Je crains que ce roman ne soit un peu difficile à suivre pour les lecteurs peu familiers avec le monde de la mer et des bateaux. Parce que le récit que fait Einar Karason de cette effroyable tempête de l’hiver 59, est d’une précision et d’un réalisme … glaçant. En effet le principal danger que court le Mafur, un chalutier avec 32 hommes à bord qui termine sa campagne de pêche avec ses cales pleines de sébastes, vient autant de la mer et du vent que du poids de la glace qui recouvre le pont, alourdit le bateau et risque à tout moment de l’envoyer par le fond.
Le choix d’un récit essentiellement factuel est certes justifié parce que la vie à bord d’un bateau est strictement ordonnée, plus encore lorsque les conditions sont difficiles, mais le roman perd en émotion ce qu’il gagne en vérité. Les personnages n’émergent que peu à peu dans leur singularité, ce qui est tout aussi justifié, parce qu’un équipage c’est d’abord un collectif, où chaque individu a une fonction bien particulière. Ce n’est donc que dans la dernière partie du roman que peu à peu on s’intéresse non plus au sort du bateau, mais à celui des hommes : le maître d’équipage (un colosse), le premier lieutenant (gravement blessé) le radio (qui a mis ses habits du dimanche pour mourir dignement), le commandant (qui 4 jours et 3 nuits durant ne quitte pas la passerelle), les cuistots, les mécaniciens… et le jeune Larus, le seul à être nommé autrement que par sa fonction !
Le livre une fois refermé, on comprend qu’à travers le récit de cette tempête, l’auteur a voulu montrer qu’un équipage, soumis à de telles épreuves, n’a de chances de survie que dans la mesure où chaque individu s’oublie au profit du collectif.
« Tous pour un et un pour tous » ? un roman comme une leçon de philosophie politique ?
Oiseau de tempête est le deuxième roman traduit en français de cet auteur islandais. Il serait peut-être bon d’aller chercher les autres …