes, insolites, fantasques comme il est de mise dès qu'il s'agit de Los Angeles. 


Car le deuxième fil conducteur du film, c'est bien cette ville qui attire et repousse, qui fascine et rebute, qui séduit et dégoûte. Cette ville de soirées folles et de solitude, cette ville de luxe et de misère, cette ville où l'on s'imagine que tout est possible, où l'on continue de rêver de destins exceptionnels alors que chacun court de déception en déception et d'échec en échec. 

Under the silver lake n'est pas un film à intrigue, c'est le portrait d'un miroir aux alouettes qui a déjà inspiré beaucoup de scénaristes, de cinéastes, de romanciers, de dramaturges. Comptabiliser les références constitue sans doute pour le cinéphile averti un  autre fil conducteur, perdu hélas pour le spectateur ordinaire. 

Pure coïncidence : je venais de lire Jours tranquilles, brèves rencontres d'Eve Babitz, sorte de déclaration d'amour à Los Angeles, cette ville "frénétique comme un studio de cinéma et pétillante comme une coupe de champagne", un assemblage de textes passablement décousus pour initiés. 

Los Angeles, c'est aussi et surtout ce sentiment d'exclusion quand on n'est pas dans le cercle de ceux qui ont réussi à s'y faire une place. 

Je n'ai jamais aimé Los Angeles. Sans doute la seule ville américaine que je n'aime pas.  

14 août 2018

Arles 2018 : Véronique Ellena


Sans doute ma plus belle découverte, mais, je ne sais comment ni pourquoi, ce billet était resté du côté des brouillons....

Les photos de Véronique Ellena étaient exposées au musée Réattu, dont le nouveau parcours vous contraint à passer plus de temps que prévu dans ses murs, mais vous permet ainsi de découvrir, grâce à un accrochage particulièrement réussi,  des correspondances possibles entre des oeuvres parfois très éloignées par leur style, leur genre ou leur époque.


Cheminer d'une salle à l'autre et reconstituer, grâce à la rétrospective proposée par le musée, l'évolution artistique de Véronique Ellena est tout à fait réjouissant.

L'exposition ouvre sur des photos de la vie quotidienne, mises en scènes et très colorées, mais parfaitement justes, comme les portraits de cyclistes qui suivent. Et puis l'on s'aperçoit rapidement que la photographe excelle dans tous les genres :  portraits, paysages, architectures urbaines, natures mortes ...


Certes la disposition, la mise en espace des photos de Véronique Ellena souligne leur qualité esthétique, et le rapprochement de plus en en plus évident entre objet photographique et objet pictural, jusqu'à évoquer les vanités des siècles précédents. Je pense en particulier au peintre espagnol
Juan Sanchez Cotán.

Mais aussi affirmée que soit la recherche esthétique de l'artiste, ses photos ne sont pas pour autant dénuées d' humanisme comme en témoigne la série Les Invisibles où l'on ne voit d'abord que des monuments italiens photographiés frontalement, images de pierre assez austères jusqu'à ce que l'oeil discerne sur le seuil de l'église ou sous l'arche d'un escalier, une forme allongée. Les Invisibles, ceux que l'on croise dans la rue, mais que l'on ne voit pas.

13 août 2018

L'une chante, l'autre pas

Quel plaisir de revoir ce vieux film d'Agnès Varda sorti en 1976 !
Certes le contexte a changé et pour beaucoup, c'est de l'histoire ancienne. Sans doute, mais c'est avant tout la prise de conscience par les femmes, de leur situation, coincées entre l'opprobre des amours adultérines, les grossesses non désirées, les avortements non autorisés, la dépendance financière, les amours contrariés .... la liste est longue et le film pourrait être de plomb !

Mais il n'en est rien ! Grâce, c'est évident au talent, à l'imagination d'Agnès Varda qui opte pour la fantaisie et la comédie musicale;  grâce surtout à la personnalité de son actrice principale, Valérie Mairesse qui exulte littéralement, chante, danse, rit, bouscule tout le monde, trouve des solutions à tout, un tourbillon d'énergie rayonnante.
Et puis il y a ce que le titre suggère, cette amitié indéfectible entre Suzanne et Pom, car la force et l'efficacité du féminisme tient pour beaucoup à ces amitiés et plus généralement à toutes les formes de solidarité ou de complicité entre femmes.


En deux images tout est dit : l'effervescence colorée des années 70 efface la grisaille, la tristesse et l'accablement des années 60. En 10 ans, elles en ont fait du chemin ! 



