18 juillet 2022

August Sander


Trois fermiers s'en vont au bal. C'est le titre du premier roman de Richard Powers, publié en 1985 et inspiré par une photo d'August Sander, sa plus connue apparemment. Elle n'était pas à l'origine intitulée comme cela, mais c'est maintenant sous ce titre qu'elle est généralement présentée et en tout cas c'est elle qui est placée en ouverture de l'exposition du Centre Pompidou : Allemagne / Année 20 / Nouvelle Objectivité / August Sander . Une appellation qui donne une impression de grand fourre-tout, alors que l'exposition est entièrement articulée autour du travail photographique d'August Sander qui, dans les années 1920, a essayé de faire l'inventaire de la société allemande de son époque. Ou plus exactement une sorte de typologie sociale. En effet ce ne sont pas des individus qu'il a photographiés en tant qu'individus  avec un personnalité propre, mais des hommes et des femmes qu'il a photographiés en tant que représentants d'une classe sociale, d'un métier, d'une fonction. 

J'avoue avoir au début été un peu désarçonnée par le procédé, qui à mes yeux ressemblait un peu trop à un profilage judiciaire ou politique. Il s'agit bien de profilage, mais à visée sociologique. Avec, malgré tout, ce que cela implique de simplification. 

Si l'on reprend la photo mentionnée plus haut, intitulée par Sander Trois agriculteurs, on peut s'étonner de ne trouver aucun des outils habituellement utilisé en agriculture, susceptibles de signifier leur métier. Ces paysans sont au contraire endimanchés, et pour ainsi dire embourgeoisés et de plus,  les jeunes gens qui ont posé pour Sander n'étaient même pas agriculteurs, ils travaillaient dans une mine de fer ! Nous voilà donc devant une photo qui pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. Et c'est le cas de toutes les photos présentées dans l'exposition. Un questionnement au fond bienvenu puisqu'il m'a contraint à réviser mon préjugé initial. L'attention dès lors se porte moins sur la qualité esthétique des photos que sur le projet même de Sander, sur ses intentions, sur la méthode employée, sur ce qu'il signifie à l'époque où il a été mené (les années 20), sur les rapports entre son travail et celui des artistes de la Nouvelle objectivité, Otto Dix en tête.  Une exposition somme toute foisonnante et stimulante, qui finit par justifier son titre.

Reste à mesurer ce qui rapproche le travail de Sander de l'école de Düsseldorf  : 50 ans plus tard en effet Bernd et Hilla Becher entreprennent de recenser et photographier les constructions industrielles de leur région, une approche aussi  aussi systématique que celle de Sander. Une photographie qui vise elle aussi à l'objectivité. Reste qu'à mes yeux en tout cas, photographier des êtres humains ou des châteaux d'eau, des arrêts d'autobus, ce n'est pas tout à fait la même chose. 





L'exposition du Centre Pompidou est suffisamment riche pour justifier plusieurs passages. Heureux les parisiens. Malheureux les provinciaux. Qui ont malgré tout à leur disposition les livres des bibliothèques pour poursuivre la découverte. 

Aucun commentaire: