Le problème avec les livres dits "culte" est que l'on en attend toujours trop et que l'on se demande, tout au long de la lecture, ce qui a bien pu justifier cette étiquette.
Le Gang de la clef à molette, publié en 1975, est le premier roman d'Edward Abbey, mais j'avoue n'avoir qu'à été qu'à demi convaincue.
Quatre personnages du genre branquignol - un vétéran du Vietnam (passablement déjanté), un guide mormon (polygame), un chirurgien fortuné (c'est lui qui finance le groupe) et sa petite amie (ultra sexy) - tous ulcérés par les méfaits de la société moderne sur l'environnement, se lancent dans une campagne de sabotage, avec l'intention de faire sauter le barrage de Glen Canyon.
Le sujet rappelle étrangement un roman de Jim Harrison, paru deux ans plus tôt : Un bon jour pour mourir. Dans ce roman, trois personnages (dont un vétéran du Vietnam) traversaient tous les Etats-Unis depuis le Sud de la Floride, avec un seul but en tête : faire sauter le barrage de ... Glen Canyon. Un voyage largement arrosé de bières et de substances diverses. Comme celui d'Edward Abbey. Etrange coïncidence ....
Il est vrai que ce barrage sur le Colorado, inauguré en 1966 mais dont la construction avait commencé 10 ans plus tôt, a suscité bien des polémiques en raison de son impact sur l'environnement. Le roman d'Edward Abbey, dont on connaît la passion pour cette région des Etats-Unis et pour le désert en particulier, est ainsi devenu une référence pour les écologistes les plus radicaux : pour les militants de Earth First les personnages du gang de la clef à molette sont des modèles à suivre, des éco-activistes. No Compromise in Defense of Mother Nature !
Le roman d'Edward Abbey a ainsi joué un rôle important dans l'histoire de la contre-culture américaine. Eveil d'une conscience écologiste, rejet d'une société abusivement matérialiste, appel à la désobéissance... Oui, il y a tout cela dans ce roman un peu trash. Mais les personnages sont sans doute trop déjantés pour être tout à fait crédibles. Et surtout trop pleins de contradictions : Brûler les panneaux publicitaires qui dénaturent le paysage, soit ! Mais balancer ses canettes vides le long des autoroutes pour ajouter à la pollution ambiante ? Refuser l'industrialisation, mais rouler en 4 x 4 ? Faire sauter les ponts, dérailler les trains ? Edward Abbey force le trait, son registre est celui des "comics" plutôt que celui du roman, comme le suggèrent fort bien les illustrations de Robert Crumb des éditions Dream Garden.
Pour ma part, je préfère la couverture de l'édition originale, plus subtile.
Je préfère surtout un autre roman d'Edward Abbey, l'histoire d'un vieil homme qui se bat pour garder ses terres, convoitées par l'armée qui veut étendre une base de lancement de missiles du côté des White Sands. Le Feu sur la montagne a été écrit en 1963. Avant que l'auteur ne se radicalise.
Dans l'édition Gallmeister du Gang de la clef à molette, qui date de 2005, une préface signée Robert Redford évoque son amitié avec l'écrivain dont l'engagement pour la défense de la nature est sans faille. Mais cet engagement même fait de lui un "loup solitaire". La terre avant les hommes, voire sans les hommes.
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