12 août 2018

The Guilty

The Guilty est un film avec un dispositif étonnant : un seul personnage, ordinaire, pas spécialement sympathique, filmé presque exclusivement en gros plans et plans rapprochés. Il a des écouteurs sur la tête et un micro. C'est un flic chargé de répondre aux appels de détresse du 112.
Et pourtant ?
Passé le premier 1/4h où l'on se demande quand le cameraman va changer de cadrage, on est totalement happé par l'histoire (une femme kidnappée, une famille fracassée). Tout est dans les échanges verbaux entre des personnages qui ne se voient pas, ne se rencontrent pas, et l'on s'aperçoit alors qu'il est très facile, d'imaginer, de visualiser même le déroulement d'une scène que seul le dialogue fait vivre. Etonnant vraiment. D'ailleurs, une semaine plus tard, j'ai encore l'impression d'avoir vu, vraiment vu, la camionnette blanche, l'autoroute, les voitures de flic, l'appartement, la petite fille.... tout !


Le film est certainement un excellent thriller, mais c'est aussi un film sur le pouvoir de la parole et de l'imagination. On est forcément amené à se demander ce qui fait qu'une parole est crédible ou ne l'est pas et au final  à s'interroger sur la réception et l'interprétation de cette parole, réception qui varie en fonction de l'interlocuteur, de son propre vécu, de son idéologie : polysémie du Verbe ! Et c'est sans doute pourquoi le monde va si mal !  Oui Madame !

11 août 2018

My Lady

My Lady est un film facile à aimer.

D'abord parce qu'il est d'une facture très classique, et qu'il est interprété par des acteurs parfaits dans leur rôle (une spécificité du cinéma anglais ? ) en particulier Emma Thomson, excellente comme à son habitude et même rayonnante - sauf dans les dernières scènes peut-être. Mais là, c'est la faute du réalisateur qui bâcle un peu sa fin en jouant la carte du mélo, avec un changement de coiffure inutile et ridicule. Comme si la détresse d'une femme ne pouvait s'exprimer que par sa coupe de cheveux !


My Lady est un film facile à aimer parce que chacun peut y voir ce qu'il veut ou presque :
- un film anglais, sur la justice anglaise, son fonctionnement, ses codes, ses rituels, jusqu'à la caricature :  les robes, les perruques, le thé de 5h servi ponctuellement par le greffier attentionné jusqu'à l'obséquiosité .
- un film sur les témoins de Jéhovah qui refusent la transfusion sanguine avec des arguments spécieux et irrationnels.
- mais ce que j'ai vu surtout dans le film de Richard Eyre, c'est le portrait d'une femme passionnée, impliquée dans son métier et ses responsabilités au point d'oublier son couple et de s'oublier elle-même. Une situation peut-être banale, mais qui se joue plus souvent à l'envers.

10 août 2018

Article sans titre

et sans commentaire  ?


09 août 2018

L' Homme des vallées perdues

Passer d'un western de 2014  (Salvation) à un western de 1953, L'homme des vallées perdues est une expérience intéressante. Car avec le film de George Steven on touche à l'archétype du western :  le cow-boy solitaire (en l'occurrence un tueur repenti) venu de nulle part, qui repartira vers nulle part, mais pendant le court moment où il s'est arrêté aura  remis de l'ordre dans le monde.


Il intervient dans la lutte éternelle entre nomades et sédentaires, entre éleveurs et agriculteurs (Abel et Caïn ?),  fait usage de ses poings quand il le faut,  et n'utilise son arme que quand il ne peut plus faire autrement sous le regard admiratif du fils du fermier : blond et légèrement poupin, Alan Ladd incarne le Bien comme Jack Palance émacié et tout de noir vêtu incarne le Mal.

Bon, j'en conviens : la femme du fermier est aussi tartouille que la princesse Leila, le gamin  insupportable la plupart du temps, le décor trop évidemment fabriqué pour le tournage, et le discours extrêmement simpliste. J'ai néanmoins passé un bon moment, avec l'impression de me retrouver aux origines du genre.

The Salvation



Le western, c'est presque toujours l'histoire d'un homme seul contre une horde.
Le western c'est presque toujours une chevauchée dans un paysage grandiose.
Le western c'est presque toujours une histoire de justice bafouée.
Le western c'est presque toujours .....
Je pourrais continuer comme cela longtemps, parce que le western ne cesse, depuis ses débuts, de travailler sur les mêmes thèmes, les mêmes personnages, les mêmes images - ....ah la traversée de la rivière au grand galop avec l'eau qui éclabousse l'écran ! - et c'est pour cela que je l'aime ou plutôt pour ses infimes variations.

