La possibilité d'une rencontre avec l'écrivain, organisée par ma librairie préférée, m'a jetée dans la lecture précipitée des 627 pages du dernier livre de Leonardo Padura avec une frénésie que je ne regrette pas. Car Poussière dans le vent est un roman époustouflant. Une oeuvre majeure dont Padura lui-même reconnaît qu'il n'aurait pas pu l'écrire il y a 30 ans quand sont sorti les Mario Conde.
Poussière dans le vent est une somme, un roman qui envoie son lecteur à Cuba bien sûr, mais aussi à Miami, Porto Rico, Madrid, Barcelone, Toulouse et ailleurs encore, autant de terres d'exil pour les personnages du roman et les Cubains en général. Et déjà on admire la capacité de l'écrivain à croquer un lieu, à décrire un paysage, urbain ou sauvage en quelques lignes. Comme on admire son habileté à faire vivre ses personnages, à les faire parler surtout, à travers des dialogues qui sonnent suffisamment juste pour qu'on ait l'impression de les entendre. Même en traduction !
Des lieux, des personnages, mais surtout des histoires dans l'Histoire. Celle de Cuba que l'on connaît mal et pour cause; la censure d'un côté, l'embargo de l'autre ne facilitent pas les échanges. Padura commence son roman à la fin des années 80, au moment de la dissolution de l'URSS désormais incapable de soutenir économiquement le régime castriste comme elle le faisait depuis 59. Commence alors la "période dite spéciale", celle des pénuries de tout, et surtout de nourriture. Ce qui permet aux Cubains de survivre, c'est essentiellement la débrouille et l'argent envoyé par les exilés. Dans ce contexte éprouvant, où tout le monde manque de tout, où tout le mode se méfie de tout le monde, Leonardo Padura inscrit huit personnages, unis par une amitié indéfectible, aussi attachés à leur île qu'à la maison de Fontanar - ah, la maison de Carla, comme j'aimerais la visiter, y habiter peut-être - où ils se retrouvent régulièrement. Leurs trajectoires se croisent, divergent, se recroisent dans un ballet incessant qui donne au roman sa dynamique. Et comme le romancier n'a pas oublié ce que l'écriture des romans policiers lui a appris, il prend soin de morceler le récit et de le suspendre dès que le lecteur est accroché pour le reprendre sous un autre angle, avec un autre personnage, un autre lieu, un autre moment. Le rythme est soutenu et jusqu'au bout le suspens est maintenu, car chacun des personnages connaît la vérité mais aucun des personnages ne connaît l'entièreté de l'histoire.
Poussière dans le vent est un roman brillant - un roman politique puisqu'à Cuba "tout est politique" - mais c'est avant tout un roman humaniste, un roman qui table sur les émotions. Car, et c'est Padura lui-même qui le dit, les sentiments l'emportent toujours sur la politique.
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