07 juin 2021

Yannis Makridakis, La Première veine

Un roman grec. Pas très gros,  mais en 90 pages Yannis Makridakis parvient à raconter deux vies, ou plutôt à faire entendre deux voix, celle d'Evgenia, ancienne prostituée et celle de Yorgos, ancien marin. Deux voix qui se croisent, mais ne se rencontrent jamais. 

C'est une jolie réussite parce que les récits alternés, structure très (trop!) usitée de la littérature actuelle, restent alternés jusqu'à la fin. Chacun son chemin, bien qu'Evgenia et Yorgos soient contemporains et donc inscrits dans l'histoire grecque du XXe siècle, entre guerre civile et dictature. Bien qu'ils aient  de surcroît quelques points communs, ne serait-ce que cette façon se déplacer de lieu en lieu, de port en port.

Pour Yorgos cela va de soi puisqu'il est marin et n'a cessé d'embarquer sur toutes sortes de bateaux, à une époque où la marine marchande grecque étendait sa diaspora dans le monde entier. Yorgos toutefois parle moins de sa vie en mer que de ses bordées à terre, et de sa fréquentation assidue ... des bordels et des prostituées !

Evgenia voyage sans doute un peu moins, mais son indépendance d'esprit lui fait claquer la porte dès qu'elle sens sa liberté menacée. Elle est prostituée, parce que c'est un moyen de gagner sa vie, mais c'est elle qui décide, c'est elle qui choisit. Réfractaire au mariage, elle mène sa vie comme elle l'entend, une femme sûre d'elle et volontaire, un beau modèle de féministe, sans même qu'elle ait jamais besoin de prononcer le mot.

Yannis Makridakis a crée deux "beaux" personnages qu'il fait parler à la première personne. Leur langage est celui de la parole, populaire, souvent crue, celle des gens qui n'ont pas peur des mots ni de ce qu'ils révèlent. Certains propos, de Yorgos en particulier, peuvent paraître tout à fait choquants si l'on oublie qu'il s'agit des propos d'un personnage, fictif donc, et non pas des propos de l'auteur. De toute façon, il m'importe peu que  les personnages de roman soient ou non recommandables, lorsqu'ils sont bien campés, ils finissent toujours par m'intéresser. Et des Yorgos ou des Evgenia, je n'en ai pas beaucoup rencontrés dans ma vie !

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