29 septembre 2025

Eli Cranor, Chiens des Ozarks

Ouais, bon. Encore un roman décevant. Un village dans les Ozarks au fin fond de l'Arkansas, une région qui ne constitue pas vraiment le fond touristique des Etats-Unis, cela me disait assez. Oui mais voilà. Pour bien marquer le coup l'auteur accumule tous les lieux communs que l'on trouve sur les "hillbillies" des Appalaches, petits blancs pauvres et sans éducation. Arkansas, West Virginia, même combat ! Alors on a droit à la vieille casse où s'empilent les voitures rouillées et au vétéran, jamais remis de ce qu'il a dû faire pendant la guerre (Irak ou Vietnam peu importe); on a droit aux familles décomposées et dysfonctionelles, aux gamins perdus qui n'ont d'autre ressource que de fabriquer et vendre de la meth, à un shérif - ah, une femme pour changer un peu - dépassée par les événements, et comme on est un peu dans le Sud quand même, on ajoute des suprématistes blancs décérébrés. Cela fait quand même beaucoup pour un seul roman finalement assez plat. 

Bon, la critique a bien aimé. Moi pas.

24 septembre 2025

The left handed girl

 Le film s'appuie sur le préjugé qui faisait (qui fait ?) de la main gauche la mauvaise main, la main impure, la main du diable. A Taiwan comme ailleurs. En fait, la réalisatrice de Left handed girl, Shih-Ching Tsou et son comparse Sean Baker s'emparent de ce préjugé pour raconter bien d'autres choses.  

 En gros, pour raconter l'histoire d'une famille,  un trio de femmes : mère, fille et la petite gauchère du titre. Trois femmes, mais ni père ni mari apparemment, en tout cas pas à proximité.  Ah si, un grand-père, vieux râleur à l'ancienne qui s'obstine à penser que la main gauche est une mauvaise main. Pas beaucoup d'argent, alors, pour s'en sortir tous les moyens sont bons, un petit stand de restauration sur le marché de nuit  (avec un voisin très attentionné),  ou d'autres petits accommodements pas forcément honorables. Mais la gamine pétille. Alors ... 

Portrait de famille, fresque sociale, il y a un peu des deux dans Left handed girl et comme cela se passe à Taïpei, que le film est plein de couleurs et même un peu kitsch, on croit que c'est très loin d'ici, très exotique donc. Mais peut-être pas tant que cela. Changez l'esthétique, optez pour une mise en scène moins pétillantes, et une gamine à peine moins délurée ... les situations et même les personnages sont aisément transposables. 


 

 


20 septembre 2025

Nathan Hill, Bien-être



Le deuxième roman de Nathan Hill est certainement très ambitieux et très intelligent, mais il est passablement rasoir. Parce que l'intention démonstratrice l'emporte sur le romanesque. 

Le premier chapitre commençait pourtant bien, avec deux personnages qui se regardent dans le noir depuis leur fenêtre, mais très vite leur histoire devient celle de deux individus d'origines différentes, échantillons sociaux dont l'auteur va décortiquer la vie morceau par morceau.  Ce faisant, il traque tous les travers de notre temps, et c'est parfois drôle, mais vite lassant. Si bien que j'ai laissé tomber à mi-parcours. 

Après, malgré tout, m'être régalée d'un chapitre sur les Flint Hills  et la représentation de la prairie dans la peinture américaine.  Un chapitre qui me permet de dire que l'écriture est pour Nathan Hill ce que le scalpel est pour un  ... autopsiste "qui procède à une analyse approfondie et systématique de chaque organe" pour mieux comprendre et expliquer le fonctionnement de l'ensemble. 

Alvan Fischer, Paririe on fire

Le roman de Nathan Hill sera certainement très utile aux historiens qui voudront comprendre comment se comportaient les êtres humains au tournant du XX1e siècle.  Le tableau, pour autant que j'ai pu en juger est souvent caricatural, le trait est forcé mais plutôt juste. Je n'ai malgré tout pas eu la patience d'aller au bout des 668 pages auxquelles s'ajoutent une centaine de références bibliographiques ! Et j'en suis encore à me demander si Bien-être est un roman ou une étude psycho-sociologique. Une somme en tout cas. 

16 septembre 2025

Bérengère Douchin


 Liaisons dangereuses était le thème de l'exposition actuellement présentée par la Maison des arts plastiques de Grenoble et de l'Isère (Magpi) à l'ancien musée de la place Verdun à Grenoble; ce thème m'a paru particulièrement bien illustré par le triptyque de Bérengère Douchin.  Les conditions d'accrochage et surtout d'éclairage sont loin d'être idéales dans cette ancienne bibliothèque et ma photo ne rend pas bien compte de la luminosité de ces trois petits tableaux. 