Celui-ci n'est même pas américain ! Il est danois, britannique et sud-africain ! Le western n'est plus américain parce qu'il est devenu universel et ce faisant à acquis le statut des mythes que, dans toutes les civilisations, on a inventés pour essayer de distinguer le bien du mal.

Le film de Kristian Levring date de 2014, il ne passe plus en salle mais il est disponible en VOD, DVD etc...


08 août 2018

André Demaison, Les Oiseaux d'ébène


C'est un très vieux petit livre, dans son édition originale de 1933. Papier jauni, illlustrations en couleurs de  Ch. Boirau, couverture de toile rouge :  un joli exemplaire rescapé d'une bibliothèque !

Plonger dans Les Oiseaux d'ébène d'André Demaison, c'est plonger dans une autre époque, celle du colonialisme fort de ses certitudes. Du coup ce roman très exotique - on n'est pas loin du Out of Africa - prend valeur historique : c'est bien comme cela que les uns et les autres se comportaient : conquérants, autoritaires, ou au contraire soumis jusqu'à la servilité.

Pour apprécier le livre, il faut certes éviter de s'étouffer devant la réalité coloniale et se contenter de  rester à la surface de l'intrigue, se laisser dépayser, se gaver d'images exotiques, s'étonner de l'audace, de l'esprit d'aventure des deux personnages principaux.... Bref prendre le roman pour ce qu'il est, le produit d'une époque - une époque où on pouvait impunément tuer un éléphant - et se rendre compte, le livre une fois refermé, que l'on vient de prendre une leçon d'histoire accélérée.

André Demaison, à qui on doit Le livre des bêtes qu'on appelle sauvages, mais aussi le guide de l'Exposition coloniale de 1931, écrivait et pensait comme beaucoup de ses contemporains



07 août 2018

The Keeping Room

Après l'incendie, le livre de Robert Goolrick critiqué dans mon précédent billet donnait une certaine vision du Sud et des femmes sudistes. Le film de Daniel Barber, The Keeping room, en donne une bien différente ! Plus proche, je crois, de la vérité.

Louisiane, fin XIXe siècle.  Une maison, qui bien que grande n'a rien du luxe de plantations que l'on fait visiter aux touristes d'aujourd'hui. La guerre de Sécession touche à sa fin. Les hommes sont partis et ne sont pas revenus. Deux femmes, jeunes, blanches, sont restées seules avec leur servante - jeune, noire évidemment. Elles grattent la terre de leur misérable potager. L'ainée essaye de chasser pour compléter leurs maigres ressources;  la plus jeune a du mal à se faire à leur nouvelle vie, trop rude, trop précaire. Au moindre mouvement les voilà sur la défensive et lorsque s'approchent des soldats de l'Union, plus truands que soldats, les armes sortent.


Le film de Daniel Barber est un excellent thriller, qui joue sur la menace d'une intrusion violente dans un lieu supposé être un refuge,  une situation aisément transposable en un autre lieu, une autre époque.  Mais c'est en Louisiane et en pleine guerre de Sécession que le réalisateur a choisi de placer son film, ce qui lui permet de montrer que le Sud, certes esclavagiste avant d'être ségrégationniste, a parfois été capable de surmonter ses préjugés. C'est surtout l'occasion de faire le portrait de trois femmes qui se révèlent, alors que rien ne les y avait préparées, capables de faire face aux pires situations.
Un joli "3 coups" en quelque sorte. 

Robert Goolrick, Après l'incendie


De Robert Goolrick, j'avais déjà lu  Féroces et Arrive un vagabond. Sans être totalement convaincue, bien que l'écrivain ait des choses à dire, sur lui, sur sa famille et plus généralement sur la société du Sud des E-U. Sans doute parce que je n'apprécie pas plus que cela la littérature dite "thérapeutique", qui fait peut-être du bien à son auteur, sans passionner pour autant son lecteur, sauf bien sûr s'il retrouve dans le roman le miroir de sa propre expérience.

Le dernier livre, de Robert Goolrick,  Après l'incendie  est paru l'an dernier. C' est un roman très élaboré qui joue avec les clichés de la littérature sudiste, mais pour mieux les pervertir. Et ça c'est plutôt amusant !