Du coup la curiosité m'a poussé à aller voir ce que je pouvais trouver sur son site, riche de propositions souvent très colorées qui montrent la diversité des techniques et des supports qui permettent à Bérengère Douchin de montrer l'étendue de ses talents. 

https://berengere-douchin.jimdofree.com/ 

14 septembre 2025

Alechinsky en couleurs

En couleurs, j'aime beaucoup aussi. 
 
 


 

Alechinsky en noir et blanc

 
 
 
 
 

 
 



Des formats variés (et des reflets dans les verres) mais cela fait longtemps que j'aime le travail d'Alechinsky. Le détour par Alès et le musée Pierre-André Benoît comme une évidence. 

13 septembre 2025

Nîmes, Lucas Arruda

Les salles du Carré d'art de Nîmes sont très grandes et très blanches. Et les toiles de Lucas Arruda sont très petites. Si bien qu'en ouvrant la porte de la première salle on se dit, non, ce n'est pas possible ... 
Il faut donc avancer pour se rendre compte ...

 
Et plus on avance, plus on s'aperçoit qu'il ne s'agit pas de monochromes ... 

 
Jusqu'à ce que, progressivement, on devine un horizon, un ciel ...


Et qu'enfin, le nez sur le tableau, on entre littéralement dans un paysage. La mer souvent, mais parfois, un rivage, bordé d'arbres. 
 
 
Et ce n'est qu'à ce moment là que l'on perçoit la précision des traits, la finesse des couleurs, la justesse avec laquelle est rendue l'amosphère.
 

Les tableaux de Lucas Arruda exigent cette avancée progressive vers le tableau, dans lequel le spectateur va alors s'sbsorber, avant de reculer et de s'en séparer. A regret. 
 

 

12 septembre 2025

11 septembre 2025

Parfois il fait gris, parfois il fait beau ...

 ... à Marseillan. 

 

 

 Le ciel et l'eau. 

Bleu ou gris, gris ou bleu : ça dépend des jours, ça dépend des moments, du soleil et du vent. 





 

10 septembre 2025

Florence Cestac


 Je ne connaissais pas cette autrice de bande dessinée. Cet album m'a été offert récemment et j'ai pris le titre comme une attention flatteuse à mon égard. Ya pas de mal à se faire du bien, n'est ce pas ? 

Et puis surtout,  il y a sur la couverture la référence à Rosie la riveteuse, l'affiche de propagande imprimée pour encourager les femmes américaines à contribuer à l'effort de guerre en 1942. Une affiche dont l'aura est bien supérieur à l'intention initiale de son commanditaire, comme le montre cet épisode du dessous des cartes  : https://youtu.be/EWh6ncilRiw?feature=shared 

Arles 2025 : Stéphane Couturier

 

 

Il n'est pas facile de rendre compte des photos de Stéphane Couturier. Parce qu'à première vue, quand on pénètre dans le réfectoire de l'Abbaye de Montmajour, on voit de grands tableaux très colorés et assez embrouillés ...


... avant de se rendre compte, en s'approchant, qu'il s'agit de superpositions. On devine derrière les masses colorées des formes architecturales,  baies vitrées, escaliers, éléments de maçonnerie, mobilier éventuellement... 
Le projet de Stéphane Couturier, expliqué dans la vidéo qui accompagne l'exposition, est passablement complexe en effet, parce qu'il essaye de restituer et de rendre visible la rencontre entre Eileen Gray et Le Corbusier. La première a fait construire une villa extrêmement moderne pour l'époque. 
 

 

Une dizaine d'années plus tard, Le Corbusier, de passage pour quelque temps dans la villa, décide d'y ajouter sa touche en peignant de grandes fresques sur certains murs  Sans le consentement d'Eileen Gray ! L'histoire dit que depuis, elle n'y est jamais revenue.

Les superpositions photographiques de Stéphane Couturier rendent compte de cette "annexion" du domaine d'Eileen Gray par un autre artiste à l'ego démesuré. La démarche de Le Corbusier est pour le moins curieuse, envahissante certainement, et, me semble-t-il, totalement abusive.  C'est cette emprise de Le Corbusier sur la maison d' Eileen Gray qui est ici restituée de façon spectaculaire et crée comme un malaise. 

 

Arles 2025 : Patrick Wack

Le magazine Polka dans son numéro de Juillet, met en évidence le livre de Patrick Wack, dont le titre "Azov horizons" est peut-être moins parlant que le titre même de l'article de Joseph Kohler "Front de mer contre front de guerre", un titre que deux images suffisent à illustrer. 

La série de photos présentées à l'Abbaye de Montmajour alterne en effet, photos de vacances lumineuses et d'une grande banalité - mais d'une banalité heureuse - sur les bords de la mer d'Azov et d'autres photos des destructions causées par la guerre à quelques kilomètres plus loin dans les terre ukrainiennes. 

Ici et maintenant, bonheur et malheur. De quoi interroger nos consciences. 

https://www.polkamagazine.com/patrick-wack-front-de-mer-contre-front-de-guerre/ 

09 septembre 2025

Arles 2025 : Ann-Christine Woehrl

Parmi les nombreuses expositions proposées par la Fondation  Manuel Rivera-Ortiz, il y a la série de photos d'Ann-Christine Woehrl, intitulée Witches in exile qui "met en lumière le sort des femmes exilées dans le nord du Ghana, accusées de provoquer des malheurs, des maladies et des morts. Ces femmes sont contraintes de fuir leurs villages pour se réfugier dans des camps de sorcières, où elles perdent tout : famille, maison et dignité."

 
Indépendamment de leur intérêt sociologique, ces portraits sont d'une intensité remarquable : impossible de passer devant ces femmes sans s'interroger sur ce qu'elles pensent, ce qu'elles ressentent. 


https://mrofoundation.org/Exposition-en-cours 

 

Arles 2025 : Bérénice Abbott (bis)

 Oui,  je suis repassée par Arles, parce que je voulais revoir les photos de Bérénice Abbott. En effet,  même si je n'ai pas connu l'Amérique des années 50, ses photos me paraissent intemporelles. Elles sont aussi... candides ? En tout cas dénuées d'intention si ce n'est saisir un lieu, un instant, avec ou sans personnage. Ni laudative, ni critique. L'Amérique telle qu'elle était et tel qu'elle est encore un peu. 

 

Comment ne pas penser à Mark Twain et Huckleberry Finn  ?  

  

Le gabarit des voitures dans le parking n'est certes pas le même, mais il suffit de remplacer  les cheminées d'usine par les derricks  pétroliers ou les sites d'exploitation des gaz de schiste dans le Dakota du Nord pour retrouver l'Amérique industrielle si peu soucieuse de son environnement. 

 

Les "farmer's markets " installés au bord des routes, identiques à ceux d'aujourd'hui. Les mêmes cageots en tout cas. 

Le vieil hôtel, qui fait aussi drugstore au coin de la rue déserte



Et le panneau qui interdit les ivrognes comme ceux qui auraient l'idée de jurer et de mal parler ... oui c'est bien ce que l'on peut voir encore aujourd'hui aux Etats -Unis pour peu que l'on s'éloigne des grandes villes et des parcs nationaux. 

Mais la photo qui continue de m'intriguer est la suivante ...

Le panneau au-dessus de la tête de le serveuse semble indiquer que c'est à cet endroit, et à cet endroit seulement que les Noirs peuvent venir récupérer leur commande, auprès de la serveuse blanche.  Le cadrage de la photo laisse entendre que Bérénice Abbott a pris la photo sans rien demander à personne, depuis la table où elle était vraisemblablement assise. C'est en 1954 que la photographe a parcouru la Route 1, 10 ans avant la signature du Civil Rights Act qui mettait "officiellement" un terme à la ségrégation.  Le même lieu aujourd'hui ?  Qu'est-ce qui a changé ? Mêmes tabourets, même cafetière, même panneaux sans doute (sauf le colored take out ? ), mais peut-être pas le jukebox.... 
 

08 septembre 2025

Jesmyn Ward, Nous serons tempête

 

 Nous serons tempête est le troisième roman de Jesmyn Ward, un roman aussi percutant que les deux premiers; en tout cas, lire Nous serons tempête, c'est partir pour une vraie aventure littéraire. 

En effet au-delà du sujet, et des thèmes abordés, Jesmyn Ward c'est d'abord un souffle, une voix, une façon d'écrire qui se tient à la limite du réalisme, du lyrisme et même du fantastique, puis que Nous serons tempête raconte la descente vers le Sud d'une jeune esclave, dont la mère a été vendue pour satisfaire la vengeance de son propriétaire. Quelque temps plus tard, son tour vient quand un convoi d'esclaves est organisé pour rejoindre le marché aux esclaves de la Nouvelle Orléans. Brutalités, sévices, rien n'est épargné aux esclaves dans cette longue marche, sans jamais de répit, parce que la cruauté humaine n'a pas de limite, et ce voyage n'est rien d'autre qu'une descente aux enfers. 