Diana Cooke, le personnage principal,  a tout d'une "Southern Belle", façon Scarlett O'Hara en plus délurée et le portrait initial est assez plaisant, mais la suite de l'intrigue - mariée par ses parents à un homme très riche et peu scrupuleux pour sauver la maison familiale de la ruine, la fortune, le veuvage, les revers de fortune, le retour du fils, le jeune amant... - prend hélas des allures de roman à l'eau de rose, pimenté par des scènes érotiques dont on se lasse parce qu'on sent trop l'intention de l'auteur qui est de montrer la décadence du Sud, coupable à jamais d'avoir été esclavagiste. Du coup les personnages perdent beaucoup en crédibilité : des marionnettes manipulées par un écrivain habile, mais qui laisse voir les ficelles.
Qu'on l'aime ou qu'on le haïsse, le Sud mérite mieux !

06 août 2018

L'île au trésor




Un plan d'eau immense et toutes sortes d'activités aquatiques dans la banlieue parisienne : voilà le lieu dont Guillaume Brac a fait le sujet de son film. Le réalisateur filme le lieu, mais surtout les gens qui fréquent la base de loisir de Cergy et c'est pour cela que le documentaire est passionnant. Car sur cette île au trésor, il y a toutes sortes de gens, jeunes pour la plupart, des familles, des surveillants de baignade, des vigiles, des resquilleurs, mais quoi qu'il arrive l'ambiance reste festive et bon enfant parce que le regard que pose Guillaume Brac sur "ces gens" est simplement bienveillant.

L'île au trésor est un autre portrait de la "banlieue", sans voitures brûlées, sans insultes, sans agressions. Un portrait pas moins juste et somme toute rafraîchissant !

05 août 2018

Arles 2018 : les gens

Ils sont nombreux à se relayer à l'entrée des lieux d'exposition, prêts à scanner mon billet - dès que je l'aurai retrouvé au fond de ma poche, ou de mon sac ... 
Toujours aimables, toujours patients,  toujours souriants, toujours prêts à répondre à nos questions, à signaler un point particulier de l'exposition, ne serait-ce que la marche casse-gueule ! 
"Ils", ce sont les femmes, les hommes qui bossent pour les Rencontres d'Arles. Je n'en ai photographié que quelques uns, mais à tous j'aimerais par ces photos, rendre hommage.














04 août 2018

Arles 2018 : Mathieu Ricard



40 photos en noir et blanc - très blanc et surtout très noir - accompagnées de citations soigneusement choisies pour suggérer la haute spiritualité des lieux photographiés. 
C'était l'exposition attendue cet été à Arles puisque les photos sont signées Mathieu Ricard, le très médiatique porte-parole du Dalaï Lama. 
Oui, c'est vrai, les photos sont belles. Un peu trop de montagnes à mon gré cependant. Si bien que je me suis autant intéressée à la structure en bambous construite à l'occasion de l'exposition, de l'autre côté du Rhône, une scruture nomade prête à être remontée ailleurs. 


C'est Simon Veléz, un architecte colombien qui a conçu ce pavillon largement ombragé et ventilé sans gaspillage d'énergie !


03 août 2018

Arles 2018 : pêle-mêle photographique


 Année après année, je me pose la même question. Qu'est ce qui fait la dimension artistique d'une photo ? La photo est-elle un objet esthétique ou n'a-t-elle de valeur que documentaire ? En clair qu'est ce qui distingue la sélection d'Arles de celle de Perpignan ? Questions sans réponse que vient renouveler chaque exposition.

Ainsi la série intitulée The Last Testament de Jonas Bendiksen, qui s'intéresse aux pseudo messies, relève-t-elle du simple reportage  ou ... ? Le sujet est pour le moins original et l'on est fasciné par ces illuminés autant que par leurs sectateurs. La puissance des photos, subtilement mises en scène, tient à leur cadrage, mais aussi à la saturation des couleurs, qui tend à accentuer le côté un peu kitsch de ces images.


Le sujet choisi par Gregor Sailer, Villages Potemkine, est tout aussi surprenant, en effet, ce photographe autrichien est allé photographier un peu partout dans le monde des villes artificielles qui la plupart du temps servent de base d'entraînement aux militaires soucieux de se former au combat de rue. La surexposition permet d'accentuer le caractère irréel des lieux et leur confère une aura poétique qui contraste avec leur fonction réelle.

http://www.gregorsailer.com/The-Potemkin-Village

Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de belles photos ... dont l'intérêt premier reste documentaire ! 