Mais Jesmyn Ward n'en reste pas là, car son personnage principal Annis est une femme qui résiste, une femme dont la force tient à sa connaissance de la nature, des herbes et des champignons qui lui permettent de survivre, mais tient aussi à sa connivence avec les esprits de ceux qui ont disparu, avec celui de sa mère, qui lui a appris à se battre, celui de sa grand-mère Aza, guerrière du Dahomey.  L'écrivain contraint ainsi son lecteur, à renoncer en partie du moins, à son rationalisme et à vivre dans un univers où les disparus ont encore leur place, ne serait-ce que dans la tête de ceux qui leur survivent. D'une certaine façon, Nous serons tempête est bien un récit de deuil, mais aussi une célébration du lien maternel, et pour finir un roman sur la capacité de chacun à trouver son propre chemin. En dépit de tout.



07 septembre 2025

Perpignan, Visa pour l'image





 


Ruelles pittoresques, murs colorés, Perpignan n'est pas dénué de charme ...  quand les immeubles sont restaurées et les façades repeintes, mais la couleur ne masque pas la misère et la décrépitude de certains quartiers. 

En fait je n'étais pas venue à Perpignan pour gloser sur l'urbanisme, mais pour découvrir, Visa pour l'image, le festival de photojournalisme sur lequel je m'interrogeais depuis longtemps, puisqu'aux Rencontres d'Arles, que je fréquente régulièrement, certaines exposition me paraissent parfois relever des mêmes intentions. La différence m'a vite sauté aux yeux : orphelins roumains, vieillards séniles, guerres, incendies, famines ... il faut avoir l'estomac (l'esprit ?) bien accroché pour affronter en bloc toute la misère du monde.  On est vite submergé. 

Les photos de Visa pour l'image ne sont définitivement pas de celles que l'on a envie d'accrocher dans son salon, mais il convient pourtant de les regarder les yeux grand ouverts. Quitte à s'interroger ensuite sur l'efficacité de la démarche. Montrer c'est dénoncer, mais ce n'est pas changer. Alors j'ai quitté les couloirs et les enfilades de photos avec la misère accroché à mes basques. 

Mon regard s'est attardé un peu plus sur les photos d'Anush Babajanyan sur la mer d'Aral, parce qu'elles apportent un contrepoint au livre de Cédric Gras, Les Routes de la soif, lu cet été et parce qu'elles parlent de reconstruction et de résilience, laissant ainsi une petite place à l'espoir. 

"Ce projet offre un voyage visuel à travers un paysage en évolution, où la catastrophe fait place à la reconstruction, et la perte à la résilience. Dans un paysage longtemps défini par la tragédie, « Après la mer d’Aral » met en lumière l’adaptation tranquille de communautés déterminées à se bâtir un nouvel avenir. "

https://www.visapourlimage.com/festival/expositions/apres-la-mer-d-aral 

https://www.anush-babajanyan.com/

04 septembre 2025

Dawnie Walton, Le Dernier Revival d'Opal et Nev


La couverture est légèrement, hypnotique ... et même psychédélique pour reprendre un mot des années 70. Car c'est bien cette période que la jeune romancière Dawnie Walton se propose de faire revivre en imaginant - car oui, tout est fictif malgré les apparences - un groupe musical improbable puisqu'il s'agit d'un musicien blanc, anglais de surcroît et d'une chanteuse noire à forte personnalité. Le duo s'est constitué et a connu le succès grâce à leur musique (tendance punk?), mais il est surtout resté dans les mémoires pour avoir provoqué une émeute au cours de laquelle un musicien a été tué. 

L'histoire, on le devine, n'est pas simple et pour souligner les incertitudes, mais aussi l'incroyable énergie de la décennie, Dawnie Walton multiplie les points de vue et fractionne son récit en une multitude de fragments, effet stroboscopique garanti.  Malgré sa complexité le roman est remarquablement maîtrisé et donne l'illusion au lecteur de tout savoir sur les petitesses et les grandeurs du milieu musical aussi bien que sur les enjeux politiques et sociétaux des années 70.  Le Dernier Revival d'Opal et Nev est un roman qui réveillera la nostalgie de certains et suscitera la curiosité des autres. Et il y a fort à parier que Dawnie Walton n'en restera pas à un seul roman. .

03 septembre 2025

Leonor Antunes au CRAC de Sète



Les centres d'art contemporains, qu'ils soient régionaux ou nationaux sont là pour nous réveiller et stimuler notre curiosité. Parfois ça marche. Parfois ça ne marche pas.