Les photos proposées par Christophe Loiseau sont d'une tout autre nature. Elles résultent d'un travail effectué à la maison centrale d'Arles : avec les détenus, et en tenant compte de toutes les conditions imposées par l'administration pénitentiaire,  il a composé des portraits étonnants, sortes d'autoportraits entre réel et imaginaire, entre fantasmes et souvenirs pour les détenus qui ont participé au projet.
Avec ces photos on quitte le registre strictement documentaire, puisqu'à la représentation de la réalité le photographe ajoute une dimension onirique. Emotionnelle également. 


Quant à Nadav Kander, qui a remonté le Yangtze pour documenter l'évolution du paysage, ses photos sont à la fois très réalistes et d'une beauté stupéfiante. Elles disent la démesure, le passé et le présent, elles disent la destruction, la pollution qui n'empêche aucunement les riverains de continuer à vivre comme ils l'ont toujours toujours fait et de venir, en barque traditionnelle, pique-niquer au bord du fleuve. Le photographe documente bien la transformation du fleuve chinois sous la poussée de la modernité, mais en même temps, ses photos ont une qualité picturale évidente : cadrage, couleurs.



J'ai trouvé la même recherche esthétique dans les photos de Pasha Rafiy, dont le propos est cependant moins clair, car il est difficile de voir le lien entre le titre de l'expo, Bad News et l'impression de sérénité qui émane de la plupart des photos présentées.
Le titre de la série s'explique apparemment par le refus de D.T. d'être photographié par  Pasha Rafiy, la lettre de refus était présentée à la place du portrait envisagé ! Mais l'anecdote n'explique en rien les photos, et cette photo, par exemple,  en dit suffisamment par elle-même : l'angle, la transparence, les couleurs neutres, cette femme  - une japonaise si je me fie à son parapluie autant qu'à sa tenue - qui, du haut d'un immeuble contemple la ville  à travers la vitre ... contemplation? attente ? refuge ?  solitude ? temps suspendu ?  à chacun de se laisser porter par les multiples possibles de la photo.


Ce qui m'intéresse au fond, c'est ce que cette photo me permet d'imaginer, en dehors de tout discours, de tout concept imposé par le titre de la série. Car ce que j'aime dans une photos, c'est qu'elle soit, pour moi, comme le début d'une histoire. Celle que je ne raconterai pas, mais que je pourrais raconter.
Comme l'incipit d'un roman... 
Comme la première phrase de Salambo : "C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar" Je n'ai jamais lu le roman de Flaubert : pas besoin, la première phrase me suffit....
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Points de suspension pour une réflexion laborieuse et de toute évidence inachevée


02 août 2018

Arles 2018 : 3 convois funéraires

Il y a d'abord eu celui de Lincoln, assassiné à Wahington et dont le cercueil a été ramené à Springfield dans l'Illinois entre le 21 Avril et le 3 Mai 1865 : 12 longues journées qui ont permis au peuple américain de rendre hommage  à celui qui venait d'abolir l'esclavage et de mettre un terme à la guerre civile.
Je ne crois pas qu'il existe de photos de ce convoi. Mais les Rencontres d'Arles en proposent deux autres, qui sont comme des duplicata de ce premier convoi.

En 1968, c'est le cercueil de Robert Kennedy qu'un train ramène depuis New York jusqu'à  Washington, où il sera enterré à côté de son frère John.  Un trajet beaucoup plus court certes mais suivi lui aussi par des milliers d'Américains qui attendent le convoi debout à côté des rails.
Présent dans le train, un photographe, Paul Fusco, a choisi de pointer ces appareils vers ces gens venus rendre un dernier hommage à "Bobby" Certaines de ces photos on déjà été publiées dans des journaux, des magazines, mais mises bout à bout elles donnent à voir l'émotion des spectateurs de l'époque, d'autant que l'exposition est complétée par des photos d'amateurs retrouvées après une longue quête. Floues, les photos permettent d'imaginer le mouvement du train en même temps qu'elles constituent un témoignage sur la société américaine des années 60.


Le troisième convoi, plus récent puisqu'il date de 2016, est celui de Fidel Castro, photographié par Michael Christopher Brown.  Le trajet est très symbolique puisqu'il emprunte la piste de la victoire, celle de 1959 entre Santiago et La Havane. Mais c'est la comparaison avec le convoi de Bobby Kennedy qui est intéressant. L'émotion est perceptible ici aussi, mais les enfants des écoles en uniformes, les représentants des institutions, les drapeaux laissent penser que certains au moins étaient en service commandé.


Témoigner, documenter l'histoire, c'est effectivement une des fonctions de la photographie. A nous de les décoder correctement.